Chapitre 34 : sur les traces du Scorpion (première partie)

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Veino se trouvait perché sur une gouttière dans les quartiers des Vecchi Canali, les vieux canaux. C'était une part importante de Venyce où la majorité de la classe populaire vivait. Les eaux rendaient les déplacements plus compliqués et étaient la raison principale du pourquoi la bourgeoisie n'y habitait pas. C'était beau certes, mais un vrai seigneur se devait de marcher sur la terre ferme. Dieu n'avait pas fait l'homme poisson, c'était bien pour une raison.

Veino observait une fenêtre bien particulière. Elle se découpait dans la froide brume de ce lever du jour. L'air ici était plus salin qu'ailleurs et venait surprendre les narines autant que les yeux. Pourtant, il ne s'en préoccupait guère. De sa position, il voyait distinctement le Scorpion parler avec Amilia. Voilà les deux garces, pensa-t-il.

Vittorio et sa véritable armée d'espions les avaient localisées avec une facilité déconcertante. Le bras droit du mage noir ne possédait certes pas les immense pouvoir de son maître, mais il pouvait compter sur des ressources dont peu d'hommes disposaient.

Il serra les poings. Beaucoup d'émotions se rappelaient à lui et il sentait l'impatience le gagner comme un venin sous sa peau. Reste calme. Tuer un assassin requérait discipline et précision, des compétences qu'il avait méticuleusement regagnées pendant plus d'un mois. Il se sentait à nouveau chez lui dans son corps et refusait que son esprit toujours fragile le fasse échouer. Il se concentra sur les détails.

Il possédait les plans de l'immeuble en tête. Il y avait beaucoup de fenêtre et donc beaucoup de possibilités. La chambre plongée dans le noir offrait la meilleure entrée. Les deux femmes se trouvaient dans le salon et leur discussion semblait animée. Elles s'embrassèrent longuement. Intéressant. Ainsi, elles étaient amante. Veino s'amusa presque de voir son pire ennemi faire preuve d'affection, un comportement généralement réservé aux êtres humains. Le Scorpion s'empara de son sac à main et sortit de l'appartement. Il la vit descendre dans la rue héler une embarcation. Il s'apprêtait à la suivre lorsqu'une meilleure idée lui vint. Amilia était restée seule.

La jeune femme paraissait soucieuse. Parfait. Comme une ombre, il se faufila de gouttières en arcades et d'arcades en avant-toits. Tant et si bien qu'il se trouva près de la fenêtre convoitée. Il plaça alors sur l'un des carreaux un petit objet à l'allure de compas. Un tour de poignet lui permit de détacher un cercle de verre et d'ouvrir discrètement la fenêtre. Il entra sans un bruit.

Un lit à baldaquin emplissait le tiers de l'espace et faisait face à une coiffeuse. Veino croisa son regard froid et sa silhouette noire dans un grand miroir posé contre le mur. Quelques habits trainaient dans un coin à côté d'une armoire à moitié remplie et de bagages à peine ouverts.

Il se rendit à la porte et écouta. Des bruits de tasse et d'assiettes provenaient de la cuisine. Il se retrouva dans un couloir et marcha précautionneusement en direction de l'agitation. Il vérifia tout de même le salon pour être sûr qu'aucun éventuel complice ne s'y cachait. Rassuré, il se tint accroupi dans l'embrasure de la porte et s'empara de son pistolet automatique Barderazzo calibre 0.38 spécial. Deux secondes plus tard, il entrait.

— Bonjour, très chère. Amilia, si j'ai bonne mémoire ?

À l'entente de la voix, la jeune femme lâcha la tasse de thé qu'elle était en train de préparer et poussa un cri. La porcelaine se brisa à terre où le liquide brûlant se rependit. Elle se retourna d'un bloc et un couteau à lancer siffla dans l'air. Heureusement, Veino avait prévu la manœuvre et était entré baissé. Tchoc ! fit le couteau en se fichant dans le mur. Il tira en riposte et un coup de feu étouffé brisa le reste du petit déjeuner.

Novus Ordo - Venyce tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant