Chapitre 7 : entre quatre yeux (troisième partie)

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— Bien, reprenons depuis le début, déclara l'inspecteur. Quels sont les souvenirs que vous avez de cette fameuse soirée ?

Le Sans-Nom mima la concentration.

— Eh bien, je me souviens être arrivé alors que la fête battait déjà son plein. Je me suis rapidement joint aux invités

Il réfléchit s'il devait parler d'Amilia. Il décida que oui, faute de mieux et n'ayant aucun autre nom à donner. Il ne se faisait pas trop d'illusion cependant : Porte Noire ne la retrouverait jamais. Il espérait tout de même que ce nom serait sur la liste des invités du bal. Cela renforcerait ses dires.

— J'ai conversé avec moult gentilshommes, mais ma mémoire me fait défaut quant à leurs noms.

Vargus serra les poings et un sourire sadique marqua ses traits grossiers.

— Attendez ! Je me souviens d'une danse. J'ai fait la connaissance d'une ravissante demoiselle. Ah, ma tête me fait violence ! Pourtant, je me souviens de ses lèvres. Amilia...oui, c'est cela. Elle m'a dit s'appeler Amilia Farione. Fille de Carmelo Farione, si mes souvenirs sont exacts.

— Continuez.

Le Sans-Nom prit un air contrarié.

— À la vérité, c'est à ce moment que mes souvenirs deviennent peu clairs. Elle m'a proposé de venir prendre un apéritif dans une suite lui étant à sa disposition. Toutefois, je ne me souviens pas y être ressorti, ce qui est étrange, car je tiens naturellement bien l'alcool.

Il se donna une contenance.

— Voyez-vous, je ne suis pas gentilhomme à offusquer une femme alors j'ai accepté, mais seulement par politesse. Nous avons bu un peu. C'est une personne charmante vous savez, et pleine d'esprit. Je me souviens que nous avons beaucoup discuté, cependant la suite ne me revient pas.

Il surprit le visage de Vargus qui esquissait une grimace de plaisir et s'empressa d'ajouter :

— C'est vraiment fâcheux, j'en suis conscient, mais j'ai une absence de mémoire. Je vous prie de me croire.

Montineti fronça les sourcils.

— C'est fâcheux, en effet, dit-il. Parce que nous n'avons pas trouvé cette personne parmi les cadavres.

— Les cadavres ?!

Les yeux du Sans-Nom passèrent de Vargus à Montineti puis de Montineti à Vargus. Il avala sa salive, sa bouche était sèche et ses muscles tétanisés. Il jouait son rôle à la perfection, mais ne tiendrait plus très longtemps. La douleur devenait insupportable.

L'inspecteur se plaça alors derrière lui et lui murmura à l'oreille comme à un enfant.

— Mais oui, vous savez. Les deux Protecteurs-mécaniques que vous avez massacrés avant d'assassiner lâchement notre bien aimée princesse gardienne des douze Sceaux.

— Mais je ne vois absolument pas de quoi...

Montineti en avait assez. Il fit un rapide geste de la main et Vargus commença à battre le prisonnier. Ce dernier attendait la bastonnade depuis quelques minutes déjà. Qu'il ait pu la retenir jusque-là le surprenait. Cela ne rendait pourtant pas les coups moins durs et il ne se priva pas de le faire remarquer à grands cris. Les premières heures d'un interrogatoire musclé restaient toujours les plus difficiles, car l'esprit n'acceptait pas encore la violation de son intégrité physique. Il fallait se montrer patient et attendre que la douleur devienne grisante à force de répétition. Pourtant, cette fois c'était différent. Il sentait son corps perdre en force à chaque nouvelles frappes.

Au bout d'un moment, une éternité pour le Sans-Nom, l'officier ordonna de cesser. Le prisonnier cracha du sang visqueux. Il avait du mal à respirer, la moitié de ses côtes devaient être cassées. Il essaya d'articuler malgré sa mâchoire gonflée.

— Vous...vous êtes fou. Comment...moi...simple marchand... ?

L'inspecteur fronça les sourcils.

— Pardonnez-moi, mon bon monsieur, il m'est difficile de vous entendre. Vous dites ?

Le Sans-Nom avait tant mal qu'il n'arrivait plus à se concentrer. Il allait perdre connaissance.

— Moi...marchand ! tenta-t-il une dernière fois.

Montineti soupira en s'adressant à Vargus.

— Seigneur, mais c'est qu'il y tient à ses foutaises. Apparemment, la méthode douce ne fonctionne pas. On va avoir besoin des outils.

Le bourreau jubila à cette nouvelle. Il se frotta les mains et commença à sélectionner quelques instruments qu'il posa, parfaitement alignés, sur la table.

Le Sans-Nom n'en pouvait plus. La drogue qu'Amilia lui avait administrée plus tôt l'avait affaibli et il sentait son corps s'éteindre. La douleur n'était plus qu'un écho lointain. Étrange. Il sombra dans les limbes.

Montineti poussa un juron. Il ordonna à Vargus de le remettre en état, mais cette fois, c'en était trop. Les seaux d'eau croupie n'y firent rien et le prisonnier ne se réveilla pas.

— Il est encore en vie, déclara timidement le bourreau comme s'il venait de casser son jouet et que son père aller le gronder.

L'inspecteur serra les poings de frustration. Il ne pouvait pas se tromper. Le corps de l'homme était celui d'un assassin, tout en muscle, pas celui d'un marchand ou même d'un bretteur de cours. Il n'était sûrement pas seul dans le coup, mais sa présence sur les lieux du crime l'accablait. Pourtant, un doute subsistait.

— Gardes ! appela-t-il finalement.

Deux matons en uniforme noir entrèrent, le visage blasé et les traits fatigués.

— Raccompagnez notre invité à sa cellule.

Ils détachèrent le Sans-Nom et le trainèrent sans ménagement hors de la pièce.

Montineti fit la moue en jouant avec son crayon. Un doute subsistait, certes. Cependant, il restait encore plusieurs interrogatoires avant la pendaison. La bonne nouvelle que voilà.

Merci pour ta lecture, courageux lecteur-aventurier/courageuse lectrice-aventurière ! Si ce chapitre t'a plus, n'hésite pas à le liker pour lui donner plus de visibilité :) Tu peux aussi me donner tes impressions de terrain en commentaire pour m'aider à améliorer mon histoire ;) Ces jungles sont profondes, prends garde à toi et bonne continuation pour la suite de cette aventure !

Novus Ordo - Venyce tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant