Chapitre 43 : illumination (première partie)

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Haziel fulminait. La piste du Sigil menait à une impasse et le meurtrier de Sa Distinguée courait libre et hors d'atteinte. Quel affront pour un homme tel que moi ! pensait-il. Jamais de toute ma vie de guerrier je ne me suis couvert à ce point de honte. Il empoigna son martinet couvert de sang et se flagella. Les nœuds de cuir aussi durs que de la pierre laissèrent de vives écorchures dans son dos. La douleur résonna dans sa chair aussi sûrement que dans son âme. Le repentir demandait du sang et des larmes. La purification ne tolérait aucune faiblesse.

Il serra les dents puis recommença.

Voilà près d'une heure qu'il s'infligeait ce traitement, à genoux sur les dalles en pierres de chapelle de la Belle, dans l'espoir du pardon de Dieu. De la lumière abondait d'un vitrail derrière le grand crucifix et éclaboussait son visage. Un visage couvert de larmes aux yeux déterminés et perdus ; le regard de quelqu'un prêt à tout. Haziel encaissait chaque coup avec la hargne d'aller jusqu'au bout. Il n'abandonnerait pas avant un signe, une direction.

Cependant, le sang qui se rependait sur le sol témoignait du peu de temps qu'il lui restait avant de perdre connaissance, ou pire. Ses forces le quittaient et avec lui son âme.

— Seigneur, je vous en prie, murmura-t-il entre ses larmes. Seigneur...

Il tomba sur le côté, à bout de force. La pierre froide rencontra son torse nu et cela lui fit du bien. Il brulait, se noyait dans le feu purificateur. Là, dans un néant loin des hommes, il vit sa vie défiler devant ses yeux.

Un adolescent à la carrure d'adulte échange une poignée de main viril avec un recruteur de l'armée pontificale. Un officier sur une tribune, au milieu de la cour d'une caserne, prononce son nom dans la froide aurore du matin. Il salue fièrement un général trois étoiles dans un bureau luxueux, ses certificats d'admissions dans les forces spéciales du Saint-Siège en main. Un homme grand et tatoué lui saute à la gorge. Il lui passe l'épée diamant au travers de la gorge puis le pousse sur l'autel impie qu'il vénérait.

Trop d'images, de sons et d'odeurs. Le flou.

Cao lui parle. Le plafond de verre l'éblouit. Il s'agenouille et reçoit le sacrement. Des morts, encore. Des choses innommables vomies par l'éther. Dieu le guide.

Le flou.

La princesse est morte...

La Grande guerre arrive.

Ciristio.

Haziel ouvrit les yeux, le souffle court. Le sang dans son dos avait commencé à coaguler et il gémit lorsqu'il s'arracha au sol froid.

— Seigneur, pourquoi me montres-tu cela ? implora-t-il. Je ne comprends...

La vérité lui apparut. Le Constructeur, ce blasphémateur adorateur de la Science, avait menti. La raison lui échappait, mais Dieu lui révélait la voie. Le serpent s'était caché dans le cœur de son ennemi.

Le maître des secrets n'y a vu que du feu. Comment est-ce possible ? Il se releva, les jambes mal assurées. L'amitié peut aveugler le plus vigilent des hommes. Aimer un autre que le Tout-Puissant est dangereux. Quelle faiblesse !

Il joint les mains en une prière de remerciement. Il se savait être un élu et le Seigneur n'abandonnait jamais ses favoris. Il en avait douté, mais c'était fini à présent et sa détermination s'en trouvait d'autant plus renforcée. Il allait rendre visite à ce traître et le purifiera de tous ses secrets. Il fallait juste qu'il soit discret. Cao ne devait rien savoir.

Novus Ordo - Venyce tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant