11. LA CONCILIATION

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Nora

La joie que j'ai ressenti plus tôt se dissipe aussi vite qu'une poussière emportée par le vent. La froideur de son attitude me broie le cœur d'une violence infernale. En cet instant, impossible d'imaginer que les yeux qui me regardent de la sorte m'ont un jour voué tout leur amour.

Je baisse la tête mal à l'aise et feins de farfouiller dans mon sac à main pour y chercher mes clefs, même si en réalité je sais parfaitement où elles se trouvent. Uniquement dans le but de couper court à cette tension qui m'est devenue insupportable et ainsi m'en protéger.

Je l'entends se racler la gorge mais je ne relève pas la tête. Inenvisageable pour moi dans l'immédiat d'affronter à nouveau ce visage, alors que la tristesse m'empêche presque de respirer correctement.

Il faut d'abord que je me ressaisisse afin d'affronter au mieux ce détachement que je lis dans son regard. Prenant mon trousseau, je m'avance vers la porte pour la déverrouiller.

- C'était une mauvaise idée de venir chez moi à l'improviste, lui dis-je tout en pénétrant dans mon repère.

- Il m'a semblé que c'était la meilleure des options pour t'approcher. J'ai eu peur que tu refuses de me voir et que tu refuses le dialogue.

Je ne réponds rien, mais le petit rire narquois qui m'échappe malgré moi en dit long sur ce que je pense de ses paroles. A croire que je suis encore la gamine qu'il a rencontré, il y a des années de cela. Cette image puérile qu'il a de moi restera éternelle.

Reconnaitre que durant notre relation, j'avais acquis de la maturité, il ne l'admettra jamais. Je suis et je resterai toujours une adolescente naïve. Mais mon gars, l'être humain évolue ! Maintenant, je tente de m'accrocher à cette petite étincelle de colère que je ressens et me tourne enfin pour lui faire face.

- Je t'en prie entre seulement, puisque tu es là !

Daniel se tient hésitant devant mon entrée. Comme si tout à coup, il n'avait pas la force de franchir ce seuil.

- Ça a l'air pas mal chez toi... Tu t'es bien installée, constate-t-il d'un air ébranlé.

- Heuuu oui, le contraire en une année aurait été inquiétant, tu ne crois pas ? tentais-je d'ironiser sarcastiquement.

- Je suppose que tu as raison... répond-t-il en avançant prudemment.

Après s'être arrêté non loin de moi, il me dit :

-  Si je suis venu c'est pour te parler de "la maison".

"La maison" était autrefois notre maison. Notre rêve commun. Le projet pour lequel nous avons fait énormément de sacrifices. Hors de question pour la perfectionniste et l'ingénieur que je suis de confier ce dossier à quelqu'un d'autre.

J'y avais mis tout mon cœur pour réaliser cette œuvre, soucieuse de viser l'excellence pour Daniel. Je l'aimais et je voulais ce qu'il y avait de plus beau pour lui, pour nous. Cette villa de rêve où nous souhaitions accueillir le fruit de notre amour, nos futurs enfants.

- Je t'écoute.

- Finalement j'ai trouvé un acheteur, dit-il avec une voix chargée d'émotion.

- Mais je croyais que tu n'étais pas d'accord de la vendre ?

- J'ai changé d'avis.

- Ah bon ? C'est une bonne nouvelle, dis-je ravie.

Je suis contente qu'il se décide enfin à quitter les lieux. D'ailleurs, lorsque nous sommes arrivés à la conclusion que la séparation était inévitable, j'avais été surprise par son choix de vouloir y vivre un certain temps. Je ne trouvais pas sa décision saine pour tourner la page, mais c'était sa propre volonté comme la mienne était celle de partir.

ACCORDE-MOIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant