(d)ébauche tardive

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Elle regarde le sol avec une fascination malsaine, les yeux clos une seconde, elle se penche un peu trop, flirtant raisonnablement avec le danger. 

En contrebas, les lampadaires grésillant dans l'obscurité coulante semblent lui faire des appels de phare. Une main se pose sur son épaule, elle frissonne et affirme son emprise sur la barrière métallique du balcon. 

Un son, un prénom, le sien, on l'appelle, on la secoue, elle fait la moue. 

A l'intérieur, une musique à demi-étouffée dévoile des chansons à la rythmique endiablée sur lesquelles des corps qui se cherchent, qui se trouvent, qui se percutent, qui s'éloignent, qui se confrontent, lui renvoient une mer tempétueuse d'ombres à moitié floues.

"Adelia."

Elle se raidit tandis qu'on lui pose un gilet sur les épaules. On lui tend un verre d'eau, on la fait s'asseoir. Elle relève la tête, sentant deux orbes préoccupées la fixer avec insistance. Un homme, la cigarette au bout des lèvres dont le bout grésille comme une fusée de détresse, se perd dans son regard éteint. 

"Est-ce-que ça va ?"

Elle répond que oui, qu'elle admirait le paysage, d'un peu trop près sûrement, dans un souci du réel assurément trop exacerbé. Il se retient de lui dire avec sarcasme qu'on devine plus qu'on ne distingue quelque chose. Il se retient de lui dire qu'il la trouve troublée, bancale dans ses justifications, contrastée sur le fond sombre, qu'il est là si elle a besoin de parler. 

"D'accord.''

Se concentrant sur sa cigarette, il détourne les yeux et dans un étrange silence où se dissolvent les promesses et les hypothèses, ils observent l'encre céleste qui calligraphie le monde sous leurs yeux veineux. 

7.6.18

RuminationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant