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Dans la salle du trône, Diok attendait l'arrivée d'un messager, pianotant ses doigts les uns contre les autres d'impatience.

Lorsqu'il pénétra la salle et que les gardes l'annoncèrent, le Roi tenta de s'assoir autrement sur son trône, sans grand succès.

Le messager, qui ne semblait pas déstabilisé par le Roi malgré l'annonce qu'il avait à lui faire, s'avança jusqu'à ce que les gardes le stoppent.

-Majesté. » Il fit sa révérence, plus par obligation que par respect. « Je vous apporte des nouvelles de la frontière. » Le Roi, les lèvres retroussées et le menton en avant, espérait de bonnes nouvelles. « Les têtes des soldats ennemis ont bien été plantées par votre armée. Les corps ont été jetés dans falaises du Nord de Haz et devraient en principe avoir échoués comme prévu en Tarian. Cependant – »

-Comment cela, cependant ?! »

Le Roi, les poings fermés à en trembler et s'en bloquer les phalanges, s'était redressé, furieux. Le messager ne se laissa pas ébranler. Il reprit là où il s'était arrêté.

-Cependant, votre homme, envoyé pour abattre le messager du Roi Guelai, a failli à sa tâche. C'est lui qui s'est fait abattre. »

Une telle nouvelle rendit le Roi si mécontent qu'il hurla sa rage sur l'homme, qu'il fit envoyer au cachot sur la seconde pour y attendre sa peine de mort.

Diok se leva en grimaçant, maudissant ses domestiques et descendant à pas désordonnés les trois marches qui menaient à son trône, préférant quitter la salle plutôt que d'en entendre plus. Il toussa à s'en décrocher les poumons, écartant de ses bras squelettiques, dont les manches étaient trop grandes et venaient à voler, les bonnes âmes tentant de l'épauler dans sa marche. Tous des hypocrites ! Qui ne pensaient qu'à son or et sa bienveillance si jamais elle avait existé un jour ! Il avait beau être de plus en plus faible physiquement, il avait toujours la force de dégager ceux qui se mettaient en travers de son chemin. Il refusait toute aide, par fierté ou par peur, peut-être même les deux à la fois.

Lui, Diok de Derneas, comment ces moucherons pouvaient-ils le penser si faible ?! Il était le Grand Roi, des trois royaumes il était celui le plus respecté, le plus craint, le plus riche, le meilleur. Les deux autres n'avaient qu'à s'incliner devant sa grandeur. Il raserait Tarian et son petit Roi qui tentait tant bien que mal de lui résister. Et qu'Antarson essaie de lui venir en aide, et son royaume connaîtrait bientôt le même sort !

Son espion s'était fait tuer avant même d'avoir réuni et envoyé ses précieuses informations. Il devait être discret, cela faisait partie de sa mission. Sûrement trop avide de pouvoir, pensa le Roi, et de reconnaissance, c'est ce qui avait dû le mener à sa perte.

Il n'avait pas laissé le messager terminer ses explications, peu importait. Le propre messager de Guelai devait certainement redoubler de prudence dès à présent, et il devait déjà avoir passé la frontière sans encombre : il en aurait été informé dans le cas contraire.

L'heure du souper était déjà bien avancée, et Guelai pénétrait tout juste l'enceinte de la salle à manger. Attara, à l'autre bout de la longue table de bois, s'était assoupie, son assiette encore pleine. Le Roi, resserrant sa queue de cheval, sourit en regardant tendrement sa sœur. S'approchant doucement pour ne pas la réveiller, il se posta derrière sa chaise. Il hésita à la tirer pour s'installer, mais ne décrochant pas Attara des yeux, il se dit qu'il aimerait pouvoir la voir si paisible encore un petit peu plus longtemps.

Les yeux légèrement plissés et la tête penchée sur le côté, il divagua quelques instants dans des souvenirs innocents de leur enfance. Revenant à lui, il s'avança jusqu'à sa sœur et, s'accroupissant, il rabattit une mèche rebelle de ses cheveux derrière son oreille droit, lui caressant la joue au passage.

Attara, sentant ce contact étrangement tendre, se redressa, hoquetant de stupeur. Ses pupilles tombèrent sur celles verte olive de son frère, et sa stupeur fut amplifiée.

-Guelai ? » chuchota-t-elle, la voix à demi endormie.

Elle n'avait pas l'habitude que son petit frère fasse de tels gestes envers elle. Du moins, pas depuis bien longtemps. Elle le transcenda du regard, se questionnant intérieurement.

-Attara ? » et le Roi rit, autant à la surprise de sa sœur qu'à l'entente de son prénom de cette même voix surprise.
L'intéressée fronça des sourcils, se rasseyant correctement dans sa chaise, le menton haut.

Elle essayait d'échapper à son frère, à cette tentative de rapprochement. Elle, qui avait essayé et espéré voir une telle chose arriver, voilà qu'elle repoussait presque son frère de son air hautain et désintéressé. C'était une réaction hors de son contrôle, elle n'avait pu faire autrement. Elle s'en mordit la lèvre et une boule se forma dans son ventre alors qu'elle sentait le poids du regard de Guelai sur elle.

S'éclaircissant la voix, elle tenta de l'éloigner encore.

-Tu es en retard. La soupe est froide. »

Le Roi émit un petit rire gêné, se redressant pour aller s'assoir à sa place.

-Attara, j'ai à te parler de quelque chose de grave et de très important. »

La princesse fronça des sourcils, incrédule.

Elestreÿa : l'AssembléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant