7- "it's just a cleavage!"-

52 13 0
                                    


   Mon couple n'en était pas réellement un, mais je m'en rendis compte bien trop tard. Ce garçon, que nous allons appeler Jay, était très axé sexe alors que moi, du haut de mes 14 ans, je n'avais jamais touché ce sujet-là.

   Rappelons-le, j'étais seule et mal-aimée par mes camarades de classe, ce qui baissait l'estime que j'avais de moi-même à un niveau qu'on pourrait qualifier de minable. Me regarder dans le miroir était une épreuve chaque jour, le moindre regard et je m'inventais mille défauts.

   Il me complimentait sans cesse, mais c'était pour mieux me harceler après. Il me disait combien j'étais belle (en anglais bien sûr), combien il m'aimait, puis à quel point il bandait... Il m'est arrivé de recevoir une photo de son sexe et une vidéo où il se masturbait sous sa couverture. J'étais horrifiée. Tellement que je n'ai rien répondu site à la vidéo, pas même un "mais pourquoi tu m'envoies ça?"

   La fois où j'ai reçu la photo de son sexe, je lui ai demandée pourquoi, agacée. Il m'avait reprochée de ne pas l'aimer assez pour apprécier cette photo. J'avais pleuré.

   Vers la fin de cette relation, j'ai commencé à me griffer l'avant-bras. Ce geste si innocent deviendra par la suite un rituel que j'estimais vital et que je respectais chaque jour. Nous nous disputions beaucoup concernant des photos que je ne voulais pas envoyer. "Allez, c'est juste un décolleté!" me disait-il souvent. Mais jamais je n'ai cédé, même en étant amoureuse de lui. J'avais trop peur de ce qu'il dirait, de ce qu'il allait en faire.

   De son côté, Jade ignorait certains détails qui me semblaient désinvoltes mais qui auraient pu faire pencher la balance de son jugement envers lui. Elle ne l'appréciait que très peu, même après les montagnes de compliments que je faisais de lui. Je lui racontais toutes les belles choses et je tentais de cacher l'horreur de ses paroles libidineuses résonnant sans arrêt dans ma tête.

   Entre-temps, une amie m'a convaincue de retourner voir Louise, mon premier baiser, pour mettre les choses à plat calmement. Nous sommes donc parties toutes les trois discuter dans la salle d'études pendant la pause de midi. Je me rappelle avoir eu la boule au ventre et le cœur battant le matin en me réveillant, puis toute la matinée jusqu'à ce que je puisse enfin parler à Louise pour la première fois depuis presque un an.

   Ce jour-là, pendant notre fameuse conversation, j'ai regardé rapidement si "l'homme de ma vie" m'avait répondu suite à notre dispute habituelle du matin. En effet, il avait répondu. Une série de smileys que je n'ai pas compris, puis je fus éjectée de la conversation par un bug. Il avait supprimé son compte. Un grand sentiment de solitude m'envahit alors, mais je n'ai rien laissé transparaître face à Louise.

  Le soir, les larmes se sont déversées en torrent sur mon visage. J'étais seule, seule, seule... si seule... J'avais le sentiment d'être en faute, d'avoir tout fait de travers. Je m'en voulais affreusement, je me traitais de tous les noms en griffant mon avant-bras afin de me donner la juste punition.

"Peut-être que si je lui avais envoyé ces foutues photos il serait resté" avais-je pensé faiblement. Au fond, j'avais un peu regretté de ne pas lui avoir cédé une photo. Mais aujourd'hui, je sais que j'ai fait le bon choix.

   Je pense qu'on peut assimiler les personnes comme lui à des pervers narcissiques. Il m'a fait croire qu'il m'aimait, me blessait et me choquait sans jamais s'excuser, mais savait comment me garder. Je ne servais qu'à flatter son ego, et à 14 ans, je ne savais pas qu'on pouvait être aussi malsain envers une autre personne. La méchanceté n'était encore qu'un concept flou, perdu dans le brouillard de ma naïveté passée.

   On ignore beaucoup de choses à cet âge. Personne ne m'avait prévenue que les pervers narcissiques existaient ailleurs que dans les reportages dramatiques. Ni que la mutilation avait les mêmes répercussions qu'une drogue. On ignore tant de choses, à 14 ans.

________

NDA:

Si une chose telle que celle-ci vous est arrivé, vous êtes en droit de porter plainte. Ces actes sont graves, et l'homme qui m'a fait ça pourrait être poursuivi par la justice. Il m'a agressée sexuellement, harcelée sexuellement. J'étais une mineure de moins de 15 ans, il allait avoir 17 ans. Vous avez le droit à la justice, et cela pourrait vous aider à tourner la page plus facilement qu'en tentant d'oublier ces épisodes douloureux en mettant une démarche en place.

T'es gouine?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant