Syfia ~ 5

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Il se vidait de son sang, qui n'avait plus la couleur rouge qu'il aurait dû avoir. Ce sang, son sang, était empoisonné. Et lui, il le repoussait de son organisme, parce qu'il le pouvait.

Parce qu'il était bien plus qu'un roi, qu'un loup. Il était aussi un prêcheur. Celui du sang. Et cette révélation me laissait sans voix, comme je l'avais été pour Elya et Graye. Je ne comprenais pas ce peuple, j'étais intriguée mais aussi méfiante à leur sujet. Ils étaient capables de tellement de chose, c'était perturbant.

Alors qu'il grimaçait de douleur, je me contentais de caresser ses cheveux d'un geste tendre, ses muscles tendus sous mes doigts. Ce que j'allais faire aller toucher son ego, mais je ne voulais pas le voir souffrir autant.

Je me penchais pour embrasser son front, détournant son attention pendant les secondes qui me suffirent pour user de mes pouvoirs. Je lui donnais l'illusion d'être bien, de n'avoir pas mal.

- Syfia, tu n'as pas besoin de faire ça, souffla-t-il épuisé de son labeur pour extraire la sauge de son organisme.

Je continuais à laisser mes mains se perdre dans sa chevelure blonde, je me doutais que bientôt il tombera de sommeil.

- Tu n'es pas mon roi, lui murmurai-je gentiment.

Il esquissa un sourire qui fit faire un bond à mon palpitant.

- Je pourrais le devenir..., ricana-t-il.

La fièvre, c'était la fièvre qui le faisait raconter de telles bêtises.

- Et puis j'ai fini alors...

Je ne lui laissais pas le temps de continuer et le plongeais dans un sommeil réparateur. Je pris le gobelet, le vidai et revins. Je décidais de faire passer son repos au-dessus du mien. Cette nuit, je serais celle qui le bordera, qui le veillera. Car il n'était peut-être pas mon roi, mais mon cœur était entre ses mains.

Le voir ainsi m'avait fait comme un électrochoc. Je ne pouvais pas le laisser, je n'y arriverai pas.

Je le couchai sur le dos, positionnai des coussins sous lui et vint m'allonger à ses côtés, légèrement au-dessus. Ainsi, je posais ma tête contre la sienne, enlaçant comme je le pouvais son torse et son cou. Ses blessures cicatrisaient déjà. Il ne se réveillera que lorsque je l'aurais souhaité.

Mon pouvoir d'illusion était limité. Grâce à ma vision, je voyais beaucoup de choses, de visages et autres. Tout ce que mes yeux enregistraient, je pouvais en créer une illusion plus tard, comme avec tous mes sens. Les personnes dont je nous avais camouflées la veille venaient d'Iré. Lorsque je me rendais invisible, c'était seulement grâce aux sensations que je gardais d'une pièce vide, d'un endroit désert alors même que je m'y trouvais en simultané. Je m'étais forcée de subir, de sentir, de voir des choses atroces, pour les infliger à mes ennemis... comme de la chair acidifiée, la puanteur des cadavres, des corps démembrés. Plus d'une fois je m'étais rendue malade, je m'étais gravement blessée, sachant Ulo prêt à me soigner, pour que la sensation de brûlure ou autre soit présente à son paroxysme dans mes illusions, mais c'était pour grandir en puissance. Et je ne regrettais rien de tout ce que j'avais fait pour arriver ici.

J'étais forte maintenant, plus jamais on ne me volera ma liberté de mouvements ou de pensées. Plus jamais on ne me tiendra enchaînée. Les tatouages que je portais, de simples arabesques, me tournaient autour tel un fil soyeux, m'entourant de leur protection. C'était purement psychologique, ce n'était que de simples marques à l'encre blanche sur ma peau foncée. Mais ça me faisait du bien de les avoir. Ça me rappelait par où j'étais passée, ce qui avait fait de moi celle que j'étais.

Le reste de la nuit, je restais là contre Boris, mes doigts dansants dans ses bouclettes. Il était beau ainsi, calme et apaisé, il rajeunissait même. Je savais que dévisager quelqu'un durant des heures n'était pas normal et pourtant... Je m'amusais à tracer les courbes de son visage, de sa mâchoire à la barbe naissante, de ses pommettes relevées.

Wings flying over Fangs Tome 2 : L'Illusion de son Sang.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant