" Élevé par le pêché et redescendu par la vertu... " Lorage

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Dans cette ville immuable, rien ne semble dérangé par les remous du temps. Rien ne subit les vagues de désordres et les refus de l'ordre. La ville dans son esthétique architecture fait face aux ans sans s'émouvoir de quelques chutes, de quelques soulèvements, de quelques dictatures... Seules ses façades sont immuables alors que les âmes la composant sont dans une constante perdition; une vague de nostalgie et de murmures qui les engloutit pour en faire des oubliés ou des martyrs au nom reconnu malgré et contre les chutes de feuilles... Malgré et contre l'écoulement insoluble des années...
Face à l'insubordination des âges il n'est rien de plus figé, de plus inscrit, que ces façades et ces dômes... Des briques, des charpentes, des escaliers et des lustres...
Debout dans cette ville d'histoire, se sentant si petit que c'en était risible, il voyait ces façades porteuses de récits, de protestations et de questionnements. Il admirait le caractère immuable de cette cité de création et de commencement. Londres... Ville de visionnaires... Ville de contestataires... Aussi immuable dans sa splendeur architecturale et littérale. Une ville qui n' est que mouvance constante quant à ses pensées et ses idées... A l'esthétique effrayante et éblouissante, elle était la personnification même de son vampire. Une beauté intouchable. Un caractère indolent. Faisant naître une inquiétante fascination, une effrayante torpeur tant la fascination était grande... Dorian ne se repaîtrait jamais de son admiration pour ces villes de changement... Londres, Berlin, Bruxelles, Paris... Des organismes en évolution constante, dans un esthétisme  innomable...

Dans la perspective de son éternité, l'ennui était ce qu'il appréhendait le plus... A une époque, il avait craint pour sa survie. Sans cesse... Il avait vécu dans le mépris de sa précarité, de la fragilité de son être. Mais ses protecteurs avaient reconsidéré l'utilité de cours d'auto-défense suite à la dernière attaque du Manoir et la mise à mort de Furie. Ainsi donc, il ne craignait plus tant que cela pour sa vie depuis que, sur cette base de la M.I.V, il avait appris à se défendre avec le minium et surtout à tirer... Lui qui se répugnait à répondre à la violence par la violence avait du changer cela... Il avait du faire face au choix qu'il ne pouvait faire... Le choix de la mort d'un autre pour sa survie à lui, qui englobait la survie de son vampire, ce que le lien valorisait avec un certain acharnement depuis un certain temps... Alors il avait accepté de garder sur lui une arme qui le défendrait en cas extrême. Cette nouvelle donnée dans l'équation avait poussé Eago à reconsidérer ses demandes incessantes de s'inscrire à l'université, de finir son cursus dans l'inférieur pour ce faire...

Dorian avait réussi à se faire une place à l'université malgré ses longues absences dans les rouages du système. Après avoir passé un examen de mise à niveau et rempli les papiers d'inscription, appuyé de l'influence de son vampire sur l'université de renom dont il avait connu le fondateur, Dorian avait passé son premier quadrimestre à découvrir les locaux et spécificités de l'enseignement supérieur.
Il avait ainsi pu constater avec plaisir que ses absences n'avaient rien de problématique. Lorsqu'il devait quitter le pays avec Eago il trouvait toujours des notes de cours pour se mettre à jour. Il ne subissait aucune immaturité, aucuns enfantillages des étudiants de sa faculté. Il y avait une sorte de détachement des individus face aux autres. Si rien ne venait les troubler, ils n'avaient pas de raison de troubler... Ainsi donc Dorian fut-il laissé en paix par ses camarades de faculté.
Il n'avait pas prévu par contre d'être reconnu. Il n'avait pas prévu qu'un de ses anciens camarades de Westminster College soit étudiant dans cette université, cette faculté...
Aussi fut il incapable de réagir, de saisir son arme et d'abattre froidement la menace lorsque les hommes de mains de sa mère avaient débarqué dans l'auditoire pour l'emporter, ce frais matin d'hiver. Il avait été accaparé par l'idée que sa mère soit encore à sa recherche. Horrifié à l'idée que sa sécurité avait été compromise alors que c'était lui qui avait assuré qu'il pouvait se défendre... 

Il avait tenté de sauvegarder la seule personne qui subsistait de sa famille. La seule personne qu'il avait tenté d'aimer la plus grande partie de sa vie... C'était la condition d'existence de son inscription à l'université: Sa capacité à se défendre... Dorian voyait en la fréquentation de cours une liberté nouvelle, une confiance qu'on ne lui avait jamais accordé et qu'il était ravi d'enfin avoir... Après ses nombreuses sorties et fugues, il avait eut du mal à recouvrer la totale confiance de son vampire... Il le comprenait partiellement même si une part de lui était profondément vexée par ce manque de confiance...

Ainsi donc avait-il commencé avec une certaine excitation son cursus. Il avait entamé un quadrimestre en histoire. Il avait assisté avec une certaine fascination à une version de l'histoire qui était complétée par les récits de Vlad Tepes, ses innombrables ouvrages, les commentaires de Charle, Blue et Geoffrey... Et les notifications de Eago qui venait contre-dire certains faits avec une certaine froideur ou un léger agacement qui blessait profondément son calice. Il avait enfin trouvé une sorte de routine dans cette guerre qui menaçait l'équilibre politique du Monde des Créatures, six mois après la mort de Furie...

Et sa chère mère ne semblait guère apprécier sa longue absence. Il s'en doutait... Il savait qu'elle ne lâcherait jamais l'affaire... Pourtant, il avait voulu rejoindre une université à Londres, la ville qui l'avait vu grandir, la ville où sa mère vivait... La ville où il était le moins en sûreté... Et il n'avait pas réussi à faire feu lorsque les hommes de main de sa mère l'avaient encerclé... Il n'avait pas réussi à tirer... Ni face à eux, ni face à sa mère lorsque celle-ci lui fit face, une demi-heure plus tard, dans le salon de ce manoir qu'il avait quitté le plus tôt possible, trouvant refuge à Westminster College... 

 

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