" Vous n'êtes pas un monstre, juste un homme." B.W

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Adossé à un arbre, assis entre ses racines, sur la neige dont l'humidité et la froideur traversaient ses couches de vêtements avec une certaine lenteur, il se demandait pourquoi il avait fait ce choix peu consciencieux de sortir... Il n'avait pas dessaoulé mais devenait somnolent et était suffisamment conscient pour savoir que s'il venait à s'endormir au milieu de cette forêt alors qu'il neigeait ce matin encore, il mourrait de froid... Ou perdrait ses orteils, son nez et ses doigts... Il ne voulait pas perdre ses membres... Ce serait trop compliqué de vivre une vie éternelle amputé de ses membres... 

Il gémit, tenta de se redresser, mais ses jambes étaient engourdies, ses bras étaient aussi flasques qu'inutiles et sa tête était lourde... Il luttait pour ne pas s'endormir. Il ne devait pas s'endormir. S'il dormait, il ne se réveillerait pas et la nuit allait tomber... Or la forêt n'était pas sure.... De cela aussi il était certain... C'était ironique de penser qu'il lisait il y a peu la Tragédie de l'Everest qui contait avec une précision douloureuse les dégâts psychologiques et physiologiques que le froid et l'abandon face au froid pouvaient faire au corps humain... Un corps si fragile face à la nature si violente...


- Eago sera furieux, soupira-t-il, ennuyé à cette idée.


- Pour être furieux, il doit te retrouver, gamin, ricana une voix.


- Génial, j'ai des ennuis, souffla, agacé, le calice. Il avait son arme. Il le savait. Il suffisait qu'il trouve la force de bouger ce maudit bras, ces maudits doigts...


- Endors toi, voyons, je suis là, retentit à nouveau la voix.


- Je me sens soudain plus serein, persifla avec humeur Dorian, sa main faisant lentement son chemin vers son étui à sa cuisse droite, là où son arme était ...


- Oh , ne fais pas de bêtises, tu le regretterais...


Dorian ne prêtait aucune attention aux mises en gardes malsaines de cet inconnu qui ne prenait même pas la peine de sortir de sa cachette, s'amusant à tourmenter le calice en restant dissimulé sous le couvert des arbres. Sa main atteignit son arme. Son poing se referma autour de la crosse avec une intense bouffée de soulagement alors que l'adrénaline se distillant dans ses veines faisait battre son cœur à la chamade. Il sortit son arme, son regard braqué sur le canon qui lentement était exhibé par ce geste. Tout se passa ensuite trop vite pour qu'il ait le temps de réagir.


Il avait réussi à sortir son arme mais aussitôt un violent coups porté à son poignet le désarma dans un craquement sinistre. Il lui fallut plusieurs secondes pour comprendre qu'une balle avait frappé le canon de son arme pour le désarmer. Cette précision chirurgicale le déstabilisa. L'arme vola dix mètre plus loin alors qu'il ramenait, dans un geste instinctif, son poignet foulé contre sa poitrine, hurlant de douleur et que retentissait enfin le bang du coups de feu. 


Un autre geste, vif, attira son regard. Il eut la bonne idée de plonger à terre alors qu'une balle se plantait dans le tronc, suivie d'une autre qui se planta dans son épaule, lui arrachant un nouveau cri de douleur. Depuis quand les créatures avaient des snipers ? Depuis quand ... Les deux bangs suivants n'eurent même pas un quart de secondes d'écart. Ce gars avait tiré avec moins d'un quart de secondes d'intervalles... C'était inhumain...

- Quel beau réflexe ! Le premier coups aurait dû te trancher la gorge... Mais on dirait qu'on va jouer... Alors jouons...


Jouer? Cet as du tir osait le flatter pour continuer à s'amuser? Parfois il se demandait ce qu'il avait fait dans ses vies antérieurs pour être ainsi maudit et toujours croiser la route de sadiques un peu dégénérés... Dans une violente poussée d'adrénaline qui lui fit oublier son taux d'alcoolémie et ses multiples douleur, il se leva aussi vite que ses membres gelés le lui permirent pour courir aussi vite que possible à travers la forêt qui lentement s'assombrissait...

 Désarmé et blessé, il n'était pas certain de pouvoir s'en sortir alors qu'autour de lui les troncs subissaient les impacts que lui évitait.  Il se demandait s'il allait pouvoir en réchapper... Il s'en voulait d'avoir surestimé sa tolérance à l'alcool. Il s'en voulait d'avoir perdu son arme... Il s'en voulait, tout simplement alors que le seul bruit qu'il percevait était sa respiration saccadée et ses pas précipités sur les feuilles mortes et branchages. Il se trouvait ridicule de fuir... Il avait pris la peine d'apprendre à se défendre pour finalement fuir... C'était son instinct qui lui hurlait de fuir alors que son orgueil s'indignait face à cette cavale et le sommait de faire face aux aléas de cette vie qui était sienne à présent... Orgueil ou inconscience, le résultat de ce second choix semblait peu glorieux : une balle entre les deux yeux ou une mort lente et douloureuse pour torturer Eago ou encore une vente aux enchères... Il avait lu bien des horreurs sur le marché noir du Monde des Créatures... Trop d'horreurs pour répondre à l'appel indigné de son orgueil... Ou inconscience stimulée par la kasteel rouge... 

- Vas-y te défendre à mains nues contre un truc armé aussi, grommela-t-il dans sa course, sourcils froncés, tentant de ne pas céder à la panique qui menaçait de le prendre à tout instant car il ne sentait plus son bras droit, celui qui avait une épaule trouée par une balle... Il trébucha dans un juron étouffé, finissant en roulades sur le sol froid et dur, se sentant être emporté par la soudaine dénivellation du terrain. Il heurta de nombreux troncs dans sa dégringolade, traversant quelques buissons, avant de finir sa chute la tête contre un rocher, lui volant ses derniers efforts de conscience. Il n'entendit même pas le hurlement bestial qui fut repris en écho par de nombreux autres alors qu'une silhouette velue, armée d'un McMillan, se penchait sur sa forme inerte. Dans un reniflement méprisant, elle le souleva par le bras gauche pour le traîner à sa suite à travers la forêt plongée dans l'obscure présence de la nuit d'hiver. Sur le blanc manteau hivernal qui s'était posé sur la forêt, un tracé vermeil, vif et provocateur, blasphématoire et immanquable, se détachait... La forêt empestait de l'odeur du sang du calice blessé.




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