" I fought... And I've lost" J.Snow

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Assis à la bibliothèque, Dorian ferma le dernier ouvrage qui traitait du sujet qui titillait son intérêt. Il tourna un regard fatigué vers la baie vitrée, peu étonné de voir le soleil plonger avec une élégante lenteur dans l'horizon. Il se frotta les yeux, vaguement ennuyé par la torpeur qui le prenait. Le ciel rougissant gorgeait les nuages de teintes écarlates et orangées qui venaient se distinguer avec la pâle beauté immaculée de la forêt émoustillée sous la neige. Il posa ses bras sur la table, y logeant son nez froid, se demandant combien de temps ils allaient rester là. Il avait surestimé sa capacité de guérison. Il avait encore mal à son épaule alors que cela faisait une semaine que la chair n'était plus dans la probabilité de se rouvrir. Cette phrase qu'il entendait de la bouche de Blue ou Geoffrey venait assombrir le regard de son vampire. Il détestait cette phrase. Il détestait son état précaire. Il détestait sa santé fragile. Il détestait avoir été blessé. Il... Un bâillement lui échappa. Ses paupières étaient lourdes. Il s'endormit sans vraiment s'en rendre compte, emporté par la fièvre qui commençait doucement à engourdir son corps entier.


Dans un soupir agacé, une silhouette quitta l'ombre des lourdes étagères qui peuplaient les lieux. Non, ce n'était pas une bonne idée que le calice dorme à la bibliothèque. Non, ce n'était pas une bonne idée de le laisser là alors que son vampire avait ne entrevue avec un des Généraux russes dans son bureau. Il soupira.à nouveau. La vie au manoir n'avait rien de reposant. La vie en forêt lui évitait au moins la pression constante qu'il subissait lorsque les vampires occupant les lieux demandaient où était le seul calice de la place... Ou lorsque le-dit calice se mettait dans des situations complexes... Il ne voulait pas le déplacer. Il savait que le calice réagissait très mal à tout contact... Il ne pouvait que trouver le vampire lié et l'informer...


Il ôta sa cape, couvrant les épaules de l'être le plus fragile et le plus précieux de la communauté vampirique et se retira. Non, les elfes noirs n'avaient pas entretenus les calices des siècles durant pour que lui ne puisse en protéger un seul. Il se refusait cela. Mais il devait s'avouer qu'il n'avait jamais rencontré un calice si particulier. Un calice vivant dans la crainte perpétuelle... Même dans les sombres âges de la Grande Traque, il n'avait croisé de calice si ancré dans son sentiment d'insécurité...


C'est avec un certain agacement mais une tendresse sans égal que Eago récupéra son calice endormi en bibliothèque, vaincu par la fièvre. L'arrivée à son bureau de Eröl qui lui avait calmement annoncé que son calice, malade, était assoupi à la bibliothèque, avait été agaçante. Il avait remercié l'elfe noir avant de rejoindre Dorian pour s'occuper de cette température. Rien d'inquiétant, ou du moins rien d'assez inquiétant pour inquiéter le vampire. La fatigue était le seul problème en vue et le temps la seule solution. Le manoir qu'ils occupaient actuellement ne serait pas un lieu sécurisant pour une longue période. Eago en avait bien conscience. Mais la présence des elfes noirs rendait les Généraux irritants, très exigeants envers le vampire lié qui savait que sa patience ne ferait pas long feu. Alors que son camarade Iaroslav tendait à le calmer de quelques paroles sages, les pais de ce dernier faisaient preuve d'une inconsciente insolence qui ne pouvait aboutir qu'à leur fin mélodramatique... Rien ne pourrait retenir le bras du lié si les propos des autres Généraux continuaient à menacer et injurier son précieux calice qui, selon eux, était la cause de la présence des elfes noirs sur leur territoire qui se faisait piétiner par de nombreuses créatures jusque là oubliées ces derniers mois. La paix qui avait été synonyme du territoire de l'ancienne union soviétique ne semblait plus que douce mélancolie pour les Généraux. Ils pointaient du doigt, avec un certain mépris, que cela coïncidait, étrangement, ironiquement, avec la création du lien du Lord Eago avec son calice dit maudit. Alors que le Général Oleg semblait prêt à faire face et à accepter la perte d'un vampire de grand âge puisque l'existence de son calice même mettait en danger toute la stabilité et de fait la pérennité de la société vampirique d'Europe de l'Est, Iarovlav mettait en doute sa capacité à concrètement faire face à tout choix allant dans la suite de cette idée.


La dernière rencontre entre Eago, ses camarades et les Généraux suivis de quelques uns de leurs conseillers, avait eut lieu la veille. Le Général Oleg, en désaccord avec ses camarades mais soutenu par tous les conseillers à part celui de Iaroslav, avait quitté la rencontre suite à la menace grondée par le britannique lié. Il avait assuré qu'il n'hésiterait à éliminer le Général et ses suivants s'ils venaient à oser mettre un pied sur son domaine. Cette rencontre avait eut lieu la veille au soir et depuis, Eago portait une attention maladive, voir paranoïaque, à toute possibilité d'intrusions. Son calice n'avait que trop souffert de cette insécurité qui pesait sur le monde des créatures et qui s'imposait aux plus précaires d'entre elles. Ce sentiment d'insécurité, extérieur au calice car il n'était pas l'objet d'une menace quelconque de par sa personne mais par son état de calice, s'imposait au jeune londonien avec une certaine violence qui avait un impact non-négligeable sur sa santé, son sommeil,sa paix... La manière collective de penser d'une minorité des représentants de la société vampirique ne devait en aucun cas impacter la survie, l'entretien, des calices. C'était une coutume ancrée depuis la fin de la Grande Traque, au quatorzième siècle, alors que l'institutionnalisation de leur société posait de solides piliers. Que le Général Oleg, retranché dans l'est de la Russie durant le siècle de conflit , ose menacer aussi clairement un calice qui avait déjà tant subi la violence des parias de la société vampiriques, était un blasphème. Blasphème de par la coutume intouchable et de par sa position dans les institutions russes.


Les calices, par leur existence, avaient toujours, depuis la genèse de la mise en mots du monde des Créatures, séparés cette société. Alors que certains les méprisaient, d'autres leur accordaient une importance sans égal. Une représentation collective voulait que ces êtres, précaires, mortels, objets de maintes tentations, étaient un vice dont il fallait se détacher alors qu'une autre, son opposé extrême, les voyait comme la preuve que leur société, pour la survie d'une minorité, pouvait se restreindre, se responsabiliser, se positionner dans un conflit...


Les elfes noirs avaient pris position, des siècles auparavant, pendant cette Guerre des Tente Ans opposant deux royautés de la politique mortelle et deux consciences collectives de la société vampirique. L'influence de ce leader charismatique au verbe si tentateur de l'époque, Herman Gorinng alors connu sous un autre nom, avait su trouver les bons termes, la bonne fissure à travailler. C'est ce genre de fissures qui permettaient aux figures de l'institution vampirique de douter, de menacer , d'oser penser pouvoir mettre en danger l'existence même, d'un calice... Eröl savait que le lord allait quitter son domaine russe sous peu, cela le rassurait alors qu'il remarquait avec un certain agacement que le calice en convalescence était de plus en plus menacé par la crainte de voir une institution, celle des Généraux, perdre de sa stabilité, de sa paix... De nombreuses patrouilles menées à travers le domaine du lord avaient été mises en place, afin que les elfes noirs aient une capacité d'action en cas d'intrusion. Eröl ne pouvait qu'espérer voir le lord se retirer le plus rapidement possible... 




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