Chapitre 2: SERENA (Partie 1)

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Tout était noir. Mais quand la jeune fille ouvrit les yeux, le pendentif qu'elle portait à son cou se mit à s'illuminer d'une lumière verdâtre. Elle put constater qu'elle se trouvait dans une grotte. Le plafond était recouvert de stalactites tranchantes desquelles ruisselaient des gouttes d'eau. Elle était allongée dans l'eau, nue, et sa chevelure noire lui collait sur le dos. Elle se leva avec grand-peine, comme si elle se tenait debout pour la première fois de sa vie. 

Elle contempla son reflet sur la surface troublée du lac souterrain dans lequel ses pieds baignaient encore. Son corps était celui d'une adolescente. Sa peau était pâle, probablement dû à son immersion dans l'eau. Depuis combien de temps était-elle là ? Elle l'ignorait. Puis, avec effroi, une pensée la frappa : en fait, elle ignorait tout. Elle était encore capable d'identifier certains éléments de son environnement, mais elle ignorait tout d'elle-même. D'où elle venait ? Comment avait-elle fini dans cette grotte ? Qui était-elle ? Soudain, ses yeux s'illuminèrent et prise de peur, elle trébucha et retomba dans l'eau.

La jeune fille s'aperçut qu'elle pouvait désormais voir de petites orbes lumineuses émaner du décor, et tournoyer dans tous les sens. Elle regarda à nouveau son reflet pour remarquer une gigantesque aura sous forme de vapeur verte se dégager de son corps et s'écraser contre le plafond. Puis, ses prunelles cessèrent de briller et elle ne vit plus rien de cela. Après quelques instants immobiles à tenter de retrouver ses esprits, elle entreprit de quitter la grotte. Un passage prenait source depuis la cavité où elle se trouvait et s'engouffrait à travers la roche humide. L'obscurité du tunnel était telle qu'elle n'en voyait pas le bout. Mais elle se résolut à l'emprunter, marchant avec grande difficulté, prenant appui contre la roche.

Les minutes passèrent sans que les ténèbres ne prennent fin. Seulement éclairée par le cône lumineux généré par le cristal qui pendait à son cou, la jeune fille ne voyait poindre au loin aucune lueur. Le contact répété de ses pieds nus avec le sol glacial et humide engourdissait ses muscles tandis que des rougeurs se formaient sur ses orteils. Toutefois, elle continuait d'avancer, sans relâche, prenant appui continuellement dans les encoches disséminées sur les parois du tunnel. L'adolescente sentit subitement une douleur foudroyante se saisir de son index droit. Puis, elle entendit un sifflement agressif briser la quiétude des lieux. Un serpent, aussi blanc que le plumage d'une colombe, aux yeux rouges et la tête portant deux petites cornes l'avait mordue. C'était une vipère des glaces, espèce extrêmement agressive qui hibernait en l'attente de l'hiver et qui, touchée par la main de la jeune fille s'était sentie agressée et avait immédiatement riposté.

Le venin se propagea à grande vitesse à travers le sang dans tout son corps. Et alors que le reptile continuait de la menacer la gueule ouverte, une douleur lancinante foudroya le crâne de la jeune fille tandis que ses iris virèrent subitement au rouge. Tu t'appelles Serena, ne l'oublie pas. Ton nom est Serena, entendit-t-elle à l'intérieur de son esprit. Puis, la vipère, qui se sentait toujours menacée, se jeta sur l'adolescente qui s'était accroupie, se tenant la tête à cause de la douleur. Elle attrapa le serpent au vol sans même le regarder et le pressa entre ses doigts tandis qu'il gigotait dans tous les sens pour se libérer. Ardet, dit-elle avec fureur, et le serpent se changea instantanément en un tas de cendre, consumé comme du papier par des flammes ardentes.

La douleur disparut soudainement et Serena put se relever. Regardant le venin du serpent se faire expulser à travers la morsure tandis que ses yeux retrouvaient leur couleur d'origine, elle se répéta nonchalamment : je suis Serena.

Un quart d'heure s'écoula et la jeune fille vit enfin de la lumière déchirer l'obscurité au-devant d'elle. Alors, elle se mit à courir malgré la douleur que lui procuraient ses jambes réfrigérées. Une fois dehors, une salve d'air frais, bien différent de l'air renfermé qu'elle avait respiré jusqu'alors dans la grotte, pénétra abondamment ses narines, gonfla ses poumons, et fit exploser un bouquet de senteurs inédites dans tout son être . La jeune fille sourit. C'était agréable. Il faisait plus doux qu'à l'intérieur de la masse de pierre et ses joues s'empourprèrent de plaisir. Elle contempla le ciel, le firmament bleu saphir percé de parts en parts d'une myriade d'étoiles, avec au milieu, trônant, un astre argenté. 

Après l'émerveillement, elle entreprit d'aller plus loin. Elle voulait en savoir plus, elle voulait découvrir ce monde féerique. Puis, une odeur singulière vint flirter avec son odorat. Une odeur de fer. Une odeur de terre. Du sang, pensa-t-elle. Prêtant l'oreille, elle entendit les bruits d'une bataille au loin. Poussée comme par une volonté supérieure, elle accourut à travers la plaine en direction de l'affrontement. Ses pieds nus, agressés de part en part par des bouts de bois là, et des éclats de métal ou de roche ailleurs, rougissaient et laissaient s'écouler des gouttes de sang qui se mêlaient à la terre. L'adrénaline courait dans les veines de l'adolescente et son cœur battait si vite si bien que la douleur l'avait abandonnée, laissée libre et sans chaines. Mais malgré l'obscurité, elle fut témoin du courage qui au dernier instant avait habité Fjord, de la ténacité d'Argus, de la détermination de Helen.

Serena observa avec attention chacune des actions qui se déroulaient au loin, dissimulée au milieu de deux grands arbres. Quand l'esprit furieux fracassa les statues de sable, l'adolescente fut prise d'une douleur intense à la tête. Encore ? Se demanda-t-elle. Tandis que ses yeux virèrent de nouveau au rouge, elle fut prise d'une vision : un village en feu. Puis, une voix déclara : tue-le ! C'est alors qu'elle sentit une vibration se propager dans son bras gauche et de la chaleur s'y emmagasiner. Des flammes aussi agressives qu'un animal blessé. Elle ouvrit avec grand-peine les yeux et vit la créature sauter pour écharper Fate et son cadet. Serrant les dents et levant avec difficulté le bras vers la bête, elle s'écria : sacramenta aeternum.

La jeune fille sentit alors une quantité phénoménale de magie s'échapper d'elle et déferler sur l'esprit dans un brasier dévorant. Un orchestre de flammes et de cendres. Du sang et des hurlements. La chaleur dégagée souffla la basse végétation autour, tandis que des pétales de scories mêlées de braises volaient au vent. Ensuite, tout cessa.

Ceux qu'elle venait de sauver la dévisagèrent hébétés, alors que son regard se vidait de sa lumière. Fate la fixa un moment sans dire mot. Et alors qu'une ribambelle de paroles se précipitait à l'embrasure de ses lèvres, il déclara à demi voix :

- Qui es-tu ?

Prise de vertige et les paupières lourdes, l'adolescente répondit avec difficulté :

- Je... Je suis... Serena.

Elle s'écroula ensuite sur le sol, inconsciente.

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