Chapitre 3: VANITÉ (Partie 3 -Sentinelles)

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'Des cris. Des larmes. Du sang. Un mur de flammes noires se dressait devant la fillette. Elle était entourée d'un essaim de cadavres baigné de sang et de déjections.  Les yeux rouges de larmes, la gamine reculait lentement en tremblant. Une silhouette obscure se tenait devant elle. Un corps s'élevant si haut qu'elle eut cru qu'il touchait le ciel. Tétanisée, incapable de s'enfuir, elle plongeait ses yeux dans les cieux obscurcis par la présence de la bête. C'est à cet instant que deux orbes émeraude s'allumèrent.'

Serena se réveilla en sursaut, en sueurs et à bout de souffle. Elle se trouvait dans une petite pièce éclairée par une torche. Il y faisait plus doux, du moins cela était son ressenti. Toutefois l'atmosphère y était bien plus étouffante, et une odeur de moisissure s'incrustait dans chaque bouffée d'air qui s'engouffrait dans ses poumons. Les murs, faits de pierres mal taillées menaçaient à tout moment de s'écrouler. Un ajour qui en fait n'était  qu'une petite ouverture dans l'un des murs surmontait sa couche.  À la chaleur sur sa peau, elle remarqua qu'une robe rouge en soie couvrait sa nudité. C'était agréable. Néanmoins, ses membres étaient engourdis et une terrible douleur lui lancinait le crâne.

-     N'essayez pas de vous lever tout de suite. Vous n'êtes pas complètement rétablie, lui dit une vieille femme aux mains asséchées en s'approchant d'elle avec un torchon humide.

-     Où suis... essaya-t-elle péniblement d'articuler.

-     Vous vous trouvez au camp Fenrys, dans l'un des quartiers de l'hôtel de ville, si l'on peut appeler ce vieux tas de pierres ainsi, répondit-elle, moqueuse en essuyant soigneusement le visage du tendron.

Elle se dirigea ensuite vivement vers une table de bois dévorée par les mites qui s'adossait  près de la porte. Là, y gisait un bol fumant de soupe et une maigre miche de pain. D'un geste fringant, elle apporta le repas auprès de l'adolescente.

-     Vous vous êtes réveillée au bon moment, la soupe va vous réchauffer d'avantage.

Les vapeurs chargées d'exhalaisons douces choyèrent le nez de Serena, si bien qu'un friselis parcouru délicatement sa peau rosée. Dès la première becquée, des larmes lui montèrent aux prunelles. Des réminiscences vinrent s'agripper douloureusement à son cœur. Elle se revit au milieu de trois personnes, partageant un repas. Elle avait une famille, dans cette vie dont elle n'avait gardé aucun souvenir.

-     Il semblerait que cela fait belle lurette que vous ne vous êtes pas repue d'un plat chaud... Bien que ce soit peu de choses. Avec l'hiver à notre porche, nous ne pouvons malencontreusement vous offrir mieux.

La jeune fille avalait taciturnement chaque bouchée et la goûtait intensément. Les sensations qui la parcouraient lui semblaient à la fois nouvelles et lointaines. Une fois terminé, elle regarda la vieille dame :

-     Merci...

-     Maria, mon nom est Maria, anticipa-t-elle. Vous devriez vous reposer, maintenant que...

Elle s'interrompit devant le signe de la tête improbatif du tendron. A ce moment, ses cheveux lisses qui glissaient sur ses épaules frêles lui donnaient l'allure d'une petite bête sans défense. Prise de tendresse, la vieille branche tenta de négocier :

-     Allez... Allongez-vous un peu, je m'en vais quérir vos compagnons. Ils se faisaient du tourment pour vous, vu l'état dans lequel vous vous trouviez. Mais l'Ancien désirait les entretenir un instant.

Convaincue, l'adolescente s'enfonça dans sa literie. Maria l'observa un instant, le sourire aux lèvres, puis sortit.

 La lumière vacillante de la torchère faisait danser les ombres sur les murs, leur donnant la forme de fantômes hantant le tendron. Elle jeta une œillade au travers de sa jalousie. Gris ! Voilà tout ce qu'elle pouvait percevoir. Du gris, et encore du gris à perte de vue. Des constructions en pierres et en bois, vieillies par le temps. De la misère, s'épanchant sans retenue sur chacune des âmes avalées par la grotte. Des hauteurs de sa chambre, elle aperçut un soldat rattraper une fillette qui s'échappait avec un bout de pain chapardé. Lui arrachant son trophée, il la jeta brutalement contre le sol. Maigre, tremblante et certainement malade, elle semblait respirer péniblement. Cette vision crispa Serena. 

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