Chapitre 5: TRIBULATIONS (Partie 2)

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Groen regarda autour de lui. Tout le décor s'habillait de blanc, teinté par le brouillard qu'avait invoqué son aînée.

— Tu as fait usage de ta magie... Tu ne crains donc plus pour ta vie ? gronda-t-il.

Alik plongea ses yeux dans ceux du géant. Ses iris rouges pétillaient toujours autant de colère. Il n'avait pas changé. Malgré tout ce temps enfermé, il était resté le même. D'ailleurs, rien ne pouvait le changer, elle l'avait bien vite compris. Toutefois, même si c'était aussi pour sa grande force et son incroyable violence qu'elle l'avait libéré, la doyenne était surtout consciente de l'amour déraisonné qu'il portait à la colonie. Un amour bien plus déraisonné que le sien. Alors, elle savait que malgré le sort qu'elle lui avait fait subir, il ne tolérerait pas qu'elle mette ses jours en danger. Pour lui, il avait toujours été clair qu'elle était le noyau de leur société. Elle était reine et déesse, prêtresse et enchanteresse.

— Tu comprends donc pourquoi j'ai décidé de te libérer Groen, expliqua-t-elle. Je ne peux d'avantage me servir de magie. Seulement, si nous nous trouvons acculés...

— Je ne le tolérerais pas ! explosa le géant aux cheveux blonds anormalement longs, lui parcourant l'échine et léchant ses mollets. Si nous sommes acculés, continua-t-il, tes enfants prendront les armes et se battront !

— Non ! objecta Alik avec rage tout en frappant le sol de sa canne, aucun de mes enfants ne goûtera au sang comme tu as eu à le faire il y a bien longtemps ! Avec toi, j'ai eu la preuve que nous devons-nous préserver de la violence pour survivre au passage du temps.

Groen enrageait. Elle non plus n'avait pas changé, cette petite vieille à la tunique recousue de partout et à l'allure bien trop sévère. Toujours aussi entêtée, toujours aussi autoritaire. Alors, il inspira profondément, en plongeant son regard dans les hauteurs du ciel, se délectant de la lumière du soleil, irradiant sa peau grise.

— Fort bien ! lâcha-t-il, de toute façon, aucun fils d'Homme ne sera en mesure de se défaire de moi !

— J'espère que tu as raison, murmura l'ancêtre.

Constatant son appréhension, le cadet regarda autour de lui, et renifla l'air de son imposant nez orné d'un anneau argenté, qui dévorait le quart de son visage. Puis, il plongea sa main dans la terre, propulsant au passage une motte sur le vêtement de la matriarche. Il ferma ensuite les yeux, expira lentement et clama d'une voix forte : vild jakt ! Une lumière verte se dégagea de terre, donnant naissance à une myriade de molosses faits de racines et au regard émeraude qui s'éparpillèrent presqu'aussi prestement dans les entrailles de la forêt. D'un air satisfait, Groen se releva et croisa à sa grande surprise les prunelles méprisantes d'Alik.

— Tu continues de te servir de cette abominable magie ? maugréa-t-elle.

— En soutien au sort que tu as lancé, ma magie devrait aider à éradiquer la menace avant même qu'elle ne s'approche de nous.

Le géant n'avait pas toujours su se servir de magie. Il était bien trop stupide pour ça. Seulement, un jour, il avait dévoré une biche, mu par une incroyable bêtise, l'ayant confondue à une race de champignons poussant dans la zone la plus humide de la forêt, à l'ouest de la colonie. Depuis lors, il avait développé des capacités que tous lui enviaient, mais aussi, une agressivité à nulle autre pareille. Fort heureusement pour la doyenne, rien de similaire ne se produisit plus jamais parmi les siens. Mais, elle craignait toujours que leur manque de bon sens ne les guide sur quelque chemin interdit. Néanmoins, elle ne pouvait le nier, la magie qu'utilisait Groen allait grandement les servir, même si elle se refusait à cautionner son existence. Donnant le dos au géant, elle se mit à marcher en direction de leur village.

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