AU-DELÀ

Chapitre IV

>NESS

     Alors que je fermais mon casier, la face peinturée de Garance apparut à ma gauche. J'étais sûre qu'elle allait venir me voir à un moment ou un autre dans la journée, brisant la règle primordiale et commune à tous les habitants de Clupérusce ; Ne jamais approcher Ness Ortega. Et vu son expression inquiète et furieuse, cela faisait un moment qu'elle voulait violer cette règle mais comme elle n'avait pas réussi à me trouver, étant donné que je n'étais pas venue hier en cours, elle avait dû attendre et ça ne lui avait pas plu.

     Le fait d'avoir réussi à frustrer la déesse me combla de bonheur. Un sourire vint même orner mes lèvres. Un exploit pour moi qui ne souriait quasiment jamais.

     Avec une lenteur qui la rendit aussi rouge qu'une tomate farcie, je pivotai vers elle et m'adossai à la rangée de casier en arquant un sourcil.

     « Pourquoi tu es aussi heureuse ? me reprocha-t-elle.

     - Parce que tu es malheureuse, sans doute. Tu vois, on peut inverser les rôles parfois. Tu verras, tu t'y feras, déclarai-je en lui tapotant les épaules bien que cela me retourna l'estomac.

     - Ne me touche pas, espèce de monstre insensible, persiffla-t-elle, en reculant vivement. J'ai cherché Kevin partout. Où est-il ?

     - Bah, il a disparu, déclarai-je comme si c'était une évidence, ce qui aurait dû l'être pour elle, non ?

     - Quoi ?! s'étrangla-t-elle. J'ai cru qu'il était simplement rentré. Je ne l'ai plus vu après la fête... Ton cousin a disparu et toi, tu souris, réalisa-t-elle, indignée. Quel genre de monstre es-tu ?

     - Je ne suis pas un monstre, je suis juste réaliste. Il a disparu dans la Forêt et personne ne le reverra jamais, je n'ai pas de quoi espérer, dis-je simplement, cela coulait de sens.

     - Il y a toujours de l'espoir, hurla-t-elle, les yeux vitreux.

     - Je ne savais pas que tu étais optimiste, fis-je en la contournant mais elle m'emboita le pas. Kevin n'est pas un dieu comme il se plaisait à le croire, alors je ne vois pourquoi lui plutôt qu'un autre réussirait à revenir. »

     Soudain, elle me saisit le bras, me faisant grimacer et m'obligea à lui faire face.

     « Les policiers sont incompétents, voilà pourquoi on ne retrouve personne, sanglota-t-elle, si nous le cherchons, il aura plus de chance d'être sauvé.

     - Depuis quand tu veux qu'on fasse équipe, ricanai-je, trouvant cela de plus en plus ridicule.

     - Ness, ton cousin a besoin de nous. Et... j'ai besoin de lui », m'avoua-t-elle.

     Je fronçai les sourcils. En tant que bonne pessimiste, je craignais qu'il n'ait déjà plus besoin de nous de là où il se trouvait désormais mais Garance semblait réellement vouloir le trouver. Sa confession me tordait l'estomac car je savais que le chercher n'allait nous apporter que des ennuis. Et la mort, aussi. Nous allions faire tout le contraire d'aider. En revanche, je vis dans son regard quelque chose qui me perturba. Est-ce qu'elle...

     « Tu aimes Kevin ? lui demandai-je, croyant que cela était impossible.

     - C'est... C'est de l'ordre du privée, je n'ai rien à te dire, s'offusqua-t-elle en libérant vivement mon bras qu'elle avait encore dans sa main.

     - Je ne peux rien faire. Et toi, non plus. Si tu vas dans la Forêt, tu ne causeras que des problèmes en plus. »

     Garance me regarda en silence puis tourna les talons avant de courir, cachant sa peine. Je soupirai, désespérée. Étais-je la seule à être rationnelle ? Ou peut-être étais-je vraiment insensible comme Garance me l'avait dit...