Chapitre XXXIV

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>JEHAN

    Un jet de lumière fondit sur un arbre. Une violente déflagration fit trépider le sol et la chaleur glaciale se répandit sur toute la forêt, la fumée s'élevant comme une fusée vers le ciel, créant un épais nuage circulaire dans le noir de la nuit. Le nez en l'air, ma mâchoire se contractait et se détendait toutes les cinq secondes, mes poings se crispaient pour se desserrer par la suite, une onde insupportable parcourait mon corps.

    Je n'arrivais pas à contrôler mon pouvoir qui se déliait de moi-même, s'attaquait aux manifestations vivantes sans mon accord, détruisait ce qui avait le malheur d'être proche de moi quand je relâchais une pression persistante.

    J'avais voulu la réduire au silence, la tuer, la contraindre à ne plus m'insulter. Pourquoi ? Pourquoi avais-je désiré cela ? Pourquoi avais-je eu cette pulsion violente à son égard ? Pourquoi avais-je voulu défendre, anéantir une personne qui s'en prenait à Nessie ?

    Mon poing alla rencontrer un tronc qui se fendit en deux. Je posai mon front contre l'écorce, le visage crispé. Mes membres étaient victimes de soubresauts incontrôlables. Pourquoi ? POURQUOI ?

    Une main se posa sur mon épaule et vif, je frappai le corps qui était trop près. La frêle silhouette de la nymphe cogna avec violence un autre arbre et sous le choc, une ribambelle de fleurs surgirent et me donnèrent encore plus envie de tout saccager.

    « Je...han, geignit Charlotte.

    - Laisse-moi tranquille ! Ou je te tue toi aussi, grognai-je.

    - Ne te laisse... pas envahir par tes émotions.

    - Tais-toi, j'ai dit ! Je ne veux pas t'entendre !

    - Tu... »

    Je la pris par la gorge et la plaquai contre l'un des frênes qui peuplaient cette forêt. J'approchai mon visage du sien, déformé par la peur. J'affermis ma prise pour rendre sa respiration plus courte.

    « Ne me parle pas, Charlotte. Ne contredis pas mes ordres et ne me donne pas de conseils ou tu rejoindras cette femme-louve insolente. »

    Elle agrippa mes mains en me suppliant du regard de la relâcher mais je n'en fis rien. Elle me prenait pour un idiot et je ne supportais pas ça. Je ne cherchais pas de raison à ce sentiment, je ne le comprenais pas, ne le cernais pas et ne le voulais pas.

    « Libère-la. »

    Je tournai brusquement la tête. Nessie était là, la mine grave, le front plissé. Dans un geste lent, j'enlevai mes doigts de la gorge fragile de la nymphe qui chut sur le sol recouvert de cicatrices noires comme de la suie. Je la regardai pleurer avec un dédain que je ne connaissais pas puis apparus face à Nessie. Elle ne sursauta pas et pourtant mon expression devait faire peur.

    « Judith est morte par ta faute, ne commets pas une deuxième erreur. Charlotte t'a toujours aidé.

    - Je n'ai pas besoin d'aide.

    - Maintenant, si. Tu agis avec excès.

    - J'agis avec excès, tu dis ? Si j'agissais ainsi, je t'aurai déjà fait subir un nombre incalculable de choses horribles.

    - Jehan, reprends-toi. Tu risques de me mettre en danger.

    - Je t'ai sauvée du danger et tu n'es pas reconnaissante, rétorquai-je, le regard noir. Personne n'est reconnaissant, ils méritent mon comportement à leur égard.

    - Tu es perdu, bon sang ! »

    Nessie semblait paniquée tandis que je la toisai, mauvais. Je les aidais, je les protégeais, j'allais les sauver et ils voulaient me tuer ? Ils voulaient se débrouiller sans moi ? Ils voulaient se retourner contre moi ? Ils n'y arriveraient pas, trop faibles comme ils sont, incapables de s'entendre entre eux. Les humains les tueraient avec leurs armes avant même qu'ils n'aient pu franchir la limite si je n'étais pas là. J'étais le plus puissant, la plus ancienne créature, comment pouvaient-ils penser que je ne leur étais pas indispensable ?

AU-DELÀOù les histoires vivent. Découvrez maintenant