Chapitre XV

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>NESS

    « Plus de nerfs, Ness. Les livres rendus ne vont pas se ranger tous seuls. »

    J'eus envie de lui répondre que, si, justement ils pouvaient le faire et que c'était simplement pour son simple plaisir de me voir galérer qu'elle m'infligeait cette corvée mais je me contentai de grogner dans mon coin. Ingrid eut un rictus narquois avant de disparaître entre l'une des multiples rangées de la bibliothèque.

    Chouette sadique.

    Je soupirai et me remis au travail en me grattant la nuque.

    Le dimanche de l'horreur m'avait traumatisée et je n'arrivais pas à me concentrer sur ma tâche. Je savais désormais ce qu'il se passait pendant cette nuit appelée Nuit Écarlate par les surnaturels et je me demandais comment mon gouvernement pouvait faire une chose pareille. Livrer des criminels en pâture aux créatures du Secteur 13. Une abomination...

    Plus jamais je ne sortirai un dimanche soir ici.

    N'ayant trouvé aucune punition envisageable pour une humaine et déclarant que je m'étais assez fait peur toute seule, les sorcières s'étaient contentées de m'engueuler un bon coup et de me soigner par la suite. Il était vrai que je n'étais pas prête d'oublier cette nuit pendant laquelle la malchance m'avait bercée et n'avait pas voulu me lâcher. Je serais sans doute traumatisée à vie mais dans un environnement pareil, j'avais la vague impression que tout ce qui m'arrivait s'équivalait, de sorte que je m'étais habituée aux attaques et aux meurtres.

    Ou presque...

    Les corps monstrueux des manticores, le visage changé de Gabriel et celui aussi troublant qu'effrayant de Térance continuaient de repasser en boucle dans ma tête. Je n'arrivais pas à faire comme si tout allait bien. Car rien n'allait !
Kevin pouvait encore crever !

    Pourquoi ça me gratte autant ?

    Je me passai une main anxieuse dans ma chevelure rebelle et faillis m'arracher une touffe de cheveux tant l'angoisse contrôlait mes gestes. Bon sang, comment allais-je faire ?

    J'étais en train de me torturer l'esprit pour essayer de trouver un moyen de le sauver et de foutre le camp de cette maudite ville sans se faire ni blesser ni bouffer quand les portes de la bibliothèque s'ouvrirent. Je ne relevai pas la tête, jurant contre cette foutue démangeaison qui s'amplifiait de seconde en seconde et que je frottais dans un vain espoir qu'elle disparaisse. Est-ce que je m'étais faite piquer par un moustique ?

    « Ah, tu es bien là, tendre humaine. »

    Je suspendis mon geste et écarquillai les yeux.

    Je relevai lentement le regard puis mon cœur rata un battement lorsqu'il se posa sur l'homme qui avançait d'une démarche assurée et confiante dans ma direction.

    Térance...

    Ce n'était pas un moustique qui m'avait piquée. Non, c'était ce vampire qui m'avait mordu et c'était sa morsure qui me grattait autant.

    Je voulus disparaître dans mon fauteuil, l'envie d'être une mouche refit son apparition mais malheureusement, je demeurai Ness Ortega, l'humaine munie d'un aimant à créatures foutrement terrifiantes. Pourquoi ne sentais-je pas l'œuf pourri ? Ou le souffre ? Ou l'excrément de n'importe quel animal ?

    Térance finit par arriver face à mon bureau et garda ses mains dans son trench-coat apparemment décliné dans toutes les couleurs puisqu'il s'avérait qu'aujourd'hui il était beige.

    Mais pourquoi je m'arrête sur un si petit détail alors qu'un foutu vampire qui a envie de me sucer le sang se tient devant moi ?!

    Il eut un demi sourire accompagné d'un regard condescendant qui le rendit encore plus hautain puis il me toisa en silence, pendant de longues minutes comme si son but était de me gêner le plus possible. Et lorsqu'il vit que je disparaissais presque dans le dossier de mon fauteuil, il daigna enfin briser ce calme étouffant de sa voix teintée d'arrogance et de son langage plus que soutenu.

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