Chapitre XXVI

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    Gabriel ?!

    Mes yeux sortirent de leurs orbites et scrutèrent le corps dénudé de mon meilleur ami qui était strié de cicatrices et de plaies nouvelles d'où s'échappaient des lignes rougeâtres. Il portait un simple short et ses pieds nus étaient soudés dans le sol jusqu'à ce qu'il apparaisse juste devant moi en quelques secondes et qu'il me relève par le bras sans ménagement.

    « Je suis con, merde ! Tellement con ! Comment j'ai pu croire que tu allais suivre avec sagesse mes ordres ? Hein ? Putain, Ortie, tu fais chier !

    - Mais qu'est-ce que tu fous là ? dis-je toujours haletante.

    - Ta chère Noirceur n'a jamais été aussi émotive ; il était paniqué et a été obligé de me dire que tu allais revenir et que tu étais en danger pour que je vienne te chercher. Sérieux, Ortie ? Pourquoi tu ne te contentes pas d'être égoïste ? T'as jamais été très altruiste !

    - Je n'ai pas le choix, Gabriel ! Ce lien m'empêche de l'être et je ne peux pas abandonner les autres. Je ne peux pas t'abandonner, toi. »

    Le hurlement des voitures de l'Armée mît fin à notre conversation très peu constructive et entraîna la transformation de Gabriel. Je fis un bond en arrière au moment où la fourrure et l'énorme queue de scorpion apparaissaient puis d'un mouvement de tête - très peu avenant -, Gabriel m'ordonna de monter sur son dos. Je n'eus pas le temps de refuser car déjà, la lumière des phares nous éblouissait. Je grimpai sur lui, m'accrochai fermement à ses poils et serrai mes jambes autour de ses flancs dès l'instant où Gabriel se propulsa sur ses pattes arrière et fila dans la nuit.

    Je crus mourir.

    La vitesse me soulevait le coeur. Le vent sifflait autour de nous et me plaquait contre l'échine du manticore de sorte que j'avais l'impression de ne plus pouvoir bouger. J'étais paralysée. J'eus du mal à relever la tête pour voir où nous allions : la Forêt se dessinait face à nous.

    Soudain, le sifflement des balles me rendit fébrile. Gabriel fusa sur un mur. Je hurlai en plongeant ma tête dans son pelage rougeâtre et nous sentis voler sans explication puis je compris que le manticore s'était aidé de la paroi pour se projeter de l'autre côté de la rue afin d'éviter les balles meurtrières. Mais un grondement lui échappa et un coup d'œil vers son flanc gauche me permit de savoir qu'il avait quand même été touché. Le sang avait teinté sa parure ocre d'une touche plus sombre. Je serrai les dents pour lui et enfonçai mes doigts dans ses poils pour l'encourager.

    Malgré la douleur qui le faisait rugir, il parvint à accélérer ses foulées et à nous amener près des ruines. Jamais la Forêt ne m'était apparue comme miraculeuse. Jamais je n'aurai pensé que je préférais la traverser que de rester sagement devant à l'observer vivre.

    Dès lors où Gabriel pénétra l'ancienne ville, je sentis une vague glaciale rouler sur nous. Un froid polaire régnait sur la plaine et glaça mes os à tel point que je me mis à claquer des dents. Pourtant, j'arrivais à discerner sa chaleur. Et cela me rassura. Sauf que nous étions encore poursuivis. Deux voitures nous suivaient en rugissant comme des animaux furieux et prêts à tuer et je déglutis difficilement en apercevant les soldats qui apparaissaient derrière les premiers arbres de la Forêt. Nous n'étions pas poursuivis, nous étions encerclés. Gabriel s'ébroua en levant la gueule vers le ciel pour lâcher un grognement terrible et fonça droit sur la Forêt, évitant les décombres comme une fusée.

    Soudain, une violente déflagration nous fit perdre l'équilibre. Une bombe noire venait d'exploser derrière la limite et était venue se propulser contre le dôme magique. Désormais, des fils noirs s'élevaient vers le ciel en un épais drap sombre et comme déchiré par endroit. Restée accrochée au dos de Gabriel, je ne fis que grimacer à cause de mon épaule certainement déboîtée alors que nous venions d'effectuer un roulée boulé assez brutal. En revanche, je réussis à sentir la puissance nébuleuse jusque dans les ruines ce qui provoqua une succession de frissons incontrôlés et la mort de plusieurs agents-robots qui couraient dans les bois.

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