C'est une ruelle bondée, emplie de corps rougis par l'astre blanc qui crie dans le ciel aveuglant. La Dodge roule doucement dans cette étroite allée de dalles de pierre, Auguste se penche sur le volant ; ses yeux roulent sur les trottoirs à ses côtés, des petits regards lui sont adressés qui glissent sur la bécane couleur blanc cassé.
« Bordel, tout le monde nous observe, lance-t-il.
-Tranquille, murmure Jeanne à ses côtés. Essaye de paraître normal. Les gens n'en ont rien à faire de nous, ici ».
Elle prend les lunettes de soleil rondes qu'Auguste a laissé sur le tableau de bord. Mais à peine elles sont posées sur son nez que l'engin freine brusquement ; les quatre jeunes gens sont projetés vers l'avant. Le crâne de Claudia se heurte au siège de Jeanne.
« Merde, murmure Auguste entre ses lèvres pincées. Putain, merde ».
Gaspar s'agrippe au siège du conducteur :
« Wow, il se passe quoi, là ?
-Les flics. Juste en face, là ».
Il fait un signe de la tête envers deux hommes en uniforme de policier qui, les mains dans les poches, observent le trafic à quelques mètres de là, cloîtrés au coin d'un rond-point.
« On fait quoi, hein ? On fait quoi ? - Auguste est angoissé, ses cheveux rebondissent au-dessus de sa tête, ils gigotent avec animosité-.
-Continue, je suis sûre qu'ils ne soupçonnent rien, réplique Claudia doucement.
-Ils ont dû parler de nous à la radio, ils nous cherchent, j'en suis sûr. Si je tourne à droite, là ?
-Ne fais pas ça, continue tout droit ».
Mais les yeux des deux policiers se posent sur la voiture. Derrière leurs lunettes de soleil aux verres parfaitement carrés, Auguste sent leurs regards pesants et pleins de soupçons qui le fixent. Il halète, ses doigts se serrent sur le volant, phalanges blanchissantes. D'un geste soudain, il tourne le volant vers la droite et appuie sur la pédale de l'accélérateur ; la voiture démarre violemment, projette les trois autres en arrière.
« T'es fêlé, Auguste ? hurle Jeanne, alors que la voiture s'engage dans une petite ruelle étroite entre des maisons aux façades couleur pastel.
-Laisse-moi », il répond avec la mâchoire serrée.
L'engin se perd entre les rues aux noms imprononçables, les yeux d'Auguste serpentent entre les rétroviseurs. Ils sont seuls, la Dodge circule doucement sur les routes sinueuses de la petite ville. Ils s'éloignent des ruelles et se dirigent vers des routes solitaires et sableuses, à l'ombre sous des pins qui se balancent nonchalamment à cause de la douce brise marine. Auguste entre dans une forêt de pins, l'engin se balance de tous côtés et tangue violemment. Il arrête enfin la Dodge entre des arbres qui laissent tomber une pluie d'aiguilles vertes sur la vitre crasseuse. Lorsqu'il coupe le contact, un silence lourd se fait ; le chant doux et harmonieux des oiseaux qui sautillent d'une branche à l'autre berce les quatre jeunes.
« Ici, là, entre des arbres ? Tu penses sérieusement qu'on passe inaperçus ? » s'indigne Gaspar.
Auguste ne répond pas, il sort de la voiture, suivi de Pearl Hart qui sautille derrière lui, et referme violemment la portière. Sa main agrippe déjà le paquet de cigarettes, il dépose nonchalamment l'une d'elles dans sa bouche.
« Mes lunettes, grince-t-il avec le papier roulé coincé dans la commissure de ses lèvres. J'en ai besoin.
-S'il-te-plaît. -Jeanne le rejoint, les mains sur les hanches-.
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FAUVES
Teen Fiction"Bonnie et Clyde, c'étaient nous dans cette vieille Dodge Charger du 69". Ils disaient que leur vie devait ressembler à un film. Il avait peur de la perdre. Elle avait peur de mourir. Et Jeanne, elle n'avait peur de rien. (1989, quand la jeunesse c...