Chapitre XIV

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Lolita, entend-t-elle au creux de son oreille comme un murmure cloîtré et enfermé. Lolita.

Claudia soulève les paupières et la voix devient plus claire. En face d'elle se dessine la forme d'un caméscope gris dont l'objectif est braqué sur son nez ; un point rouge scintille, incandescent. Claudia grogne, cache son visage encore endormi sous un coussin.

« Lolita, il est l'heure de se réveiller ! » lance Jeanne en faisant voler le camescope autour de Claudia, comme une guêpe qui plane au-dessus d'une tige de lavande. L'image pixelisée sur l'écran affiche une jeune fille enfouie entre des draps et des oreillers.

« Mmph, parvient-elle à articuler.

-Fais pas ta fainéante. Allez, debout ! »

La jeune fille se redresse avec peine, une main tendue vers l'objectif du caméscope, qui rend l'image floue.

« Il est quelle heure?

-Dix heures du matin.

-Quoi ? maugrée-t-elle de sa voix pâteuse. Mais j'veux encore dormir, moi ».

Elle entend un cri strident cloîtré derrière les murs de la chambre, accompagné de pas lourds qui se hâtent, faisant craquer le plancher sous les semelles de chaussures. La silhouette de Gaspar apparaît dans l'ouverture de la chambre, lui qui porte un simple slip. Il bondit sur le lit et s'écrase sur le matelas, faisant craquer dangereusement le sommier. Claudia est ébranlée, elle s'accroche aux draps. Jeanne se met à rire à gorge déployée. Il hurle :

«Allez, bouge-moi ces fesses du lit Claudia ! ».

Après ce réveil mouvementé, la jeune fille se redresse du lit, bâille à s'en décrocher la mâchoire. Elle enfile un short et un tee-shirt puis se dirige vers la kitchenette et ouvre le frigo, prend un tétra-brick de lait et le verse dans un bol en céramique. Ses yeux bouffis se perdent dans la rue sur laquelle donne la fenêtre ; les voix matinales qui débutent leur journée et les moteurs qui tournent sur les routes la réveillent en douceur, alors que ses lèvres viennent tremper le lait froid.

Elle entend des pas derrière elle. La silhouette frêle d'Auguste vêtu d'un simple pantalon court émerge de la salle de bains encore embuée. Elle sourit discrètement lorsqu'elle voit la tige de sa brosse à dents dépasser des lèvres du garçon et des traces blanches de dentifrice sur les coins de sa bouche.

«Salut, murmure-t-elle.

-Hmph» et un simple signe de tête lui suffisent en guise de bonjour.

Il ouvre à son tour le frigo tout en se brossant les dents. Pearl Hart vient renifler ses pieds, il la caresse avec douceur. "Désolé de t'avoir laissée seule hier soir, ma belle. Promis, cest la dernière fois qu'on te fait ça !" articulé-t-il avec la brosse entre les lèvres. Claudia ricane, il hausse les épaules.

"Bah quoi ?

-Tu me fais rire, c'est tout".

Il n'ajoute rien et Claudia rougit. Elle soupire, observant le garçon se diriger vers un vieux poste de télévision qui jonche sur une étagère en bois délabrée. Il joue avec quelques boutons et une image apparaît, c'est un écran de neige grise et grésillante. Alors, s'accroupissant près du poste, Auguste se met à toucher l'antenne, la faisant tourner doucement ; et l'image apparaît enfin, des couleurs fades qui affichent une femme vêtue d'un costume rose, se tremoussant en effectuant une chorégraphie de cross-fit. "Et voilà" lance le garçon en ignorant le regard de Claudia. Il va cracher dans l'évier les restes de mousse blanche de dentifrice, essore sa bouche et se nettoie le visage, avant de quitter la salle suivi de Pearl. La jeune fille reste seule avec comme seule compagnie la voix nasillarde de la femme qui l'encourage à faire des abdominaux.

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