Chapitre 19 : Le cercle de feu

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Plusieurs soldats surgissent des buissons en face de nous. Des dizaines.

- Oren, monte !

Il se retourne vers nous. Soudain, une chaîne, une sorte de lasso s'enroule autour de son buste et de ses pieds, et il tombe à terre. Il lâche un râle.
Derrière lui, le soldat qui vient de le faire prisonnier pousse un cri de joie et commence à s'approcher. D'autres chaînes fendent l'air mais aucune ne nous atteint. 

Oren relève la tête et esquisse un sourire triste.

- On dirait qu'il m'ont eu, pas vrai ? Cassez-vous. N'oublie jamais que tu as eu un frère qui prendra soin de toi depuis là-haut. S'il y a un là-haut.

D'un geste de la main, il envoie un jet de flamme dans les pattes de l'ours. Aussitôt, celui-ci lâche un gémissement et part à toute vitesse. Nous sommes deux sur son dos. Et nous laissons Oren entre les mains des soldats.

Isis hurle à l'animal de faire demi-tour. Mais celui-ci n'écoute plus. La Méridianne des animaux m'attrape alors le bras et saute. Nous nous écrasons dans les herbes.

- Mais qu'est ce qui lui a pris ? Il faut qu'on le retrouve ! 

D'horribles images défilent dans ma tête. Oren va finir comme sa plus jeune soeur, comme la petite rousse, comme Awena. Il va finir avec une flèche dans la tête, et on ne peux rien y faire. 
Ils l'ont capturé !

Je vacille en marchant, tandis qu'elle se précipite vers le lieu de sa capture.

Oren est avachis au milieu d'un cercle de soldats. Ils rient de lui, lui donnent des coups de massues, je crois que sa lèvre est fendue. 

Un haut-le-coeur me parcoure, et c'est la première fois, la toute première fois, que j'ai envie de tuer quelqu'un. 


Personne ne nous a vues. Nous progressons derrière les buissons. Soudainement, le Méridian du feu relève les yeux et nous aperçoit. Je crois qu'il pleure. Il fait doucement "non" de la tête, mais Isis fait un pas de plus. 
Alors, il mime "désolé" avec ses lèvres.
Et un immense cercle de flammes les enferme, lui et les soldats. 



Isis se relève, abandonnant toute discrétion, et hurle à travers le feu :

- Oren ! Oren arrête ça ! C'est complètement stupide !

Puis sa voix devient un murmure, une supplication :

- S'il te plaît...
- Barrez – vous !

Les bruits de combat nous parviennent mais nous ne pouvons rien faire, bloquées par le feu. 
-Démon !

-Arrête ça immédiatement, raclure !

-Les braves soldats du royaume ne brûlerons pas ! Tu dois mourir !

Puis il hurle. Et les flammes s'abaissent de plusieurs mètres de haut, subitement. Et un cri de joie retentit à l'intérieur du cercle. Et Isis s'effondre.

- Non !

Puis, après un court instant :

- Ils l'ont eu. Jade. Ils l'ont eu.

L'effroi remplit ses yeux bruns. Puis l'ours vient se placer à côté d'elle et elle le monte, fébrile, tremblante, regardant au loin :

- Viens. Il ne nous reste qu'à fuir. Fuir avant que ces monstres ne puissent se lancer à nos trousses. Fuir avant que le feu ne s'éteigne complètement.

- Et Oren ? On ne peut pas le laisser là !

Sa voix est emplie de rage quand elle répond :

- Mais tu ne comprends pas ? Tu as entendu comme moi son cri. Tu as vu comme moi le feu baisser. Tu as subi comme moi les cris de joie de ces ordures. Mon... mon frère est mort.

Je relève soudainement les yeux vers elle. Quoi ? Son visage est tordu la douleur, des larmes s'accrochent à ses cils, refusant de tomber, sa voix est étranglée :

- Et il est mort pour sauver nos peaux. Viens. Ne rends pas son sacrifice inutile.

Je prends sa main et monte. Et ce n'est que lorsque qu'elle passe une main sur ma joue pour essuyer les larmes que je me rends compte que je pleure. Que j'ai mal. Que la haine et la souffrance prennent possession de moi. Elle lance l'ours et nous nous enfonçons dans les bois. Alors Isis enfouit sa tête dans la fourrure de l'animal et crie à pleins poumons, crachant sa peine. Et enfin pleure. Et nous nous éloignons ainsi, au son brisant de ses sanglots. J'ai l'impression de flotter dans une autre réalité. Au bout de plusieurs minutes nous entendons un cri de joie, des ordres, des pas. C'est fini. Le feu s'est éteint.

- Mettez-vous à la recherche de la complice ! Elle n'est pas là, elle a dû l'abandonner.

Ce soldat a raison. Je l'ai abandonné, complétement abandonné.

La voix d'Isis retentit à nouveau, déchirée :

- On ne peut pas aller directement au camp. S'ils nous suivent, nous les mènerons droit aux autres. A ma famille. Et ce serait pire que tout.

- Mais il faut les prévenir que des soldats sont à notre recherche !

- Mieux vaut qu'elles tombent sur un petit groupe de soldats qu'elles pourront maitriser, plutôt que nous menions toute une troupe à elles.

- Mais...Bien. Isis... qu'est-ce qu'on peut faire ?

Sa voix est toujours aussi tremblante, remplie de larmes et de désespoir :

- Dès qu'on est suffisamment éloignées, j'arrête l'ours et on monte dans un arbre.

Seul mon silence répond. Mon silence, les foulées de l'animal et les cris des soldats au loin. Soudainement nous nous arrêtons :

- L'odeur des fruits et les feuilles nous protégera.

Elle fixe un immense arbre aux fruits jaunes. Je ne réponds pas. J'aimerais, mais les sanglots qui étranglent ma voix bloquent tout. Je voudrais hurler. Je voudrais frapper. Je voudrais pleurer. Mais je monte juste dans l'arbre, car tout ça ne sert à rien. Ça ne ramènera pas Oren. Ça ne ramènera pas mon cœur qui semble être parti en même temps que lui.

Je sens la présence d'Isis à mes côtés. Je voudrais tant la réconforter mais... les gens qui ont mal ne savent que regretter. Pas aider. Je tente de lui parler malgré tout :

- Isis... Je...

- Il a choisi sa façon de mourir.

Je ne réponds pas. La perte d'Oren est encore beaucoup trop présente dans mon esprit pour que je parvienne à accepter ses paroles. Mais Oren n'est plus là. Ne sera plus jamais là.

Je relève la tête, redoutant la vision d'une Isis dévastée par la mort de son frère, mais elle fixe le ciel d'une lueur pleine d'espoir, un sourire dans les larmes, à travers les épaisses feuilles. Je suis son regard mais n'aperçois rien. Puis, soudainement, un jet de feu traverse la nuit, rendant presque sombre notre soleil.

Le feu. L'espoir. Oren.

*Désolée, ce chapitre est moins abouti que les autres, j'ai eu un petit problème de timing ;)
J'espère que vous avez quand même apprécié... *

Valandia. T1_MauditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant