Chapitre 27 : Le soldat d'or

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Celui que je vise me toise d'un regard moqueur. Il ne se moquera plus très longtemps. Il ne mérite qu'une seule et unique chose. Mourir.

Je resserre ma prise sur la lance. Un seul tir sera bien suffisant. Les armes des autres soldats sifflent à mes oreilles, mais maintenant, il n'y a que lui et moi. Et très bientôt, il n'y aura plus que moi. J'en fais le serment.

Vive et déchaînée, je brandis mon arme. Je n'aurai pas l'éternité. J'envoie ma lance et elle fend l'air en sifflant, comme pour annoncer la cruelle destinée de sa cible. Et elle atteint son but, dans une pluie de sang. Le sourire narquois figé sur son visage à tout jamais, le soldat glisse et tombe lentement vers le sol. Je suis sa chute du regard, et ce n'est que lorsqu'il touche le sol que je réalise ce que j'ai fait. J'ai tué quelqu'un.

J'ai anéanti une vie d'un seul geste. Tout ce que j'avais pu ressentir auparavant est balayé comme d'un souffle. Il n'y a plus qu'un grand vide. Mon souffle se fait court. Je n'avais pas le droit. Je n'ai pas pu faire ça ... Mais le Maoka sans cavalier qui disparaît en loin me prouve que ce n'était pas mon imagination. Ma tête devient lourde et mes pensées se bousculent. Je suis un monstre. Il n'y a pas d'autre mot.

Les cris des soldats et de mes amis résonnent dans mon crâne, sans que je parvienne réellement à saisir le sens de leurs propos. Soudain, un hurlement affolé plus fort que les autres me traverse l'esprit de part en part, perçant comme un cri d'aigle. Il me faut quelques secondes avant que les paroles se mettent en ordre. Mais tout devient plus clair.

- Le commandant est mort. Cette fille l'a tué !

C'est cette unique phrase, prononcée par un jeune soldat en uniforme trop grand, qui me rappelle à la réalité. Toute l'agitation autour de moi devient moins floue. Les Maokas qui plongent vers le sol, les soldats qui sautent à terre et paniquent en appelant des médecins... L'homme que j'ai tué était leur chef. Nous avons gagné.

Ils ne reviendront pas avant d'avoir un nouveau commandant des opérations. Mais le goût amer, âcre dans ma bouche enlève à la victoire toute sa gloire. Je ne peux pas ... je ne veux pas croire que j'ai tué quelqu'un. Tout semble sur le point de s'écrouler autour de moi. Le soleil couchant tremblote à l'horizon. Quand une pression sur mon bras me fait reprendre mes esprits. La montagne cesse de bouger et l'astre lumineux redevient net. Je me retourne pour voir le visage de celui qui m'a pris le bras. Ou plutôt celle. Isis.

Elle ne dit rien et sourit juste.

Je suis tellement troublée que tout ce que je parviens à faire est d'hocher la tête.

- Tu... j'ai cru qu'il t'avait tuée.

- Il n'a pas touché mon cœur. Et Lory...

- T'as dit de ne pas bouger car tu n'es pas rétablie.

Elle arrive et pose une main sur l'épaule de sa fille.

- Restons ici une dizaine de minutes et la guérison sera complète.

Puis elle escalade un peu plus haut pour aller vérifier l'était d'Élia.

- Pour... pour le soldat...Merci.

Je ne sais même pas si je crie ou si ma voix est étouffée :

- Non ! Non, pas merci... J'ai éteint une vie !

J'enterre mon visage entre mes mains. Isis me prends le menton et le relève. Malgré son sourire, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y avait un autre moyen que la mort de cet homme pour qu'on s'en sorte. Il y a toujours un autre moyen.

- Et sauvé cinq autres.

Un sourire s'étend sur mes lèvres avant que celles-ci ne se remettent à trembler, dès que l'image de l'homme tombant dans le vide revient.

Valandia. T1_MauditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant