La voix du garde se noie dans les ténèbres, et je suis réveillée par une sensation de froid engourdissant chaque partie de mon corps. Je me lève, tremblante. Un seul regard vers mon bras me confirme que je ne suis plus dans un rêve, ni même dans un cauchemar, vu les circonstances. Il est enflé, presque bleu à cause du froid. Le feu, si impressionnant la veille, agonise maintenant au centre du cercle, impuissant pour réchauffer l'étendue désormais recouverte d'un léger givre, tout comme nos habits. Lory, assise devant le brasier mourant, monte la garde.
- Qu...que s'est-il passé ?
Mes dents claquent tellement que je ne parviens pas à formuler des phrases correctes.
- Ici, les journées sont glaciales, et les nuits douces. Dès que nous serons tous prêts, nous partirons. Il faut marcher pour oublier le froid, et pour s'éloigner de cet endroit. Car ici, les soldats nous retrouveront trop facilement.
Je tourne en rond pour tenter de me réchauffer un peu. Le vent glacial me fouette le visage. Au bout de quelques minutes, tout le monde est levé et nous sommes prêts à partir. Chaque sac me paraît énorme et impossible à transporter. Pourtant, Oren, Elia et Isis prennent chacun un chargement sans montrer le moindre effort.
- Nous devons nous enfoncer dans la chaine de montagnes. Personne n'y a jamais passé plus de quelques jours sans y mourir. Nous serons les premiers à devoir y vivre, si tout du moins nous parvenons à ne pas nous empoisonner avec les rares plantes, et à éviter de nous faire dévorer par les animaux sauvages. Mais nous devrons affronter soit la nature, soit l'armée. J'ai déjà fait mon choix.
Le discours de Lory m'appelle à me battre contre ce que pensent les soldats. Nous ne mourrons pas dans ces montagnes, et nous ne mourrons pas non plus de leurs mains. Nous survivrons. Et pour cela il faut marcher. Marcher jusqu'à ne plus sentir nos pieds, marcher jusqu'à l'épuisement, marcher sans cesse, sans frontières pour nous barrer le chemin. Pour nos vies.
Grelottants, gelés, nous entamons notre long périple. Oren ne peut rien pour nous, car il est tellement frigorifié qu'il ne peut pas utiliser ses pouvoirs. Nous nous glissons tous à travers une faille qui sillonne un des côtés du cratère. Enfin, à la lumière, le prochain mont, presque deux fois plus haut que celui que nous venons d'escalader, se dresse devant nous. Lory montre quelque chose plusieurs mètres en dessous.
- Nous devrons rejoindre la prochaine montagne par ce pont.
J'aperçois deux longs fils à moitié rongés par le temps soutenant quelques planchettes en bois pourris. Au-dessous de ce pont délabré, des kilomètres de vide s'étendent. Le danger de mort constant me manquait presque.
- Le pont a été construit lorsque le royaume a décidé de faciliter l'accès aux montagnes. Il a aussitôt été abandonné quelque mois plus tard car les attaques d'animaux sauvages étaient trop fréquentes. C'est l'unique moyen d'accéder à la falaise suivante sans redescendre en bas de la montagne.
Trébuchant contre les rochers, nous descendons... ou plutôt glissons vers le pont. Une chute d'ici nous serait fatale. Nous arrivons enfin à son entrée. Personne n'a dû poser les pieds sur le bois vermoulu depuis au moins une vingtaine d'années. Hésitante, Isis fait un premier pas, puis s'appuie plus lourdement. Quelques craquements se font entendre mais la planche tient bon. Les cordes effilées qui soutiennent le pont ne nous laisseront pas beaucoup de temps pour traverser avant que la passerelle ne s'écroule.
- Il faut qu'on traverse un par un. Le pont n'est pas assez solide.
- Je ne suis pas enthousiaste à l'idée de laisser quelqu'un seul de l'autre côté, même pour seulement quelques minutes, mais... Oren a raison.
- On aurait le temps de se faire bouffer huit fois avant que le suivant n'arrive ! Je ne laisserai personne là – dessus, il y a forcément un autre moyen ! ; s'étrangle Élia.
- Aucun et tu le sais. Plus nous perdons de temps et plus les soldats se rapprochent.
- J'y vais.
Isis s'avance, retenant sa respiration à chaque pas supplémentaire. Il ne lui reste que deux planches à franchir avant d'atteindre la face escarpée de la montagne d'en face. D'une grande enjambée, elle atterrit délicatement sur la roche du mont en face de nous. Déjà, Oren passe à son tour. Il a à peine passé une dizaine de mètres quand un hurlement lugubre se fait entendre. Surpris, nous nous tournons tous vers là où nous nous trouvions il y a quelques heures, à l'intérieur du cratère. C'est de la que venait le bruit. Soudain, une ... chose immense, monstrueuse et couverte de poils surgit à toute allure par-dessus les dents de pierre qui entourent notre ancien abri. Il se précipite vers nous, donnant, dans notre direction, des coups de crocs et de griffes acérés.
- Traversez! Il va nous dévorer si on reste ici !
Lory hurle des ordres, pendant que je m'inquiète :
- Mais qu'est-ce que c'est que cette chose ?
- Un simple aperçu des fauves sauvages dont regorgent ces montagnes! Dépêchez-vous !
- Mais ... et le pont ? Il va s'écrouler sous notre poids !
- Face à lui, c'est une mort certaine qui nous attend! Sur le pont, une mort disons... probable.
- D'a...d'accord...
L'animal se déplace aisément sur la paroi rocheuse, bien en appui sur ses quatre pattes. Nous n'avons plus que quelques secondes avant de nous faire déchiqueter par ses griffes. Ou dévorer, au choix.
- On y va ! Courez le plus rapidement possible jusqu'à l'autre côté du pont ! Il n'osera pas traverser !
Nous nous précipitons sur la passerelle. Je passe la dernière. Devant moi, Lory, Elia et Oren avancent, courent, sans savoir quand une planche va craquer. Derrière eux, je me débats contre les cordes étroites qui nous obligent à faire de petits mouvements, quand je sens le sol se dérober sous mes pieds. D'un bond, je saute sur la planche suivante. Le misérable morceau de bois sur lequel je me trouvais tombe et se disloque entre les rochers. Celui sur lequel je me trouve maintenant ne tiendra pas plus longtemps. J'avance, et après chacun de mes pas précipités, les planches tombent dans le vide.
- Le ...le pont s'écroule!
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Valandia. T1_Maudite
FantasyTOME 2 ABANDONNÉ « Le sang... le sang partout. Le sang dans ses yeux, le sang sur mes mains. Partout. » J'ouvre les yeux. La sueur colle à tous les pores de ma peau. Cauchemar. Ce n'était qu'un cauchemar. Puis je me rappelle de la date d'aujourd...