Chapitre 33 : L'Ombre, l'enfance

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- Appelle-moi encore une fois par ce nom et tu le payeras de ta vie !

Lory assène un coup de pied au visage de celui qui a prononcé ces paroles. La fureur déforme ses traits.

Derrière moi, tous affichent une mine consternée. Elia s'avance, masquant ses tremblements derrière un air dur.

- Non ... Il ment ! C'est impossible ! Il ment ! Tu ne peux pas être cette femme ! C'était un soldat !

Elle crache ce mot avec un dégoût énorme.

- Elia ! Il a raison. Je suis ... j'étais l'Ombre.

La Méridianne blonde reste muette de stupeur, et son expression se partage entre l'incompréhension et le dégoût.

- Mais tu nous as dit que...

- J'ai beau avoir changé, je ne pourrai pas effacer mon passé.

- Raconte-nous ce passé. Explique-nous comment cette meurtrière au service du royaume est devenue la femme que j'ai devant moi.

- Mais...

- Je te considérais comme une mère ! Et je ne sais rien de toi. Si tu veux ma confiance, il me faut une explication. Maintenant.

- Je...

Les yeux si clairs de Lory sont voilés. Iris et Oren la regardent d'un air choqué, tandis qu'Elia... a l'air vidée. Ses lèvres tremblent presque et elle est blanche comme un linge. La douleur dans ses yeux est déchirante. Sans même savoir pourquoi, je comprends qu'elle est brisée depuis toujours. Et je m'en veux.

- Bien. J'ai grandi dans une famille de personnes aisées... Nous n'étions pas pauvres, mais un seul faux pas nous aurait ruinés. C'est sûrement pour ça que je passais plusieurs jours dans le grenier, sans manger, à chaque parole de travers. Mon père était général pour le royaume. Mais il s'était fait beaucoup d'ennemis. Aucun de mes parents n'a jamais été présent pour moi... Même lorsqu'ils étaient à la maison, ils ne me jetaient pas un regard. Tout compte fait, je ne les ai jamais considérés comme mes parents. Et je sais qu'ils ne m'ont jamais considérée comme leur fille, plus comme un objet qu'il fallait nourrir et tenir en laisse pour ne pas ternir leur image. Leurs affaires, l'avis des autres valaient plus pour eux qu'une gamine éloignée du monde.

Malheureusement pour moi, j'étais cette gamine. Chaque fois que j'entendais mes parents parler de moi à un ami, ou à n'importe qui d'autre, ils parlaient de moi comme si j'avais été un objet, une de leurs nombreuses possessions. .. Et ils ne cessaient de répéter que la nature les avait encombrés d'un enfant, et qu'ils regrettaient de ne pas m'avoir abandonnée bébé. Ils ne disaient pas cela devant les autres, évidemment, mais me le crachait à la figure à chaque occasion.

J'étais destinée à devenir la docile jeune femme qu'ils avaient toujours vue en moi. Mais je ne voulais pas de cette vie.

Je voulais devenir comme ces gens que j'avais vu défiler chez moi les uns après les autres. Comme les soldats.

Un jour, j'ai décidé de tenter quelque chose. Je savais très bien que personne n'accepterait d'entraîner une petite fille d'à peine dix ans à combattre. Enfin, personne de sensé. C'est pourquoi je suis allée voir ce vieil homme un peu fou, un homme du village, qui racontait à tout le monde qu'il avait été une légende de son temps. La première fois, lorsque j'ai frappé à sa porte, la personne qui m'a ouverte faisait presque peur, avec ses cheveux entremêlés, sa dent manquante et ses yeux vitreux qui semblaient m'analyser, examiner chaque partie de mon visage. Mais derrière cette apparence terrifiante se cachait un homme juste, bon, qui a accepté de m'apprendre à me battre, de m'apprendre à devenir aussi vive qu'une "ombre".

Valandia. T1_MauditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant