Prisonnière

Chapitre 16

Une lumière apparaît. Il y a quelque chose qui me rebute à l'intérieur. Non, quelqu'un. C’est un homme que je connais bien. Le regarder me fait souffrir. C'est Distor. Il me regarde, me fixe. Pourtant il n'est que dans la télé. “Il ne peut pas sortir de l'écran” je me rassure. Il ne parle pas. Peut-être comme la dernière fois, il attend que tout le monde soit ici, réuni pour le voir. Je tourne la tête et aperçois toute l'équipe, assise sur les fauteuils et les petits coussins. Ils sont tous là. Mais il attend encore. C'est un bon prétexte pour nous faire stresser encore plus. On ne sait pas quelle menace il va proférer. Alors on attend et lui aussi. Une longue et impossible attente. Une attente inégale. Depuis une semaine, on cherche un moyen de lui écraser sa tête. Et il est là en face de nous. Et il n'attend que depuis dix minutes.
Soudain son visage s'anime. Il étire ses lèvres pour former un sourire et nous salue.
-Bonjour les amis, je n'ai pas beaucoup de temps alors je ne vais pas le perdre avec des merdes commes vous. Je vais juste m'assurer que vous avez bien compris ce qu'il s’est passé. On a dû vous mettre au courant de l'accident à côté de votre QG. Si vous ne le saviez pas, c'est fait. Je pense que vous avez deviné que c'est moi qui suis à l'origine de tout ça. Mais c'était une erreur. C'est vous qui étiez visés. J'ai fait atterrir mes numéros un peu loin et ils se sont trompés de cible. Ne vous inquiétez pas, ils reviendront plus tard pour vous. Bisous.”

Chacun sort de la salle et part dans des directions différentes. Je reste seule, à fixer la télé maintenant noire. Mon cauchemar défile sur l’écran. Tout ce malheur, cette peur, cette tristesse inspirée par des êtres manipulés. Et connectée à moi. Pourquoi étais-je connectée à elle ? Pourquoi je ressentais son plaisir et son soulagement. Des questions sans réponse auxquelles je vais devoir répondre si je ne veux pas de mauvaises surprises.
-Tu ne viens pas ? me demande une voix derrière moi. On prépare une attaque.
-Non, je réponds préférant m'enfermer dans mon cauchemar et me répéter que c'est de ma faute en espérant que cela me punira assez.
Wanda se rapproche, s'assoit à côté de moi et prend ma main. Je devine qu'elle veut savoir ce que je pense mais je ne suis pas d’humeur à me confier. Je bloque son esprit et renforce mon bouclier.
-Si tu ne me dis pas ce qu'il se passe, je ne pourrais pas t'aider.
-Je n'ai pas besoin d’aide.
-Si, dis moi ce qu'il se passe.
-Je n'ai pas envie.
-Ce n’est pas grave.
Elle reste à côté de moi, ma main dans la sienne. Elle ne bouge pas, respire calmement. Sa petite et douce respiration détendue est le seul bruit de la pièce. Pas autre chose. Juste sa respiration. Et la mienne, silencieuse, inaudible. Parce que je ne désire pas la rendre bruyante, pour ne pas écraser ce moment de silence et de solitude. Dehors, tout le monde s'agite. On ressent la peur et l’inquiétude de tous les agents qui ont été informés petit à petit. Je sens tout le poids qu'ils ont sur les épaules à cause de moi.
-J’ai fait un cauchemar cette nuit.
Mon annonce nous surprend toute les deux.
-J’étais dans le corps du numéro 4. Je voyais ce qu’elle voyait, je disais ce qu’elle disait, je faisais ce qu’elle faisait, je ressentais ce qu’elle ressentait. De la satisfaction à chaque fois qu’elle tuait quelqu’un.
-Ton pouvoir s'est agrandi plus que je ne le pensais.
-C’est de ça que j'avais peur.
-Tu ne dois pas en avoir peur même si c'est effrayant. C'est normal.
-Tu as réagi comment la première fois que ça t'est arrivé ?
-Je n'ai jamais vécu ça. C'est pour ça que je ne peux pas mieux te conseiller. Je te dis ce que j'ai lu dans des livres.
-C’est de ma faute tout ça. Je ne peux pas me lever, sourire et faire comme si rien ne s'était passé. J’en suis incapable.
-Non. Mais tu peux bouger tes fesses. Viens avec nous, trouve un plan, attaque-les.
-Ouais, tu as peut-être raison.
Elle se lève et je la suis. Elle a, encore une fois, su trouver une solution à mon problème. Elle m’apprend à penser autrement, à vivre autrement, à faire confiance aux personnes qui m’entourent. Et cela me fait sourire un peu au final. Je sais que je vais aller de mieux en mieux, que même si les épreuves qui m’attendent sont les pires que je n’ai jamais connu, je compte bien sur mes amis pour me rendre la tâche plus facile. Maintenant je sais que je peux compter sur eux, j’en suis convaincu et n’en doute plus. Je pars les rejoindre pour trouver un plan.