[I&II] Aissam et les Filles

[XXXII]

Au fil de la soirée, les convives de Thislim festoient en papotant ou se mouvant sur la piste de danse. Personnellement, j'enchaîne les brelans et les quintes flush au poker et il faut dire que j'ai une belle auréole sur la tête ce soir parce que je possède la moitié des jetons. Les râleries de mes adversaires ne me font ni chaud, ni froid, je rafle tout tel le grand bluffeur que je suis et finalement, plus personne ne veut m'affronter.

En tout cas, la victoire a un goût très sucré, le goût voluptueux de la noix de coco mélangé à la douceur de l'ananas. La piña colada est le cocktail que je raffole en été mais pour le coup, j'en ai pleinement envie là, maintenant. Seulement, petit couac il y a : le jus d'ananas n'est que de fond et j'ai la flemme de sortir frigorifier mes vaisseaux sanguins sous les cinq degrés qui envahissent la ville.

Néanmoins, une personne manque à l'appel, j'ai nommé Rim. J'envisage l'idée de l'envoyer au charbon à ma place mais bon, encore faudrait-il qu'elle soit de la partie ce soir. Il me semble que c'est la cas mais ne sait-on jamais, les décommandes de dernière minute, on connaît ça.
Je me dirige donc vers sa copine de toujours, occupée à discuter avec des amis à elle, et lui demande en personne si Rim sera là.

« Rim est où ? Elle vient pas ?

— Si si, elle arrive, elle est allée chercher Cameron à la gare

— Oh, dis-lui d'acheter du jus d'ananas pour la Piña Colada en chemin, flemme de sortir

— Appelle-la toi-même

— Mon téléphone charge dans la chambre là

— Prends le mien alors, m'indique-t-elle en me tendant ce dernier »

J'attrape celui-ci et me dirige vers l'application "Téléphone" où je tombe illico presto sur son récent journal d'appel. Qui se trouve en tête d'affiche, au début de la liste ? Je n'ai même pas besoin de préciser son nom, je sais que tu le sais. Un FaceTime audio qu'ils se sont fait à quatorze heures huit, pendant une heure vingt-deux...
Est-ce que je rêve ? Est-ce que je deviens fou ? Est-ce que c'est normal ? Mon sang ne fait qu'un tour là.

«  Une heure vingt-deux au téléphone avec Ayrton ?! je m'exclame en fronçant les sourcils

— Ouais, c'était tout à l'heure pendant que je faisais les courses. Il me parlait de Yelena si tu veux savoir, m'informe-t-elle avant de se la jouer théâtrale, on sait jamais tu pètes encore une durite pour rien

— Hein ? Pourquoi de Yelena ?

— Il est pas guéri. Il l'a encore dans les veines, il déprime à cause de ça

— Tu racontes quoi là ?

— Demande-lui, c'est ton ami »

"C'est mon ami", mouais, c'est pas l'impression que j'ai depuis un moment-là. Depuis qu'on est là tous le deux, les échanges n'ont pas vraiment fusé si ce n'est pendant le poker mais encore, comme le silence est de mise à ce jeu, on a été très peu babbelaar.

Apparemment, il aurait parlé de Yelena à Philippe mais j'ai peine à y croire. Non pas que je ne fasse pas confiance à Thislim mais je ne sais pas, je le vois très flou Ayrton depuis un bon bout de temps, ce n'est pas un secret. Et puis, parler de Yelena pendant une heure vingt-deux ? Je veux bien que l'amour rende passionné mais pas à ce point.