[I&II] Aissam et les Filles

[2]

« Oh gros, viens on va vite fait à la banque, je dois retirer »

Ruse. Ruse totale. Il n'a pas besoin de retirer, il a juste bien remarqué la personne qui est assise à cette terrasse du bar Victoria.

Le simple fait de voir cette personne a le don de me hérisser le poil. Mon coeur bat la chamade et tous les événements passés me reviennent en tête quand je la vois, ou plutôt quand je le vois. Ce fils de pute.

Toute cette histoire, c'est Thislim qui l'a engendrée et les torts lui reviennent entièrement ; elle n'aurait jamais dû aller voir ailleurs. Cependant, j'ai quand même énormément de rancoeur à l'égard de son supérieur. Il a touché à ma propriété. Il l'a embrassée, lui a donné des mots d'amour en guise de surnoms, l'a baisée, tout ça alors qu'elle était à moi et qu'il le savait.

Par principe et par respect, je n'ai jamais touché à la feumeu d'autrui. Je dois quand même avouer avoir fortement draguer Thislim lorsqu'elle était en couple avec Isaiah mais c'est un tantinet différent : elle ne l'aimait pas réellement, était encore attachée à moi et ne se montrait pas forcément réticente face à mes avances... bah putain, j'viens de comprendre. Elle a reproduit exactement le même schéma qu'avec Isaiah en fait...
Elle s'est foutu de moi comme elle s'est foutue d'Isaiah et j'n'y ai vu que du feu, je n'avais pas l'ombre d'un doute. Une putain de salope manipulatrice.

Ça y est, ma haine a gravi un échelon supplémentaire.

« On continue là, y a quoi ? je lâche à Ayrton en fixant Eden

— Non, je dois vraiment aller à la banque, m'assure-t-il

— J'm'en bats les couilles hein

— De quoi ?

— De ce fils de pute

— De quoi tu par... Ah ! comprend-il en fixant la même direction que moi

— Ah, je répète en haussant les sourcils

— Je l'avais même pas vu. Mais la vie de ma mère, je dois quand même retirer du cash donc on va à la banque »

Je le suis à contre cœur. Si ça tenait qu'à moi, j'aurais traversée l'allée séparant la terrasse du Victoria et le bar en lui-même en maugréant des insultes à l'encontre d'Eden mais ce n'est que partie remise.

En y repensant, j'ai été vraiment con et naïf. Aveuglé par l'amour, je voyais en l'autre une fille sincère et honnête. Elle me prouvait cet amour réciproque au quotidien, ne montrait pas la moindre once de rosserie mais quand je vois ce de quoi elle a été capable... pas tant la tromperie mais l'avortement.

L'avortement, qu'on soit pour contre, c'est une décision qui doit être commune dans les deux chefs, à savoir celui du père et de la mère. Ouais, apparemment, la loi dirait que le père n'a pas son mot à dire quant à cette procédure mais je trouve ça totalement abject.

Si ça se trouve, c'était mon enfant qui demeurait en elle et elle m'a privé du droit de donner la vie. C'est ça le plus honteux finalement. Et rien que d'y repenser, ça exacerbe mon état de nerfs. Je suis plus qu'irrité, absorbé par ces pensées qui me torturent l'esprit mais Ayrton vient me sortir de cet état.

« Je t'ai pas dit en plus

— De quoi ?

— Elle était avec lui à Kin, m'informe-t-il les yeux rivés sur l'écran du distributeur

— Mmm, tant mieux pour elle, je réplique l'air désinteressé  »

Il se tourne ensuite vers moi pour avoir un visuel de ma réaction et très honnêtement ? Rien à foutre. On n'est pas à ça près et puis, ça étonne qui ? Avec toute la manipulation et les fourberies dont elle a fait preuve, plus rien ne m'étonne de sa part.