7. Bibimpap et l'art de porter un tablier

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'21 novembre

J'ai mis un peu de musique sur ma chaîne hifi avant de me poser sur le canapé en pour attendre Taehyung. Je me sens mal à l'aise que les rôles soient inversés de cette manière, mais j'attends malgré tout patiemment, ne voulant pas déranger le châtain. Je n'ose même pas jeter un regard sur la cuisine ouverte d'où je l'entends cuisiner. Je roule une mèche de cheveux entre mes doigts, me torturant l'esprit à me remémorer la scène de tout à l'heure. J'ai vraiment merdé, c'est pas normal. On est amis, je suis hétéro. Il faut sérieusement que je me calme, je ne me reconnais plus. 

Il arrive quelques instants plus tard avec deux grands bols fumants dans les mains, desquels se dégage une odeur qui me donne instantanément l'eau à la bouche.

Il a relevé ses cheveux avec son habituel bandeau noir et porte un tablier gris par dessus son sweat.

Je répète, un tablier.

L'habit dans le lequel n'importe qui ressemble à un quarantenaire un peu trop investi dans la cuisine, Taehyung, lui, le porte à la manière d'un dieu vivant.

Dis moi, est-ce qu'il y a une seule tenue qui ne lui va pas à ce type ?
(non parce qu'à t'entendre, même dans un sac poubelle il serait mignon)

J'ignore insolemment ma conscience, contemplant distraitement mon hôte qui pose le bol sur la petite table devant moi.

- Bibimbap fait maison, vous pouvez déguster. Fit-il tout sourire avec une rapide révérence avant de s'asseoir à côté de moi.

- T'es con, mais merci.

Je prends mes couverts et entame ce plat qui me fait tant envie. Taehyung ne mange pas, il attend mon avis et je sens son regard fixé sur moi. Je ne sais pas ce qu'il a mis dans ce plat pour qu'il ait un aussi bon goût, mais je n'ai jamais mangé rien de tel. Les petits légumes sont fondants et la sauce versée dessus fait ressortir leur goût. La viande est tendre et fond dans ma bouche comme du beurre.

- Ça te plaît ? Il me demande.

J'hoche la tête la bouche pleine, savourant chaque bouchée du mieux que je peux.

Après ça, on a fini par discuter tout le reste de la soirée et quand on est allés dormir, la nuit était déjà bien entamée. Je lui ai proposé de lui laisser mon lit mais il a insisté pour rester sur le canapé, malgré que ce dernier soit trop petit pour lui. Il me répétait qu'il ne voulait pas déranger alors j'ai juste laissé les choses se faire pour qu'il soit à l'aise et je suis allé me coucher, repensant à nos discussions de la soirée. On a reparlé de quand il s'était fait virer, et j'ai su que Taehyung ne voulait pas faire de grandes études. Au départ il intégré son école car il n'avait tout simplement pas d'autre plan d'avenir. Si ça ne tenait qu'à lui, il passerait ses journées à composer des morceaux, enfermé dans sa chambre. Et cette situation n'était bien évidemment pas envisageable par ses parents qui l'hébergeaient, m'avait-il expliqué.

On avait peu de points communs sur ce point là, je l'avoue. C'était même tout l'inverse de ma situation. Si quelqu'un avait un plan d'avenir prévu depuis sa naissance, c'était bien moi. Et c'est drôle parce que, celui que je reconnaissais dans les paroles de Taehyung, c'était mon frère. Tous deux avaient un rêve qui n'était pas réaliste selon leur famille et la société. Et tous deux ont fini par complètement délaisser leurs études, parce qu'on ne repousse pas indéfiniment une envie profonde, c'est comme ça. 

Repenser à Junghyun me provoque un léger pincement au cœur. Cette histoire est loin de moi maintenant, j'ai accepté depuis longtemps que je ne le reverrai sûrement jamais. Mais même si je comprends qu'il ai voulu suivre son propre chemin, je n'ai toujours pas digéré le fait qu'il ai délaissé ma sœur et moi sans même garder le contact. 

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