You make me feel | vkook

5. Examens, le froid et un homme dans la rue

'21 novembre

Je fais courir une dernière longueur à mon stylo sur la feuille d'examen que je viens de noircir, puis le pose sur ma table dans un bruit sec.

Je regarde l'horloge accrochée au dessus du professeur surveillant, un petit vieux au crâne dégarni qui fait sa ronde d'un pas lent depuis bientôt deux heures.
Il est 11h45 et je suis en avance. Presque tous les autres candidats sont encore plongés dans leurs copies, dont Jimin, qui a l'air de batailler avec un exercice depuis plusieurs minutes maintenant d'après son air désespéré.

De mon côté, je n'éprouve pas vraiment de satisfaction à m'être sorti de ces examens de premier trimestre, parce que j'en ai trop l'habitude. Et de toute façon ça ne m'a jamais procuré de la fierté, contrairement à mes parents. J'ai passé ma vie à travailler, encore heureux que je réussisse mes examens. Maintenant je sais que même si j'étais inquiet en rencontrant Jimin, au final ça n'a pas impacté mes capacités.

Il me reste quinze minutes à tuer, alors je décide de me perdre un peu dans mes pensées, de réfléchir à ce qui s'est passé récemment dans ma nouvelle vie en Amérique.

On est vendredi 21 novembre, et ça fait à peu près un mois que j'ai rejoint BTS. Ce soir là au karaoké, quand Taehyung a demandé, ou plutôt ordonné — que je rejoigne leur groupe de musique, tous mes nouveaux amis ont été du même avis que lui. D'après eux, ma voix est naturelle, douce, et chacun a eu son hypothèse quand au fait que je n'ai jamais pratiqué la moindre activité musicale.

Namjoon a appelé ça le talent,
Yoongi parlait de chance, toujours aussi aimable celui là.
Et Jimin, la paranoïa l'ayant sévèrement atteint, croyait que je chantais chez moi en cachette et que j'avais trop honte de leur avouer.

Taehyung, lui, n'a pas cherché à comprendre et s'est contenté de me dire que j'avais une belle voix.

Quoi qu'il en soit, du jour au lendemain, je me suis retrouvé avec une nouvelle distraction, quelque chose qui me rend heureux.
Je n'en ai pas parlé à mes parents, je ne sais que trop bien comment ils réagiraient et je n'ai aucune envie me prendre des reproches cinglantes du type « attention, tu vas rater ta vie ».
Enfin bref, je participe maintenant aux enregistrements. Taehyung m'aide beaucoup avec le chant et Yoongi m'a appris quelques accords au piano parce que je cite : « ça peut toujours servir ».
J'ai trouvé l'attention sympa. Ça m'a permis de me rendre compte que Yoongi fait partie de ces personnes qui s'ouvrent aux autres avec le temps. J'ai l'impression d'être à ma place avec eux, et j'ai l'étrange certitude que la musique a fait naître un truc nouveau en moi, je ne saurais pas comment l'expliquer, c'est juste indescriptible.

Mais cette semaine, Jimin, Namjoon et moi, on n'a pas pu rejoindre les autres au studio, parce qu'on doit réviser pour les examens. Namjoon est dans une autre école, mais ses examens trimestriels tombent aux mêmes dates que nous.
Du coup, Taehyung et Yoongi sont restés au studio pour finir d'éditer et poster sur la chaîne youtube le solo du châtain « Singularity ». D'ailleurs, à sa grande surprise, la vidéo a eu de très bons retours.

Je souris à cette pensée et le vieux annonce la fin de l'examen.

On dévale les couloirs en trombe avec Jimin, trop contents d'être libres pour le reste de la journée.

- Alors cet exam ?

- J'ai fait de mon mieux, maintenant on prie pour les résultats...Argh, Je crois que je stresse déjà Jungkook! se plaint-il en m'agrippant les épaules, comme si sa vie en dépendait.

Aïe. Comment des si petites mains peuvent faire autant mal ?

- Détends toi, t'as super bien révisé, t'étais largement prêt! Puis si tu te mets une pression pareille à chaque fois que tu passes un examen, tu vas pas tenir l'année crois moi. Et lâche mes épaules s'il te plaît.

- Je suppose que t'as raison. bougonne-t-il tristement en laissant retomber ses bras le long de son corps.

- Bien sûr que j'ai raison, le rassuré-je en passant mon bras sur ses épaules.
« Ça te détendrais si je te payais un Mcdo ?

- Jcrois bien ouais.

-

Nos chemins se séparent à vingt minutes de chez moi, et je dis au revoir à mon ami avec majeur en l'air qu'il me rend fièrement. Je ne sais pas à quel moment on a pris cette fâcheuse habitude, mais c'est maintenant notre petit rituel affectif, comme les
« OK » dans Nos étoiles contraires mais en moins romantique, vous voyez?

Je fourre mes mains dans les poches de ma parka brune, frissonnant.
Le froid s'installe tranquillement dans Cambridge en ce mois de novembre.
Les arbres ont perdu leurs feuillages, les têtes se couvrent de bonnets et on souffle sur les cafés lattés qui brûlent les langues, mais réchauffent les mains.
Je marche sur le béton froid en direction de mon loft, et je joue avec le nuage de vapeur qui se forme devant ma bouche à chaque expiration. J'ai hâte de me réchauffer sous un plaid et chanter un peu...

Je ne suis plus qu'à quelques pas de chez moi quand j'aperçois un jeune homme assis par terre contre le palier d'un immeuble, des vêtements et autres affaires diverses autour de lui.

J'aurais cru à un SDF si sa silhouette ne m'était pas étrangement familière. Je me rapproche d'un pas rapide, et je le vois qui essaye en vain de rallumer un téléphone brisé en mille morceaux.

Taehyung.