Épilogue

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Le soleil venait tout juste de pointer le bout de son nez. Mai était levée depuis une heure, et venait juste de refermer son sac de voyage. Elle inspira un bon coup, observa la chambre autour d'elle, puis de nouveau son sac.

Il était temps de repartir. Zuko lui avait promis de faire quelque chose pour son village, elle allait retrouver Tom-Tom... Elle allait reprendre sa vie où elle l'avait laissée en partant.

Sans plus tergiverser, elle attrapa les poignets du bagage, le souleva et se mit en marche en direction de la grande porte en bois, et sortit. Les couloirs n'étaient que peu illuminés par la faible lumière du jour, l'ombre régnait. C'était une sensation qui lui plaisait.

Quelques détours dans les couloirs plus tard, Mai se trouvait devant une grande porte dans un bois massif, imposante, minutieusement sculptée. Elle pouvait y voir deux dragons, un sur chaque battant, grands, gueule ouverte, effrayants, gardiens de la chambre derrière eux.

Mai posa doucement une main sur le bois et s'arrêta dans son geste. Silencieuse, elle réfléchit, ses doigts serrant inconsciemment les anses de son sac de voyage. Ses yeux noisette se relevèrent, Mai prit une inspiration et poussa la porte d'un geste décidé.

L'espace était plongée dans l'obscurité, une faible lumière se faufilait à travers les rideaux tirés des grandes fenêtres. Mai laissa son sac au sol, et avança à pas feutrés dans la chambre. Un lit à baldaquin trônait au milieu de la pièce, un bureau contre le mur, exactement comme celle qu'elle avait occupé.

Tout était impeccablement rangé, et si les draps du lit n'avaient pas été froissés, si un corps ne se dessinait pas dessous, on aurait cru que la pièce était inhabitée. Mai jeta un œil au petit corps enveloppé dans les tissus rouges du lit. Izumi dormait paisiblement sur son flanc, ses cheveux lui cachaient partiellement le visage. La jeune femme se rapprocha du lit. Une forme de curiosité l'avait poussée à observer quelques instants la petite fille endormie. Elle ressemblait davantage à son père. Ce n'était pas plus mal, se fit-elle la remarque. Mai détourna les yeux, inspira longuement. Elle se dirigea d'un pas rapide vers le bureau de la chambre, avant qu'Izumi ne se réveille, et sortit une paire de couteaux de lancer de sa poche. Ils étaient presque neufs, utilisés ce jour où Mai avait montré à la princesse comment les lancer. Elle ne savait pas s'ils lui serviraient un jour, mais elle les déposa sur la table, et ressortit silencieusement dans le couloir.

Le claquement étouffé de la porte de sa chambre réveilla Izumi. Alerte, la princesse fronçait les sourcils. Quelqu'un s'était introduit dans la pièce pendant qu'elle dormait ? La petite fille se leva précipitamment et courut vers la porte. Elle l'ouvrit, la tirant d'un coup d'épaule pour faire bouger plus rapidement le bois dense et passa sa tête à l'extérieur. Il n'y avait personne... Le regard toujours fixé devant elle, la princesse s'écarta de l'entrée. Revenant sur ses pas pour sonner la garde, elle se ravisa en apercevant du coin de l'œil deux lames étinceler sur le bureau. Izumi s'en approcha, et les considéra un temps, et les reconnut. Puis, comme frappée d'une révélation, elle alla s'habiller en vitesse et sortit en courant, prenant les couteaux à la volée. Arpentant le palais à toute vitesse, Izumi chercha la jeune femme qui lui avait laissé ses armes.

Après une course folle, Izumi la trouva en compagnie de son père à l'entrée du palais. Elle les observa depuis l'arrière d'une colonne. Pour la première fois depuis l'arrivée de la lanceuse de couteaux, Mai et Zuko ne semblaient manifester aucune animosité l'un envers l'autre. Leur conversation de la veille avait dû changer pas mal de choses entre eux, Izumi ignorait ce qu'ils s'étaient dit, mais elle n'était pas mécontente du résultat. Zuko sembla soudain chercher quelque chose. Il fit signe à son interlocutrice de l'attendre, et partit d'un pas pressé dans le dédale qu'était cette demeure royale. Mai ne bougea pas, elle se retourna seulement vers l'extérieur. Izumi s'avança par derrière.

« Merci pour les couteaux de lancer...fit-t-elle

Mai se retourna vers elle, surprise de la voir à ses côtés alors qu'elle l'avait laissée dans sa chambre.

- Espérons seulement que tu n'auras jamais besoin de t'en servir, sourit-elle.

Izumi se surprit à déceler de la sincérité dans ce qu'elle venait de dire.

- Ça a l'air d'aller mieux, vous et mon père, remarqua-t-elle.

Les lèvres de Mai s'étirèrent en un rictus.

- Grâce à ton petit numéro d'hier, tu veux dire ?

Izumi sourit. Toutes deux observèrent la cour du palais. Izumi interrogea d'un ton calme :

- Vous reviendrez ?

Mai resta impassible, puis haussa les épaules.

- Je ne peux pas te le dire, ce n'est pas prévu... Elle se tourna vers la princesse et parla franchement. Ecoute petite, j'ai déjà tourné la page depuis un bon bout de temps. Tout ce qu'il s'est passé ici, c'est de l'histoire ancienne, j'ai reconstruit ma vie ailleurs.

Izumi ne décrocha pas son regard de la cour. Ses yeux fixaient un point lointain, vague. Quelques secondes plus tard, elle se tourna vers Mai et arbora un visage souriant.

- Je comprends, et je n'attends rien de votre part. Je me demandais seulement si nous aurions une occasion de nous revoir.

- Peut-être... Un jour, dans quelques années. Ne m'en veux pas si on se recroise dans dix ans, toi, jeune adulte hautaine, et moi, la mère au foyer et épouse modèle que je ne serai jamais ni avec toi ni avec ton père, lâcha-t-elle.

Un silence s'imposa.

- J'ai une dernière question à vous poser, fit la princesse en se tournant complètement vers la jeune femme. Pourquoi Izumi comme prénom ? Et ces kanjis, que signifient-ils ?

Mai sourit à cette pensée.

- De vieux souvenirs avec ton père, c'était un peu notre première rencontre, tu lui demanderas."

Et quand on parle du loup... Zuko réapparut dans le grand hall, et eut un geste surpris à la vue des deux femmes côtes à côtes, se retournant dans sa direction. Il tenait entre ses mains une lettre, imposée du sceau royal, qu'il remit à Mai. Après quelques paroles échangées, Zuko souhaita une bonne route à la jeune femme, qui lui répondit par un très léger sourire. La lanceuse de couteaux descendit les marches du grand escalier de pierre, menant à la cour, où une voiture l'attendait. Elle leur jeta un dernier regard, le père et la fille se tenant devant l'immense entrée, dans une posture très solennelle, mains jointes dans le dos. La voiture partit et disparut dans les rues de la capitale.

Zuko souffla, une légère pointe de peine sur le visage, animée par le sentiment de voir s'éloigner un amour d'enfance. Izumi se pencha en avant pour attirer son attention. Elle demanda d'une petite voix soupçonneuse, sourcils froncés :

- C'est quoi cette histoire de fontaine au printemps ? »

La flamme d'une famille incomplèteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant