Fanfic La Guerre des Clans - Balivernes et Bouillie pour les Chats Domestiques

Prologue

  Il faisait nuit. Dans une vieille tanière aux murs fissurés, un chaton se tenait accoudé contre le mur, pâle comme un mort. Il ne disait rien, ne décrochait pas un mot, mais quelque chose dans son silence était très oppressant. Il restait là, sans verser une larme, mais très pâle, comme replié tout au fond de lui-même. À côté de lui, deux adultes se comportaient exactement comme si il n'était pas là. Le premier était un grand chat noir à l'air grave, qui miaulait d'un ton sec et froid, qui avait l'air d'être son ton habituel :
- La situation est entièrement sous contrôle. Patte Tachetée est bien allée recevoir ses vies à la Source de Lune.
- Et personne ne s'est... amusé à la contester ? " demanda son interlocuteur, un gros chat brun.
- Personne. Aucun n'a pipé mot. " le chat sombre eut un sourire aussi sombre que son pelage.
- À l'heure actuelle, le Clan du Tonnerre ne court plus aucun danger, si je comprends bien ?
- Non, plus aucun. Il s'en est fallu de peu. Il faut dire que l'exécution de Pelage Noir et Patte de Jonc y a aidé." le grand chat noir haussa les épaules.
Ils semblèrent soudain remarquer la présence du petit, qu'ils avaient oublié. Le chaton, levant les yeux sur eux en sentant leurs regards pesants, ne prononça toujours aucun mot.
- Ah oui, et, pour en revenir au gamin...
Le gros chat brun s'approcha du petit :
- Ça ne servirait à rien. Il est inoffensif. Il n'a que... quel âge a-t-il, déjà ?
Le chat sombre s'approcha du chaton et lui demanda brutalement :
- Quel âge as-tu, petit ?
Le chaton ne répondit rien. Seul son regard était farouchement planté dans celui du chat sombre, comme pour lui cracher sa haine.
- Réponds ! " cracha le matou noir.
Le gros chat brun dit d'une voix amusée :
- Pelage Sombre, je crois que tu n'arriveras à rien comme ça. C'est un bon petit chaton, il faut être plus doux avec lui...
Il pencha la tête vers le petit et lui demanda d'une voix mielleuse :
- Quel âge as-tu, hein, mon petit ?
Le chaton ne répondit toujours rien, déversant sa haine pour les deux autres rien qu'avec son regard. Le gros chat brun, vexé, marmonna :
- Hum... bon. Il me semble qu'il a une lune, à peine. Ce que je voulais dire, c'est qu'il ne représente aucun danger. Il ne se rappellera de rien quand sera grand. Et puis, les rumeurs disent qu'il serait un peu... simplet. Il paraît qu'il restait toujours à l'écart des autres chatons, et qu'il s'amusait à collectionner des plumes ! Il ne parle même pas. C'est un petit simple d'esprit. Non, vraiment, aucune crainte à avoir de ce côté-là, je suis sûr qu'il ne comprends même pas ce qu'on raconte !
Il fit un grand sourire au petit :
- Hein, que tu ne comprends pas ce qu'on raconte, pas vrai, petite crotte de souris ?
Le chaton ne bougea pas, mais son regard se fit plus noir, plus insistant. Pelage Sombre s'approcha du petit et le jaugea du regard. Pelage Sombre était un chat qui savait évaluer les gens d'un simple battement de l'œil. Son regard était dur et implacable, et ses jugements s'avéraient rarement faux. Les rumeurs disaient même qu'il ne connaissait pas la pitié. Et, sur ce petit chaton mutique, son jugement fut immédiat :
- Il faudrait être aveugle pour penser que ce petit ne représente pas une menace, Brin d'Herbe.
Le Brin d'Herbe en question ricana, de son petit rire gras :
- Vraiment ? Mais tu l'as bien regardé, au moins ? Non, strictement rien à craindre de ce côté-là, c'est un gentil petit chaton. Allez, petit, rentre donc dans la pouponnière, va faire mumuse avec tes plumes, il faut qu'on parle entre grandes personnes, maintenant...
Le chaton ne bougea pas d'un pouce.
En général, les adultes dans le genre de Brin d'Herbe ne toléraient les enfants que quand ils étaient muets et qu'ils obéissaient rapidement. Par malchance, ce chaton-là ne possédait qu'une seule de ces deux qualités. C'est pourquoi la maigre patience de Brin d'Herbe envers ce sale gosse s'épuisa vite, et qu'il cracha :
- Allez, plus vite que ça !
Et, comme si ça ne suffisait pas, il donna un coup de patte sur le museau du chaton :
- Bouge-toi, abruti !
Il jura en voyant que le chaton ne lui obéissait toujours pas et se contentait de l'assassiner du regard. Il l'attrapa par le cou et le traîna dehors, jusqu'à la pouponnière. Le petit n'émit pas une seule protestation, mais son air féroce ne le quittait pas.
Resté seul, Pelage Sombre soupira d'exaspération... non, décidément, il n'aimait pas ce petit. Les gens disaient de Pelage Sombre qu'il était méfiant, mais ils avaient tort. Il était plus que méfiant. Et il ne se trompait que rarement dans ses jugements. En l'occurrence, ce petit lui semblait dangereux.
Je le surveillerai. Se dit-il.
Brin d'Herbe revint dans la tanière, essoufflé :
- C'est bon, j'ai ramené Petit Goémon dans la pouponnière. Je l'ai laissé à ses plumes.
Le rire gras de Brin d'Herbe retentit une seconde fois dans la tanière :
- Je ne vois pas pourquoi tu t'inquiétais, Pelage Sombre ! Quelque chose me dit que maintenant que cette rébellion contre la lignée d'Étoile de Feu a été matée, le Clan du Tonnerre va connaître une longue période de paix...