Chapitre 7 : Nuage de Colombe

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Nuage de Pivoine rêvait.
Il rêvait qu'il était sur le promontoire, dominant tout le Clan. Les gens l'acclamaient, ils scandaient son nom, ils étaient tous avec lui, ils criaient "Étoile de Pivoine ! Étoile de Pivoine !". Et lui, il se sentait comme tout-puissant, porté par la foule. Il se sentait pousser des ailes, les gens l'aimaient, l'acclamaient... et pour la première fois, il se reconnaissait dans le nom d'Étoile de Pivoine, il n'était plus le petit Nuage de Pivoine, il était un adulte, il était chef de sa propre vie.
Et puis, à l'écart de la foule, il voyait Goémon Noir qui le regardait. Il lui faisait un sourire narquois, il le fixait avec des yeux qui disaient clairement "tu y crois vraiment, hein ? Ça n'arrivera jamais." Et, à ce moment-là, Étoile de Pivoine redevenait Nuage de Pivoine, et il se mettait à avoir peur de nouveau du haut du promontoire, ses pattes se mettaient à trembler, et il ne réussissait plus qu'à bégayer. La foule l'effrayait, le terrifiait, il ne pouvait plus articuler un mot cohérent devant eux... et puis, la foule se retournait soudainement contre lui et se mettait à rire. Ils riaient, riaient à gorge déployée, riaient de lui. Toute la foule était contre lui, juste contre lui, et il entendait leurs ricanements tout autour de lui, cerné par la foule, faible et tremblant...
Il se réveilla en sursaut. Il avait encore l'impression d'entendre le rire des gens résonner dans son crâne.
Il se rendit compte que, dehors, c'était l'aube. Pour une fois, Goémon Noir n'aurait pas besoin de le secouer pour qu'il se réveille. Il huma l'odeur d'Étoile de Taches qu'il aimait tant et qui restait présente dans sa tanière. Il lui avait toujours semblé que sa tanière était trop grande pour lui. Un de ces jours, il devrait obéir à la loi, et se choisir une compagne. Peut-être qu'il ferait moins de cauchemars si il y avait quelqu'un pour dormir à côté de lui... il vit Goémon Noir entrer dans la tanière et lancer :
- Debout !
Et, en voyant qu'il était déjà levé, il écarquilla les yeux.
- Pour une fois...
Nuage de Pivoine, comme d'habitude, jeta un regard haineux à Goémon Noir, mais sans oser le faire ouvertement. Pourquoi avait-il si peur de lui, au juste ? Même lui n'arrivait pas à se l'expliquer. En fait, depuis le premier jour de son apprentissage, il avait toujours été un peu effrayé par son mentor. Goémon Noir pouvait le mettre mal à l'aise rien qu'avec son regard. C'était fou comme Goémon Noir avait différents types de regards et de sourires pour chaque situation.
Il avait son sourire spécial Perce-Neige, lorsqu'il voulait séduire quelqu'un, que ce soit une femelle ou non, d'ailleurs. Ce sourire si charmant, si prévenant, qu'il vous donnait envie de lui faire immédiatement confiance, de penser que c'était quelqu'un de bien à qui on pouvait tout dire, comme à une Étoile de Bleuet ou une Larme de Rose.
Il avait son sourire narquois, qu'il savait si bien utiliser avec Nuage de Pivoine, ce sourire méprisant, glacial, empreint d'une pitié moqueuse, qui disait clairement "tu es une insignifiante petite crotte de renard", et qui vous faisait perdre toute assurance en un clin d'œil.
Il avait son sourire indéfinissable, ce sourire malsain qu'il avait arboré lorsqu'il avait tué Pelage Sombre, ce sourire plein d'un amusement enfantin, comme si il prenait plaisir à faire souffrir les gens.
Mais il avait aussi son sourire...
- Hé, tu as fini de rêvasser dans le vide ? Allez, dépêche-toi !
Nuage de Pivoine sursauta, interrompu dans sa classification non exhaustive des différents sourires de Goémon Noir.
- Encore un Conseil des Vieux Cons, hein ?
- Exactement. Maintenant, magne-toi et viens.
Nuage de Pivoine hésita avant de parler. Mais, peut-être parce que son rêve lui avait donné un peu de courage, il trouva la force de dire d'une petite voix, comme un chaton qui réclame quelque chose à son père :
- Il y a quelque chose que j'aimerais...
- Oui ? " demanda Goémon Noir, l'incitant à poursuivre, avec une esquisse de son sourire narquois.
- Je... j'aimerai... peut-être.. être à la tête de la patrouille du matin, aujourd'hui..." acheva-t-il d'une minuscule voix.
- Toi ? " Goémon Noir se mit à rire, le rire méprisant qui allait avec son sourire narquois.
Nuage de Pivoine se tassa sur lui-même, se trouvant hautement ridicule.
- Je... je me disais juste, que, comme, ben, j'étais un p-petit peu... le chef du Clan, j-je pourrai... au m-moins essayer... d-de c-commander un p-peu, pour une fois...
- Et puis quoi encore ? Goémon Noir s'arrêta de rire et le foudroya du regard. Bon, maintenant, sors de là, tu as un Conseil auquel tu dois assister !
Le "sors de là" de Goémon Noir, mes chers amis, était à peu près le même ton qu'emploie un Bipède pour dire "couché !" à son clébard. Nuage de Pivoine ne rétorqua rien et sortit de la tanière comme Goémon Noir le voulait.
- Pourquoi je suis obligé d'y assister ? Je ne parle même pas... geignit-il. Je ne sers à rien. Je pourrai être remplacé par une potiche, ce serait pareil.
- Mais on ne te demande pas de servir à quelque chose, mon cher apprenti.À partir de là, les souvenirs de Nuage de Pivoine devinrent brumeux. Il se rappela seulement d'avoir assisté au cancanement des Vieux Cons, comme d'habitude, et puis d'avoir senti ses paupières devenir lourdes, lourdes...
Il se réveilla en sursaut. Oh non... il ne s'était tout de même pas endormi pour la deuxième fois ? Mais, cette fois, ce n'était pas Nuage de Chenille qui le réveillait, mais Brin d'Herbe.
- Tu t'es encore endormi, petit ?
- Oh, mais c'est pas vrai... geignit-il. Je suis vraiment pathétique, hein ?
Là où n'importe quelle autre personne aurait répondu quelque chose comme "mais non, voyons, mon pauvre petit choupinou, bien sûr que non, ne sois pas si dur avec toi-même !", Brin d'Herbe, en Brin d'Herbe qu'il était, acquiesça de la tête :
- Oh que oui, tu l'es.
Nuage de Pivoine détourna les yeux. Il bouillonnait de colère plus que jamais. Mais sa rage intérieure n'avait pas encore explosé.
Pas encore.
Il poussa un soupir :
- Dis-moi, Brin d'Herbe, pourquoi j'ai l'impression que... que j'arrive pas à être chef ? Pourquoi je me laisse marcher sur les pattes ?
- Eh bien... répondit Brin d'Herbe avec un sourire, tu as toujours l'air de demander l'autorisation aux gens. L'autorité, ça se prends, ça ne se réclame pas. Il faut s'imposer, paraître fort, pas agir comme un petit enfant coupable qui laisse les grands gérer tout à sa place... bon, en même temps, c'est un peu compliqué de s'imposer et de paraître fort et intimidant quand on n'a même pas encore dix lunes, que notre voix n'a même pas encore mué et qu'on fait vingt centimètres de moins que les guerriers qu'on est censé dominer... mais bon, ne perds pas espoir, petit. Avec un peu de chance, si l'ennemi se pointe à l'entrée du camp et que Goémon Noir n'est pas là pour gérer la situation, tu pourras toujours leur faire les yeux doux et leur minauder "s'il vous plaît, je suis trop mignon pour être tué..." et, avec un peu de chance, et surtout, si ils sont particulièrement cons, ça marchera. Mais sinon, je ne vois pas d'autres moyens. Et, sans rien rajouter de plus, Brin d'Herbe sortit de la tanière.Nuage de Pivoine se trouva encore plus stupide et pathétique. Il se rendit compte d'une chose : il était maladivement jaloux de Goémon Noir. Quand Goémon Noir faisait son sourire spécial Perce-Neige, on l'aurait suivi jusqu'au bout du monde. Quand Goémon Noir parlait, on l'écoutait, on le respectait. Quand Goémon Noir ordonnait quelque chose, on lui obéissait. Et lui, qui le respecterait, lui, le fragile petit Nuage de Pivoine qui n'osait même pas qu'on l'appelle Étoile de Pivoine ?
Comment il fait, lui ? Pourquoi les gens le respectent et pas moi ? Comment il était, à mon âge ? Est-ce qu'il a toujours été comme ça ?
Non, mes chers amis, Goémon Noir n'avait pas toujours été comme ça, loin, très loin de là. Si Larme de Rose avait revu ce chat courtois et charismatique, qui pouvait inspirer la crainte autant que le respect, elle n'aurait jamais reconnu son petit Nuage de Goémon, l'enfant au pelage en bataille et aux yeux toujours prêts à jeter des regards noirs.Mais pardonnez-moi, pour la énième fois, mes écarts à cette histoire, et allons retrouver notre cher Étoile du Tigre dans le Clan de l'Ombre.∞∞∞Étoile du Tigre, ce matin-là, posait la même question à son lieutenant que tous les autres jours :- Bilan du jour ?
- Plus aucun mort. " répondit Patte de Bouleau.
Étoile du Tigre eut un sourire. Et, comme d'habitude depuis la fameuse bataille, ou plutôt le massacre, contre le Clan du Tonnerre, il demanda d'une voix mal assurée :
- Et Nuage de Citrouille, où est-il ?
- Juste là, il rentre de la chasse. " répondit, comme d'habitude Patte de Bouleau.
Nuage de Citrouille rentrait effectivement au camp avec deux oiseaux dans la gueule. À chaque fois que le regard d'Étoile du Tigre se posait sur la patte tordue de l'apprenti, il frissonnait sans le vouloir. Et, à chaque fois, il évitait de croiser son regard. Mais, ce jour-là, Nuage de Citrouille l'aperçut, et quand ses yeux se posèrent sur ceux d'Étoile du Tigre, ils étaient empreints d'une telle haine qu'Étoile du Tigre détourna les yeux. Il retint son souffle jusqu'à ce que l'apprenti passe devant lui sans un mot et dépose ses proies sur le tas de gibier. Il finit par demander en soupirant à Patte de Bouleau, ses yeux lui piquant :
- Patte de Bouleau...
- Hm ?
- Il me déteste, pas vrai ?
- Il faut le comprendre... minimisa son lieutenant. Après tout, il a perdu ses parents et l'usage de sa patte dans la même journée, à cause de, euh, enfin, je veux dire, suite au mass... euh, à la bataille contre le Clan du Tonnerre.
-... la bataille que J'AI provoqué, c'est bien ça que tu voulais dire ?! " Étoile du Tigre se surprit à hurler soudainement.
Toutes les têtes se tournèrent vers lui. Étoile du Tigre luttait pour ne pas perdre le contrôle. Ces accès de rage s'étaient fait fréquents depuis deux lunes.
- M-mais non, j-je ne voulais absolument pas...
- MENTEUR ! Vas-y, hurle-le, hurle-le, que c'est de ma faute, si ils sont morts, DIS-LE ! DIS-LE, QUE JE LES AI TUÉ, FLEUR ROUGE, PIERRE DE GRANIT, ET TOUS LES AUTRES ! TU LE PENSES, HEIN ? DIS LE, VOUS LE PENSEZ TOUS ! DIS-LE !
Et, sans se soucier de bousculer un apprenti innocent sur le chemin, il se rua dans sa tanière. Il ne voulait pas qu'ils le voient pleurer.
Sitôt dans sa tanière, il s'effondra sur sa litière de plumes, et commença à la déchiqueter furieusement à coups de griffes. Après son explosion de rage, ses yeux se remirent à le piquer. Il pensait à Pierre de Granit.
Choisir son lieutenant simplement parce que c'était son ami d'enfance était un peu puéril. Mais c'est pourtant ce qu'il avait fait. Il n'avait que onze lunes, à l'époque, et ce n'était qu'un enfant qui tremblait à l'idée de régner sur le Clan. Et, manque de chance, le lieutenant était mort dans la même bataille que son père qu'il avait tant aimé à détester, Étoile de Lynx. Il avait dû se choisir un nouveau lieutenant juste après avoir reçu ses vies. Et, logiquement, il avait pris sa décision comme un enfant la prend, c'est à dire sans réfléchir, en pensant simplement : hé, à la pouponnière, Petit Granit disait tout le temps qu'il voulait être lieutenant... donc si je le nomme lieutenant maintenant, ça lui fera plaisir, non ?
Pierre de Granit avait treize lunes à l'époque, deux lunes de plus que lui, il venait à peine d'être fait guerrier, et il ne pensait certainement pas à devenir lieutenant. Mais, perdu comme l'était Nuage du Tigre, qui ne s'habituait même pas encore au nom d'Étoile du Tigre à l'époque, il n'avait pas hésité avant de nommer son meilleur ami lieutenant. Et, au final, ça n'avait pas été un mauvais choix, loin de là. Pierre de Granit avait tout ce qui manquait à Étoile du Tigre, la réflexion, la patience, et toutes ces choses-là.
Tout ça pour qu'il se fasse tuer une poignée de lunes plus tard, à la bataille que tout le Clan de l'Ombre appelait communément le Grand Massacre. Eh oui, mes chers amis, il s'agissait bien de la tentative complètement démente et désespérée d'Étoile du Tigre pour récupérer Petit Lionceau, et qui avait valu à tous les chats qui l'accompagnaient de se faire tuer. Il était, comme vous le savez, le seul survivant de ce massacre. Il avait causé la mort de Pierre de Granit, et de tant d'autres... enfin, non, ce n'était pas tout à fait exact. Ce n'était pas le seul survivant. Nuage de Citrouille, parti chercher des renforts au Clan de la Rivière, était aussi revenu vivant. Avec une patte mutilée et boiteuse.
Étoile du Tigre n'avait plus jamais osé le regarder dans les yeux après ça.
Nuage de Citrouille n'avait pas perdu que sa patte, il avait aussi perdu son père et sa mère dans cette bataille, Fleur Rouge et Rocher Brun. Depuis ce jour-là, il n'avait plus jamais été le même. Mais le pire aux yeux d'Étoile du Tigre, c'était que Nuage de Citrouille n'était pas n'importe quel apprenti.
C'était le sien.
Depuis le Grand Massacre, Nuage de Citrouille ne lui avait plus parlé, avait refusé de s'entraîner avec lui, et Étoile du Tigre avait tout fait pour l'éviter. Croiser son regard aurait été comme lui rappeler brutalement Pierre de Granit et tous les autres. Tout le Clan pensait que c'était de sa faute, et ils avaient entièrement raison. Parfois, il n'osait même plus regarder en face d'autres chats de son Clan qui avaient perdu un proche par sa faute.
Il soupira, regrettant déjà d'avoir déchiqueté sa litière. Il n'aurait pas dû s'énerver devant tout le monde. Mais il devait regarder les choses en face, son Clan le détestait.
Quand, étant enfant, il avait hérité du promontoire, il avait toujours été comparé à son père, Étoile de Lynx, l'un des chefs les plus craints et les plus respectés du Clan de l'Ombre. Et il était bien placé pour savoir que les chats du Clan étaient impitoyables quand il s'agissait de juger leur chef, même quand ce n'était qu'un enfant. Il avait dû se forger une carapace comme il pouvait, et endurer les perpétuels il n'est pas comme son père, c'est un faible, de toute façon, Étoile de Lynx ne l'aimait pas, il ne sera jamais au niveau de son père, il n'égalera pas le grand Étoile de Lynx, et tout ça. Il avait dû garder la tête haute comme il le pouvait. À chaque fois qu'il prenait une décision, les vétérans haussaient les épaules, l'air de dire : mouais. Étoile de Lynx aurait fait mieux. Être comparé à son père qu'il détestait tant l'avait toujours fait souffrir, mais il n'avait rien dit. Il estimait que les critiques des gens étaient justifiées. Et, parfois, alors qu'il dominait le Clan sur le promontoire, il avait l'impression de voir les yeux méprisants de son père se poser encore sur lui, et il manquait tressaillir. Fillette. Je voulais un fils et j'ai une fille qui traîne toujours avec les filles et qui glousse comme une fille.Même ça, parfois, il en rêvait encore. Au fond, même si ses grands frères le terrorisaient, il les admirait secrètement. Il pensait qu'ils représentaient tous les cinq le modèle ultime de virilité, auquel lui, évidemment, la fillette, n'avait jamais eu aucune chance de s'identifier. Il aurait voulu être comme eux, traiter les femelles comme des crottes de renard, parce que quand on est un vrai mâle, c'est ce qu'on fait - en tout cas, si il en croyait l'attitude de son père et de ses frères - aimer se battre, pouvoir avoir les femelles à ses pattes, paraître grand et fort, et tous ces étranges trucs de mâle qu'il ne comprenait pas mais qu'il essayait désespérément d'imiter. Ses frères se moquaient toujours de lui quand il bégayait et bafouillait devant les femelles. Le pire cauchemar éveillé de toute sa vie avait été de devoir se choisir une compagne, le jour de ses douze lunes.
Il se rappelait de sa voix blanche, de ses pattes dont il tentait inutilement de dissimuler le tremblement lorsqu'il avait annoncé d'une minuscule voix :
- J-j-je v-v...eux... p-p-p-pr-ren...d-d-dre... p-pour compagne...
Son regard avait parcouru la foule. Pour les chefs plus vieux, qui avaient d'habitude déjà leur compagne au moment de monter sur le promontoire, ce choix était simple. Mais pour lui... pour lui, qui n'avait jamais su comment s'y prendre avec elles, ce choix était une torture. Ses yeux s'étaient arrêtés sur toutes les femelles qu'il y avait dans la foule, mais aucun son n'était sorti de sa bouche.
- Hum hum. " avait toussoté Pierre de Granit.
- Je... je choisis...
Par hasard, son regard avait accroché celui de Feuille Verte. Feuille Verte, une lune de plus que lui, convoitée par tous les mâles à l'époque où elle était apprentie, Feuille Verte, dont il n'aurait même pas osé rêver.
-... Feuille Verte. " avait-il achevé.
Feuille Verte avait réagi avec indignation. Elle avait déjà un compagnon, et son mépris pour Étoile du Tigre sautait aux yeux. Mais elle ne pouvait pas refuser le grand honneur qui consistait à rester la moitié de sa vie cloîtrée dans une pouponnière pour pondre des gosses au chef du Clan. Les lois ne permettaient pas qu'elle refuse. Alors, elle fut bien obligée de devenir sa compagne.
Il ne l'avait jamais aimée, de toute façon. Certes, il la trouvait belle - et encore, c'était plutôt ses grands frères qui salivaient devant elle, et lui se contentait de les croire sur parole - mais c'était à peu près tout. Elle l'avait toujours méprisé, il ne l'avait traité qu'avec de l'indifférence teintée de timidité. Il avait bien compris qu'elle le mépriserait toujours et qu'elle ne l'aimerait jamais.
Mais, malgré tout ça, grâce à elle était né ce qu'Étoile du Tigre avait eu de plus précieux au monde : Petit Lionceau. Dès qu'il avait vu ce petit chaton aux yeux encore fermés, il était tombé en extase devant lui. Petit Lionceau avait été la première personne qu'Étoile du Tigre avait aimé. Entre son père et ses frères, sa mère qu'il n'avait jamais vraiment connu, Feuille Verte qui le méprisait, Petit Lionceau avait été sa petite chose précieuse, quelque chose qu'il avait voulu protéger à tout prix, qu'il avait aimé de toutes ses forces.
En réalité, il avait presque été heureux que Feuille Verte meure peu de temps après, lors de la famine. Avec sa mort, il avait enfin eu Petit Lionceau pour lui, et rien que pour lui. Peut-être était-ce la raison pour laquelle il lui avait menti sur la mort de sa mère, en lui faisant croire qu'elle était partie à la chasse et qu'elle allait revenir. Oui, il se l'avouait maintenant sans aucune honte, la mort de Feuille Verte l'avait bien réjoui. Il avait toujours voulu garder Petit Lionceau pour lui.
Il interrompit le fil de ses pensées. Peu à peu, de fil en aiguille, il s'était retrouvé à penser à Feuille Verte et à Petit Lionceau. Petit Lionceau, qui, maintenant, l'avait très probablement oublié.
Cette pensée fut insoutenable pour lui.
Mais il n'eut pas le temps de s'étendre là-dessus. Il vit Patte de Bouleau entrer dans la tanière.
- Chef, je venais ici pour que tu n'oublies pas... le baptême de Nuage de Citrouille devra avoir lieu ce soir.
Visiblement, après sa crise de colère, Patte de Bouleau ne savait pas par quel bout le prendre.
- Oui, je sais... " soupira Étoile du Tigre.
Il repensa brutalement à son père. Il se souvenait du jour de l'assemblée, il y avait déjà deux lunes, lorsque cette vieille crotte de renard de Pelage Sombre l'avait touché dans son point sensible en le comparant à Étoile de Lynx. Pendant toute la famine, il s'était fait ce reproche muet, et il l'avait même parfois entendu discrètement dans les rangs de ses guerriers : Étoile de Lynx, lui, au moins, si il avait été encore là, il aurait mieux géré la situation.
Mais bien sûr, pensait-il amèrement à chaque fois qu'il entendait ça, bien sûr, il aurait fait revenir le gibier comme par magie, peut-être, le grrrrand Étoile de Lynx ?
Il soupira, se jeta à l'eau et demanda enfin à Patte de Bouleau :
- Patte de Bouleau... sois honnête, est-ce que tu penses que... que si mon p-père avait été encore vivant, il aurait mieux géré la famine que moi ?
- Je... hésita Patte de Bouleau. Mon devoir de lieutenant n'est pas de répondre à ce genre de questions, enfin, je...
- Arrête la langue de bois et dis-le moi, d'accord ? " le coupa brutalement Étoile du Tigre.
- Je... je ne pense pas que ce soit la peine de...
- DIS-LE MOI !
Patte de Bouleau recula.
- Oui. " avoua-t-il dans un souffle, avant de partir, ou plutôt de s'enfuir, de la tanière.


Mais le pire moment de la journée d'Étoile du Tigre fut sans nul doute le soir, au moment du baptême de Nuage de Citrouille. Il fut bien obligé de le regarder dans les yeux lorsqu'il lança, juste après le serment de l'apprenti :
- Nuage de Citrouille, en ce jour, tu t'appelleras désormais...(pendant quelques secondes, il réalisa qu'il n'avait strictement pas réfléchi à ce qu'il voulait dire, et il improvisa en hâte) Pépin de Citrouille.
Le Clan se mit à acclamer le nouveau guerrier avec ferveur. Étoile du Tigre comptait s'empresser de rentrer dans sa tanière à la fin de l'ovation, mais Pépin de Citrouille prit la parole :
- Merci. Je promets que je serai un bon guerrier. Et je regrette sincèrement que mes parents ne soient pas là pour voir ça.
Et, tout en parlant, il fixait Étoile du Tigre d'un regard qui en disait long. Celui-ci tenta de réprimer la peur qui lui nouait le ventre. Mais, comme pour empirer la situation, Plume d'Aigle lança juste après Pépin de Citrouille :
- Je te comprends, petit. Moi aussi, j'aimerai que ma soeur soit à mes côtés. Mais, elle aussi, elle est morte pendant le Grand Massacre.
Étoile du Tigre sentait que ses pattes se mettaient à trembler. Une dizaine de regards méprisants l'inondaient de leurs reproches. Et ces regards lui disaient clairement : tu es responsable de la mort de nos proches. Et comment leur en vouloir ? Il était bien responsable de la mort de leurs parents, leurs enfants, leurs frères,leurs cousins, leurs arrière grand-oncle, le frère de la cousine de la compagne de leur nièce, peu importe.
Il ne fut jamais plus terrorisé qu'à cet instant précis, lorsqu'il comprit qu'ils étaient au bord de la révolte. Au fond, il n'avait jamais rien été pour eux que le fils indigne d'Étoile de Lynx, et le Grand Massacre leur avait donné une sacrée bonne raison de le haïr tout à fait. Ils n'attendaient qu'une occasion pour se retourner contre lui.


Et la semaine qui suivit ne fit qu'envenimer encore plus la situation. À chaque fois, il entendait des discussions derrière son dos, des allusions moqueuses, et il n'était traité que par le mépris par la plupart du temps. Il surprenait parfois Pépin de Citrouille tenir des espèces de conciliabules secrets avec d'autres guerriers, et lorsqu'ils se rendaient compte de sa présence, ils s'arrêtaient aussitôt de parler.
Un jour, il craqua. Alors qu'il venait de surprendre Pépin de Citrouille en train de ricaner derrière lui, il se retourna et feula :
- Pépin de Citrouille, un problème ?
Pépin de Citrouille hésita un instant, et puis, sûr d'avoir la foule de son côté, il osa pour la première fois le provoquer ouvertement :
- Mon problème ? C'est que tu sois notre chef.
Étoile du Tigre sentit ses joues devenir écarlates sous son pelage. Il entendit des chats derrière eux se mettre à ricaner. Aucun doute, Pépin de Citrouille avait le beau rôle dans cette histoire.
- Pépin de Citrouille, je...
Il aurait aimé pouvoir dire "je suis désolé pour tes parents", mais quand il entendit même Patte de Bouleau retenir en hâte un pouffement, il craqua et feula à Pépin de Citrouille :
- Espèce de crotte de renard ! Tu crois que tu t'en tirerais mieux que moi à ma place, peut-être ?
- Oui, qui sait ?
Étoile du Tigre, l'échine hérissée, s'approcha, les griffes sorties. Patte de Bouleau tenta maladroitement :
- Euh, il n'y a pas besoin d'en venir là...
- LA FERME, TOI ! Pépin de Citrouille, tu vas voir !
Il sentit que quelqu'un lui touchait l'épaule. C'était Nuage de Colombe, une apprentie d'à peine six lunes, et, avec une innocence enfantine, elle lui dit :
- Pas la peine de vous battre. La violence n'est pas la solution.
- Non mais de quoi elle se mêle, la colombe de la paix ? " tonna Étoile du Tigre.
Patte de Bouleau s'approcha en tentant lui aussi de s'interposer :
- Cette petite a raison, Étoile du Tigre, surtout, ne vous battez pas...
- OH, J'AI-DIT-LA-FERME !
Nuage de Colombe retenta une seconde fois d'un ton candide :
- Allez, calme-toi, chef, c'est pas la peine... ta maman, elle t'a jamais dit que les gens qui nous provoquent, faut juste les ignorer ?
- LA-FERME-TOI-AUSSI !
- Ouais, il est trop lâche pour venir se battre ! " ricana Pépin de Citrouille.
Ce fut le mot de trop. Étoile du Tigre se jeta sur Pépin de Citrouille.
- NON ! " hurla Nuage de Colombe, en tentant de s'interposer.
Étoile du Tigre, sans mesurer sa force, l'envoya balader d'un revers de la patte. Nuage de Colombe, légère comme elle l'était, valdingua à travers le camp, et atterrit droit sur la tempe.
Il y eut un silence. La petite ne bougeait pas. C'est alors qu'Étoile du Tigre réalisa avec horreur que son crâne avait percuté un caillou pointu. Le silence se fit plus lourd, et il articula d'une voix blanche, proprement terrorisée :
- Elle... elle... elle... elle va b-bien, hein ? Elle nous fait une blague, là, c'est ça ?
Il s'approcha d'elle et la secoua tout doucement.
- Hé, petite, réveille-toi... réveille-toi... je suis désolé, je ne l'ai pas fait exprès, je te le jure, je...
Cristal de Sable, le guérisseur, l'écarta et examina la petite fille quelques secondes.
- Elle est morte. " dit-il d'une voix pesante.
Seul le silence lui répondit. Étoile du Tigre recula, horrifié, ne pouvant pas détacher ses yeux du corps de la petite fille :
- Je... je... je... c'était un accident, je... je ne v-voulais pas... c'est de la malchance, c'est tout... de la pure malchance...
Sa voix se faisait plus saccadée, plus hystérique, au fur et à mesure qu'il sentait les regards dégoûtés se poser sur lui.
- Elle... elle l'a c-cherché ! C'est de sa faute ! Cette idiote, elle a voulu s'interposer... c'est uniquement de sa faute, je... je... je ne suis pas responsable...
Les larmes finirent par lui brouiller la vue.
- Je ne suis pas responsable. " répéta-t-il d'une voix brisée avant de s'enfuir dans sa tanière.Cette nuit-là fut atroce pour lui. Il tourna et retourna sans cesse dans sa tête l'image de Nuage de Colombe, murmurant "je ne suis pas responsable, je ne suis pas responsable" en boucle, encore tremblant, terrorisé par ce qu'il avait été capable de faire.
Maintenant, c'était fini pour lui, se disait-il. Maintenant, le Clan allait le haïr plus que tout. Qui sait, ils lui couperaient même peut-être la gorge cette nuit, pendant son sommeil...
Quand il se réveilla, le lendemain matin, sa gorge était toujours là, et Cristal de Sable, le guérisseur, était en train de le secouer pour qu'il se lève :
- Réveille-toi, réveille-toi ! Il y a le lieutenant du Clan du Tonnerre qui est ici, il veut discuter avec toi ! Il parle de conditions pour te rendre Petit Lionceau...
Étoile du Tigre se leva dans un sursaut.
- Quoi ?!
- Oui, je t'assure !
Cristal de Sable s'apprêta à sortir de la tanière, quand Étoile du Tigre le rappela.
- Cristal de Sable, tu... tu sais que c'était un accident, hein ?
- Oui, bien sûr. Acquiesça le guérisseur, mais sans parvenir à dissimuler son hésitation. C'est juste énormément de malchance. Combien de probabilité y avait-il pour qu'elle retombe sur la tempe, et en plein sur un caillou ? Et en plus, c'était une enfant, elle était fragile...
- S'il te plaît, assiste à son enterrement à ma place, d'accord ? Moi, je n'en aurai pas le courage.
Cristal de Sable sortit sans rien répondre. Et ce fut au tour de Goémon Noir d'entrer, entouré par une patrouille du Clan. Il avait dû être vraiment persuasif pour convaincre la patrouille de l'amener ici.
- Laissez-nous. " ordonna Étoile du Tigre à la patrouille.
Une fois seuls, Étoile du Tigre grommela d'un ton méfiant :
- Bon... c'est quoi, l'embrouille ?
- Je ne veux que te proposer un marché honnête, tu sais. " rétorqua Goémon Noir avec un sourire amical.
- Tu parles... " murmura discrètement Étoile du Tigre.
- Je veux te parler du Clan du Vent. Tu vois, cette lande pleine de lapins juteux qui leur appartient ? Ça fait des années que les trois autres Clans la convoitaient. Et particulièrement Étoile de Lynx.
Étoile du Tigre se crispa à la mention de son père. Goémon Noir poursuivit :
- Le problème, c'est que ce Clan n'est pas aussi faible que ce qu'il veut bien le prétendre. Il a de très nombreux membres, et je ne suis pas sûr qu'une attaque de la part d'un seul Clan pourrait les déstabiliser. Il faudrait s'y mettre à deux...
- En clair, qu'est-ce que tu me proposes ? " grogna Étoile du Tigre.
Goémon Noir lui sourit.
- C'est simple. Faisons une alliance pour gagner le territoire du Clan du Vent, et, en échange, je te cèderai la moitié du territoire... et ton fils.
Étoile du Tigre en resta un instant bouche bée. Son père, comme tant d'autres chefs de tant d'autres Clans avant lui, avait toujours rêvé d'envahir le Clan du Vent, et voilà que le lieutenant du Clan du Tonnerre venait le lui servir sur un plateau.
- C'est une proposition alléchante, mais... (il doutait encore. Il devait forcément y avoir un piège quelque part.) Mais pourquoi tu n'as pas proposé de t'allier avec le Clan de la Rivière ? Ils sont plus nombreux et plus forts que nous, tu le sais, non ?
Goémon Noir eut un petit sourire désolé :
- Bah, tu connais ֤Étoile de Bleuet... cette hypocrite, elle n'oserait pas aller attaquer un pauvre petit Clan, n'est-ce pas ? Même si ça lui permettrait de gagner des territoires. Alors que toi, vu la situation de ton Clan, tu aurais plutôt intérêt à accepter. La famine que vous avez traversée reviendra, pas vrai ?
Piqué au vif, Étoile du Tigre rétorqua :
- Absolument pas. Notre Clan est fort et robuste.
Les yeux noirs de Goémon Noir se firent un peu plus durs, presque menaçants.
- Tu as encore plus à gagner que moi dans cette histoire, tu sais. De nouveaux territoires, ton fils de retour, et surtout... (il lui fit un sourire narquois) l'estime de ton Clan regagnée.
Étoile du Tigre recula comme si il venait de le frapper.
- Quoi ? Mais... mais c-comment est-ce que tu... enfin, je veux dire, j-je ne saisis absolument pas cette insinuation !
- Il n'y a qu'à voir comment ils te regardent, tu sais. Et surtout, l'ambiance qu'il y avait dans le camp...
Étoile du Tigre s'empressa de bafouiller :
- Quoi, t-tu parles de la p-petite f-fille qu'ils enterraient, c-c'est ça ? C'était un accident, j-j'avais p-pas fait exprès, elle avait voulu s'interposer...
- Je n'ai jamais parlé de la petite fille. " rétorqua calmement Goémon Noir.
Sa culpabilité l'avait trahi tout seul. Mais il tenta de reprendre une voix égale pour se remettre à parler :
- Bon, très bien. Je pense que j'ai tout à y gagner, en acceptant ce marché, mais... les membres du Clan du Vent qui sont sur leurs terres, qu'est-ce qu'on en fait ? On les chasse, je suppose ?
Ce ne serait pas une grosse perte, il paraît qu'ils sont arrogants au possible... et puis, ils se débrouilleraient bien pour trouver une autre terre, non ?
Il se justifiait avec sa conscience comme il pouvait. Chasser des gens, ce n'était pas si grave, le monde serait bien assez grand pour qu'ils retrouvent des territoires, non ? Et puis, après tout, que lui importait le sort de dizaines d'inconnus tant que son Petit Lionceau serait là, de retour, blotti contre lui ?
Mais la réponse de Goémon Noir le cloua sur place, encore plus que le calme avec lequel il le prononçait :
- Se contenter de les chasser ? Pour qu'ils implorent leur précieux Clan des Étoiles et reviennent crier vengeance ? Non, tuons-les.
- Q-quoi ? Bégaya Étoile du Tigre. Même les enfants, mêmes les reines, t-tous ? Mais on ne peut pas... (il ne trouvait plus ses mots) on ne peut pas faire une chose pareille... c-ce serait... euh... mal... " le ridicule de sa réponse lui sauta aux yeux.
Goémon Noir, avec l'air de s'adresser plus à lui-même qu'à son interlocuteur, dit d'un ton pensif :
- Vois-tu, mon mentor était le pire des vieux cons que la terre aie jamais porté. Il m'a toujours détesté, et je lui ai bien rendu ça. Mais si il y a bien une chose qu'il m'a appris, c'est que dans la vie, on ne fait pas les choses à moitié. Pas de survivants, pas de risque d'une possible vengeance. Ça ne sert à rien d'être tiède, sentimental, d'hésiter... on se décide ou on ne se décide pas. On les tue tous sans prendre aucun risque, ou on les laisse proliférer sur leur lande. Tu choisis.
Étoile du Tigre se sentait comme piégé. Ce Goémon Noir l'avait piégé. Il lui avait d'abord fait une offre alléchante, et maintenant, il savait qu'il ne serait pas en position de refuser.
- Je... je ne peux pas... je refuse de les tuer... je ne peux pas faire ça... l-laisse-moi réfléchir, d'accord ? D-demain, je te donnerai ma décision...
Goémon Noir lui fit un sourire. Si on se fiait à la classification non exhaustive des différents sourires de Goémon Noir selon Nuage de Pivoine, ce sourire-là était son sourire méprisant. Son sourire qui disait "tu es une pauvre petite crotte de renard, un chef bien faible."
Puis, Goémon Noir tourna les talons.
- D'accord... pour demain, donc. Si tu es encore vivant d'ici là. Ce... Pépin de Citrouille, c'est bien ça, son nom ? Il avait l'air de faire un discours à tous les autres guerriers quand je suis venu. Bon, bien sûr, je n'en ai pas saisi la totalité, mais ça parlait du chef faible et indécis que tu étais, et de la façon dont le Clan se porterait bien mieux si on glissait discrètement deux ou trois baies empoisonnées dans ta nourriture... et tu sais quoi ? Les autres semblaient approuver.
- NON, ATTENDS ! Attends... je... j'accepte. " balbutia Étoile du Tigre.
Il n'avait pas le choix. C'était son Clan ou le Clan du Vent. Goémon Noir lui fit un sourire, et, là encore, selon la classification non-exhaustive des différents sourires de Goémon Noir, ce sourire-là était son sourire spécial Perce-Neige, le sourire qu'il utilisait pour séduire ou pour duper - ce qui, chez lui, était à peu près la même chose - son interlocuteur.
- Très bien, je vois que tu as enfin compris que tu avais tout à gagner là-dedans. Maintenant, il reste à décider de la date... en fin d'après-midi, avant le crépuscule, ça te va ?
- Parfaitement bien. " dit-il d'une voix blanche.
Resté seul dans sa tanière après le départ de Goémon Noir, Étoile du Tigre attendit quelques minutes avant d'aller annoncer la nouvelle au Clan. Tout s'était passé si vite... il avait à peine eu le temps de protester, de comprendre ce qui se passait, qu'il avait été forcé d'accepter. Et maintenant, sans même lui laisser le temps de peser le pour et le contre, de réfléchir, il devait partir attaquer le Clan du Vent le soir-même.
Il finit enfin par sortir de la tanière. Il monta sur le promontoire et annonça à son Clan d'une voix un peu tremblante le marché qu'il avait conclu avec Goémon Noir. Le Clan l'acclama. Il se sentit grisé par les félicitations de la foule. Il entendit même Plume d'Aigle murmurer :
- Je l'avais peut-être mal jugé, il a du cran, ce petit...
- Enfin une bonne décision qu'il prends !
- Depuis le temps qu'on veut dégager d'ici cette saleté de Clan du Vent !
Étoile du Tigre aurait été parfaitement heureux de se faire enfin reconnaître et acclamer par son Clan, si sa conscience ne l'avait pas tourmenté à ce point. Il rentra dans sa tanière aussitôt après.
Malgré tout, il ne pouvait pas s'empêcher de penser que les raisons qui l'avaient poussé à accepter étaient puériles.Encore plus que pour récupérer Petit Lionceau, il voulait prouver quelque chose à son Clan et à lui-même. Comme une sorte de vengeance mesquine contre Étoile de Lynx. Alors comme ça, j'étais une fillette, pas vrai, Père ? Mais maintenant, toi, vieil imbécile, tu es mort, et moi, oui, moi, la fillette, moi, je vais conquérir le Clan du Vent, je vais faire ce que tu n'as jamais su faire, je vais être un meilleur chef que toi.Étoile du Tigre repensa aux acclamations de son Clan, et de la soudaine admiration pour lui que ses guerriers avaient ressenti. La violence. Ils ne respectaient que la violence. Son père, Étoile de Lynx, était souvent cruel, froid et violent, et ils l'avaient acclamé comme un des meilleurs chefs du Clan de l'Ombre. Tout ce qu'ils respectaient, c'était violence. Ils ne voulaient pas de chef doux, sage ou juste, ils ne voulaient pas de chefs comme Étoile de Bleuet, ils voulaient du sang, des batailles...Il se rendit compte à quel point il les détestait. Il aurait tellement aimé naître chat errant, ou même chat domestique... là-bas, au moins, dans la ville, tout était paisible.∞∞∞- Attaquer le Clan du Vent ? " s'étonnait Nuage de Pivoine, dans la tanière du chef, entouré par Goémon Noir et les autres vétérans.- Oui, ce serait une excellente chose. Répondit Plume Brune. Cela nous permettrait de gagner des territoires. Et puis, leurs lapins délicieusement juteux sont succulents.- Mais je croyais avoir entendu dire que les lapins de la forêt étaient toujours plus juteux que les lapins de lande...- Balivernes et bouillie pour les chats domestique, comme tu dis si bien ! Leurs lapins sont succulents !- Peu importe, petit, euh, chef, fit Croc Noir, l'essentiel, ce sera tous les territoires qu'on gagnera.- On en a pas déjà bien assez ? " protesta timidement Nuage de Pivoine.- On n'a jamais assez de territoires, petit, euh, chef. " rétorqua Croc Noir.- Si vous le dites... " marmonna Nuage de Pivoine. Alors, eh bien, euh... si vous voulez le faire, allez-y, c'est votre décision.- Hum... par honnêteté, petit, euh, chef, il faut qu'on te prévienne... on devra peut-être en tuer un ou deux... " toussota Croc Noir.- Oui, comme dans toutes les batailles, je suppose. Soupira Nuage de Pivoine, fatigué de tout ça. Allez-y.- Peut-être plus que deux... il faudra qu'on tue le chef, le lieutenant, et quelques guerriers... non, en fait, tous les guerriers.Nuage de Pivoine écarquilla les yeux.- TOUS les guerriers ? Mais... mais... ç-ça dépasse un peu le stade d'une simple bataille, vous ne croyez pas, là, non ?- Mais non, voyons, minimisa Plume Brune, à la guerre comme à la guerre.- Bon, si vous le dites... " murmura Nuage de Pivoine, la conscience pas tout à fait tranquille. Tant que vous ne tuez pas les apprentis...- Euh... en fait, petit, euh, chef... on comptait aussi tuer les apprentis.- QUOI ?! Mais... mais pas les plus petits, j'espère ?- Bah, tu sais, dans le tas, on ne fera pas trop la différence...Nuage de Pivoine eut un mouvement de recul.- Vous n'allez quand même pas tuer les reines, les chatons, les anciens, et tout le Clan, j'espère, pendant qu'on y est ?Un silence gêné se fit parmi les vétérans.- Bah, c'est juste le Clan du Vent...- Ils sont inutiles dans cette forêt...- Et arrogants au possible...- Ce ne sera pas une grosse perte...Nuage de Pivoine commençait à comprendre... il balbutia :- Mais vous êtes complètement cinglés ! Je ne vous laisserai pas faire ça !- Ah oui, et pourquoi ? Intervint soudain Goémon Noir d'un ton glacial.Nuage de Pivoine se retourna vers lui, et, comme d'habitude, eut l'impression de perdre toute assurance. Il se sentit ridicule lorsqu'il balbutia :- Ben... parce que je suis le chef. Et si je refuse, v-vous avez p-pas l-le d-droit de le faire, voilà.- Merveilleux chef, en effet. " commenta Goémon Noir, avec son sourire méprisant.- Bon, écoute, petit, euh, chef, fit Plume Brune, qui commençait à s'irriter sérieusement, tu vas être un bon garçon et faire gentiment ce qu'on veux, d'accord ? Laisse-nous attaquer ce Clan, et puis c'est réglé.- Mais ce n'est pas une attaque, ça, c'est, euh... un génocide ! (il avait sorti ce mot pour se donner l'air important) Et que vous le vouliez ou non, je suis votre chef ! Et votre chef n'approuve pas cette décision ! Je refuse qu'on touche au Clan du Vent !- Pff... mais quelle fillette, celui-là. Pas le courage de se lancer dans une bataille, hein ? " ricana Souris Grise.- Je suis courageux, je vous assure ! " se vexa notre pas-si-courageux héros.- Alors si tu es un vrai chef, fais ce qui est le meilleur pour ton Clan, fais-nous gagner des territoires. Il n'y a que les lâches qui refusent de se battre.- M-mais vous voulez TOUS les tuer ! Je refuse ! Je refuse !Tous les vétérans levèrent les yeux au ciel, l'air de dire "non mais qu'est-ce qui lui a pris, à celui-là ? Il a cru que c'était lui qui commandait ? On aura tout vu !"Goémon Noir prit la parole pour la seconde fois, ses yeux noirs plongeant dans les siens avec un air impitoyable :- Bon, allez, Nuage de Pivoine, accepte. On ne va pas y passer la nuit.- Non, balbutia Nuage de Pivoine, de moins en moins sûr de lui, je ne peux pas accepter une telle décision. C'est hors de question. - Depuis quand tu commandes, ici ? " Goémon Noir lui fit un sourire méprisant, et les dernières défenses de Nuage de Pivoine cédèrent.Il dit d'une minuscule voix :- Bon, d'accord, allez-y, c'est votre décision.- Mais tu donnes ton accord ? " insista Goémon Noir.- S-si vous voulez...- On ne va pas y passer la nuit, dit oui, et puis c'est tout.Et, condamnant des dizaines de vies par ce simple mot, Nuage de Pivoine murmura d'une voix éteinte :- Oui.Il eut tout le reste de sa vie pour regretter ce minuscule petit mot.Goémon Noir lui fit un sourire, comme un Bipède sourirait à son gentil petit toutou qui a bien obéi à l'ordre.- Une dernière chose... je... je ne veux pas y participer, à cette bataille. Je refuse de voir ça. " Murmura Nuage de Pivoine.- C'est vraiment une fillette, celui-là. " glissa Plume Brune à Croc Noir.Quelques heures plus tard, nous retrouvons les guerriers de l'Ombre et du Tonnerre tous réunis devant la frontière du Clan du Vent. Nuage de Chenille était là, à l'arrière, comme le guérisseur du Clan de l'Ombre, pour assister les futurs blessés. Elle avait passé une nuit atroce. Elle avait entendu les cris et les pleurs de tout un Clan durant son sommeil. Maintenant, elle savait pourquoi. Elle savait ce qui allait se passer, et à elle seule, fragile petite apprentie guérisseuse, elle ne pouvait rien éviter. Elle ne pouvait que rester là, muette d'horreur.
- La priorité, disait Goémon Noir qui commandait les troupes avec Étoile du Tigre, c'est de neutraliser le plus vite possible les apprentis qui tenteront d'aller chercher du renfort au Clan de la Rivière.
Étoile du Tigre acquiesça. Il n'avait pas l'air très bien, du point de vue de Nuage de Chenille. Son Clan, en revanche, se réjouissait. Tous les guerriers sortaient impatiemment leurs griffes, et les guerriers du Clan du Tonnerre en faisaient autant. Tous pensaient à la bataille, au sang, à la gloire, et aux lapins bien juteux. Enfin, non, pas tous... ici et là, dans les rangs, Nuage de Chenille distinguait deux ou trois guerriers qui semblaient aussi pâles qu'Étoile du Tigre, qui hésitaient, eux aussi. Mais ce n'étaient qu'une faible minorité. La plupart salivaient déjà d'avance sur les lapins qui seraient à eux.
Après avoir fini de parler stratégie, Étoile du Tigre, qui avait décidément l'air très nerveux, demanda à Goémon Noir :
- Au fait, je... je veux simplement quelque chose...
- Oui ?
- Je veux que... que... q-que tu me promettes... que tu me jure sur ton honneur de lieutenant du Clan du Tonnerre... que tu honoreras tes promesses.
Goémon Noir prit un air indigné.
- Comment peux-tu douter de ma parole ? Je ne reviens jamais sur ce que j'ai promis. Mais, si ça peut te rassurer... je te jure, sur mon honneur de lieutenant du Clan du Tonnerre, que j'honorerai mes promesses. Ça te va ?
- Très bien. " fit Étoile du Tigre, entièrement rassuré.
- Le Clan du Vent ne va rien voir venir, je le sens... " Goémon Noir eut un sourire carnassier, remuant l'oreille, son tic.


Et, effectivement, le Clan du Vent ne vit rien venir.
Larme de Rose était dans sa tanière, en train de trier les différentes variété de baies, quand soudain, elle entendit, de dehors, des hurlements de surprise, vite suivis par des cris terrorisés. Clouée sur place de stupeur et d'épouvante, elle trouva la force de se diriger vers la sortie. Mais elle entendit une voix lui hurler :
- Larme de Rose, non ! Surtout, ne sors p...
La voix mourut dans un gémissement, et Larme de Rose, terrorisée, le coeur battant dans sa poitrine, courut dans le fond de sa tanière.
Il n'y a rien de plus horrible que d'entendre sans rien voir. C'est ainsi que Larme de Rose vécut la chute du Clan du Vent : sans rien voir, terrée dans sa tanière, terrorisée, entendant les cris et les râles d'agonie, mais sans rien pouvoir faire, impuissante et terrifiée.
Et puis, de l'autre côté de la barrière, du côté des massacreurs, il y avait Étoile du Tigre.
C'était fou comme la frénésie pouvait vous parcourir en un rien de temps. C'était vraiment étrange. Toute la folie du massacre avait explosé si vite... il se retrouva à attaquer avec les autres, mordant et griffant tout ce qui passait à sa portée. Lui qui se pensait si doux et pacifique, il s'était noyé comme les autres dans la fièvre du carnage. Il avait soif de sang et de massacre, comme les autres. C'était comme si un déchaînement de rage et de haine avait déferlé sur le camp d'un seul coup.
Il était comme transporté dans un état second. Il réalisait à peine ce qu'il faisait. Il avait seulement conscience qu'il frappait, griffait, mordait, encore et toujours, sans pitié. Le Clan du Vent n'avait pas eu le temps de réagir. Quelques guerriers avaient bien tenté de se défendre, mais ils avaient été tués en premier. Il avait même réalisé, dans un flash de lucidité, avoir tué un ancien. Il comprenait maintenant ce que l'expression "fièvre du carnage" signifiait.
Soudain, il réalisa que la personne à qui il griffait le flanc et à qui il s'apprêtait à mordre la gorge était Nuage de Chenille, l'apprentie guérisseuse du Clan du Tonnerre.
- Arrête, arrête ! Gémissait-elle. C'est moi !
Il la relâcha.
- Oh, je... je ne savais pas, je suis désolé... ne reste pas trop près des combats, petite, c'est dangereux !
Il regarda autour de lui. Il ne savait ni pourquoi ni comment, mais il était dans la pouponnière du Clan du Vent. Soudain, il vit arriver une petite chatonne aux yeux écarquillés.
- Elle est où, ma maman ? " disait-elle d'une petite voix.
Étoile du Tigre regarda ses pattes, et il vit, avec horreur, qu'elles étaient tachées de sang. Il réalisa que ça aurait pu être lui, le meurtrier de sa mère.
La pouponnière du Clan était le seul lieu encore tranquille, excepté, bien sûr, la tanière du guérisseur où Larme de Rose était réfugiée. C'était le seul lieu que le massacre épargnait, un lieu silencieux et paisible, où les cris des victimes faisaient à peine trembler les murs. La petite chatonne, qui sentait que quelque chose de grave se passait, mais sans comprendre pourquoi, répéta :
- Elle est où, ma maman ? Elle est sortie pour voir ce qui se passait. Qu'est-ce qui se passe ? Ils sont où ? Et vous, vous êtes qui ?
Étoile du Tigre tremblait. Il fixait toujours avec horreur ses pattes pleines de sang.
- Je... je... i-il n'y a p-personne d'autre avec t-toi ?
- Il y avait mes frères, mais ils sont sorti pour voir comment maman allait. Ils sont jamais revenus. " répondit la petite chatonne. Vous... vous êtes qui, vous deux ?
Autant Nuage de Chenille qu'Étoile du Tigre ne trouvèrent pas quoi répondre. Étoile du Tigre tenta de ne penser à rien, et sortit les griffes... avant de les rentrer aussitôt. Il ne pouvait pas. C'était tout simplement au-dessus de ses forces.
- Ne la tue pas, Étoile du Tigre, s'il te plaît... " murmura Nuage de Chenille.
Ce n'était même pas la peine qu'elle le dise. Étoile du Tigre répondit tout de même :
- Mais si je ne le fais pas, un autre le fera. Comment veux-tu que je la sauve ?
- Ramène-la au Clan de l'Ombre. Trouve une reine de ton Clan pour s'occuper d'elle.
- Je ne peux pas... bégaya-t-il, je ne peux pas... comment est-ce que je vais justifier ça à mon Clan ?
- Tu préfères peut-être sortir les griffes et lui trancher la gorge ?
Étoile du Tigre s'approcha alors de la petite.
- É... écoute-moi bien, je vais te prendre dans ma gueule, et tu ne vas pas te poser de questions, d'accord ? Nuage de Chenille, je... je crois que je vais la ramener à une reine de mon Clan. Je me fiche de ce qu'on dira de moi, je ne peux pas faire ça.
Et il prit la chatonne dans sa gueule et sortit de la pouponnière.
Ce fut comme si il voyait le champ de bataille pour la première fois. Tout était taché de sang, les parois de la caverne, le sol, tout. Les derniers survivants luttaient avec acharnement et avec toute l'énergie du désespoir.
Mais il n'eut pas le temps d'y penser, fonça vers la sortie avec la petite dans la gueule, et, aussi vite que si sa vie en dépendait, il traversa la lande en courant.
Il n'avait jamais autant couru de sa vie, pas même la fois où deux de ses grands frères l'avaient poursuivi pour lui filer une raclée la fois où il avait osé les traiter de crotte de renard. Il courut jusqu'à croire qu'il allait étouffer et perdre le souffle, jusqu'à ce que ses pattes lui fassent subir une torture, il traversa un territoire entier uniquement en courant comme une flèche.
Quand il arriva enfin à l'entrée du camp, épuisé, haletant, les pattes encore pleines de sang, il bouscula les gardes, entra dans la pouponnière, déposa la petite sur le sol, lança avec le peu de souffle qu'il lui restait :
- Occupez-vous en. Pas de questions.
Puis il repartit en trombe.
Après son départ, les reines se regardèrent, estomaquées, se demandant un instant si elles n'avaient pas halluciné son apparition. Il ne leur avait rien expliqué, rien dit, il était simplement rentré pour cinq secondes, avait posé ce chaton sur le sol, avait haleté qu'elles devaient s'en occuper, et les avait planté là.


Pendant qu'Étoile du Tigre courait comme un dératé en sens inverse avant qu'on s'aperçoive de son absence, Larme de Rose, elle, était toujours à trembler de terreur, recroquevillée au fond de sa tanière, priant pour que tout ne soit qu'un cauchemar.
Quand soudain, elle vit quelqu'un entrer dans la tanière. Elle sortit ses griffes en tremblant. Son probable futur meurtrier était un chat brun tigré et blanc, très fin, assez joli, d'ailleurs. Mais en croisant son regard, deux yeux aux prunelles noires, elle hoqueta :
- Nu... Nuage de... Goémon... c'est toi ?
- Goémon Noir, corrigea-t-il avec un petit sourire.
Ce sourire-là ne se trouvait pas dans la classification non exhaustive des différents sourires de Goémon Noir selon Nuage de Pivoine. Ce sourire-là était un petit sourire triste, presque nostalgique.
- Enfin seuls. " lança-t-il.
Il posa son regard sur Larme de Rose. Ses yeux noirs la mettaient si mal à l'aise qu'elle frissonna malgré elle.
- Je me rappelle de toi... tu sais, je crois même que j'étais tombé amoureux de toi, à l'époque.
- Nuage de... de... Goémon Noir, bafouilla-t-elle, tu ne vas pas me tuer, hein ? Tu ne voulais peut-être pas cette attaque...
- C'est moi qui l'ai planifiée, idiote. " il se mit à rire.
Elle n'avait jamais vu Nuage de Goémon rire avant. En fait, elle n'avait jamais vu Nuage de Goémon exprimer quoi que ce soit d'autre que du ressentiment ou de la haine. Mais Goémon Noir, lui, riait d'un rire si communicatif, qui semblait si franc... Larme de Rose eut réellement l'impression de retrouver une personne différente.
- Toi ? Répéta-t-elle stupidement. Mais pourquoi toi ? Je... je ne comprends pas... j-je te retrouve, et on dirait que le petit garçon q-que je connaissais est... m-mort...
Un nuage voila le regard de Goémon Noir.
- Rassure-toi, il est toujours là. C'est pour lui que j'ai tué Pelage Sombre et que j'ai voulu devenir lieutenant. C'est pour lui que je me venge encore de mon Clan.
Mais cette expression étrange sur son visage ne dura pas plus de quelques secondes. Pendant seulement une poignée de secondes, elle eut réellement l'impression d'avoir devant les yeux le petit garçon qu'elle avait connu. Et puis, il n'en laissa plus rien paraître, et il la regarda en souriant.
- Tu es vraiment belle... je me rappelle à quel point je t'ai détestée pour la pitié qu'il y avait dans tes yeux quand tu me regardais. Mais, malgré tout, je ne sais pas... tu semblais si douce avec moi... oui, je crois que tu as vraiment été mon premier coup de foudre. Et mon seul, d'ailleurs.
Ensuite, elle se demanda si elle avait bien entendu ce seul mot qu'il prononça :
- Pars.
Elle balbutia :
- Quoi ?
- Tu m'as bien entendu. Pars. Dit-il avec un sourire détaché.Pour une raison que je ne m'explique pas, je n'ai pas envie de te tuer, pas toi. Alors sors de cette tanière et fuis. Si tu croises un guerrier en chemin, eh bien... je ne serai pas responsable, au moins. Mais moi, je ne veux pas te tuer. Pars.
Elle était estomaquée. Qui était donc ce chat ? Elle avait devant les yeux quelqu'un qu'elle ne pouvait pas comprendre, et qui la terrorisait en même temps qu'il la fascinait.
- J-je...
- Tu es sourde, ou quoi ? Pars.
Et c'est ce qu'elle fit, encore tremblante de la tête aux pattes. Mais, juste avant qu'elle franchisse le seuil, il la rappela :
- Hé !
- O-oui ?
- Je te trouve toujours aussi jolie.
Et elle s'enfuit.


Quand Étoile du Tigre rentra, essoufflé, au camp du Clan du Vent, il se rendit compte que la bataille, ou plutôt le massacre, était fini. Dans la confusion de la bataille, on ne s'était pas rendu compte de son absence.
Maintenant, il régnait sur le camp un grand silence pendant qu'on enterrait les corps, moins par souci de leur dignité que simplement pour raisons d'hygiène.
Il était fasciné par ce silence. Il avait vécu la chute du Clan du Vent, pire encore, il y avait participé. Le Clan du Vent était mort. Mort... mort... il se répéta ce mot en boucle, sans pour autant le réaliser. Maintenant, il n'existait plus de Clan du Vent. Les Quatre Clans étaient devenus Trois. Avec le Clan du Vent était mort le dernier lien qui les associait au Clan des Étoiles. C'était étrange... lui qui avait toujours cru, enfant, que les Quatre Clans étaient quatre, voilà qu'il n'y en avait plus que trois. À cause de lui, de son désir égoïste de récupérer son fils et de prouver sa valeur à lui-même et à son Clan.
Non. Ce n'était pas tout à fait juste. Son regard croisa celui de Goémon Noir, qui sortait de la tanière du guérisseur sans qu'il ait aucune idée de ce qu'il avait bien pu aller faire là. C'était à cause de Goémon Noir, qui avait tout planifié depuis le début, qui savait qu'Étoile du Tigre n'allait pas être en position de refuser. Étoile du Tigre avait agi exactement comme Goémon Noir l'avait prévu. Ce dernier était maintenant entouré des deux guérisseurs de son Clan, Nuage de Chenille, qui semblait horrifiée, comme lui, et Brin d'Herbe, complètement impassible, qui engloutissait un énorme lapin.
- Succulent. De toute évidence, le vieux proverbe mentait : les lapins de forêt ne sont pas toujours plus juteux que les lapins de lande.
Étoile du Tigre, enjambant avec dégoût un des cadavres qu'on n'avait pas encore enterré, rejoignit Goémon Noir. Ses guerriers étaient derrière lui, tout comme ceux de Goémon Noir. Le Clan de l'Ombre et le Clan du Tonnerre se faisaient face.
- Bon... j'ai accompli ma part du marché qu'on avait conclu. Déclara Étoile du Tigre. Je vous ai aidé à conquérir le Clan du Vent. Maintenant, honore ta promesse. Rends-moi mon fils et donne-moi la moitié du territoire.
- Non.
Étoile du Tigre crut d'abord qu'il avait mal entendu. Ce sang-froid et ce détachement avec lequel Goémon Noir prononçait ce simple mot...
- P-pardon ?
- J'ai dit non. Vous allez rentrer chez vous et vous estimer heureux qu'on ne vous chasse pas d'ici. Ce territoire nous appartient.
Il y eut des cris indignés de la part du Clan de l'Ombre.
- Quoi ?
- Mais comment osez-vous... ?
- Bandes de traîtres !
Goémon Noir désigna d'un geste méprisant les maigres guerriers d'Étoile du Tigre. Une dizaine, tout au plus. Ça avait été largement suffisant pour faire la différence contre le Clan du Vent, mais si ils devaient maintenant se mesurer aux guerriers du Clan du Tonnerre, ils perdraient à coup sûr.
- Et tu vas faire quoi, ricana-t-il, nous affronter ? Tu n'es clairement pas en état d'exiger quoi que ce soit de moi. Nous sommes deux fois plus nombreux que vous. Si vous tentez de récupérer cette moitié de territoire, nous vous chasserons sans aucun mal. Alors allez-y, partez, et, encore une fois, estimez-vous heureux qu'on ne vous chasse pas d'ici.
- M-mais tu avais donné ta parole d'honneur...
- Quoi, ça ? Ah oui... je mentais, alors. " répondit Goémon Noir avec une indifférence qui le stupéfia.
- Rendez-moi au moins Petit Lionceau... " fit Étoile du Tigre d'un ton presque suppliant.
- Il ne se soucie pas plus de toi que de sa première souris, ce petit. C'est toujours le premier à clamer que c'est un vrai guerrier du Clan du Tonnerre...
C'en fut trop pour Étoile du Tigre. Il se jeta sur Goémon Noir, les griffes sorties. Et ses guerriers le suivirent.
La bataille qui s'engagea fut aussi brève qu'inégale. Sans aucun mal, le Clan du Tonnerre força le Clan de l'Ombre à se replier. Et, comme si ce n'était pas suffisant, ils s'enfuirent sous les quolibets de leurs ennemis :
- Ce territoire est à nous !
- Le Clan du Tonnerre est le meilleur !
- Vous y avez vraiment cru, hein ?
Une fois seul avec le reste du Clan du Tonnerre, Goémon Noir laissa un instant transparaître sa douleur sur son visage. Mine de rien, Étoile du Tigre l'avait pris par surprise et lui avait laissé une entaille au flanc. Derrière lui, Nuage de Chenille semblait s'agiter.- Mais tu avais juré sur l'honneur... " Nuage de Chenille s'interrompit en se rendant compte du ridicule de son argument.
Goémon Noir lui fit un sourire qui était un mélange subtil entre son sourire spécial Perce-Neige et son sourire narquois.
- Ma petite chenille, si tu es prête à gober tous les bobards que quelqu'un est prêt à te dire à partir du moment où il y ajoute ces cinq mots, "je jure sur mon honneur", c'est que tu es encore plus naïve que notre chère Nuage de Fraise.


Une fois rentré au camp, Étoile du Tigre ressentit comme une envie de s'isoler dans sa tanière, comme souvent, ces derniers jours.
Tout ça pour rien... Petit Lionceau l'avait oublié, le Clan allait le haïr encore plus, si c'était possible, et il s'était rendu complice d'un massacre, tout ça pour rien. Une fois seul dans sa tanière, Patte de Bouleau trouva encore le moyen d'aller le déranger.
- Chef, le Clan s'agite... Pépin de Citrouille semble, encore une fois, les monter contre toi... je crois qu'il faut faire quelque chose...
- Plus rien n'a d'importance. Soupira-t-il. Qu'ils me coupent la gorge dans mon sommeil si ils le veulent.
Étoile du Tigre resta silencieux quelques secondes... et soudain, il éclata d'un rire nerveux.
- J'ai vraiment... tout foiré, hein ? articula-t-il, les épaules secouées. J'ai été un chef de merde, un fils de merde, un compagnon de merde, un mentor de merde, un père de merde... c'est moi le grand perdant, dans cette histoire. Je suis vraiment pathétique, hein ?
Il ne savait pas qu'il y avait à peine une semaine, Nuage de Pivoine avait posé exactement la même question à Brin d'Herbe. Et là où Brin d'Herbe s'était montré franc, Patte de Bouleau esquiva la question :
- Mais non, voyons...
Étoile du Tigre baissa les yeux, bouillonnant de rage et de tristesse à la fois.
- Avant, je savais déjà que je n'avais pas été un bon fils, ni un bon compagnon, et que je n'étais pas un bon chef... mais j'avais Petit Lionceau. C'était la seule chose qu'il me restait. Être un bon père... et même là-dessus, j'ai tout foiré. Qu'est-ce qu'il me reste à faire, maintenant ? Avaler tout le stock de baies empoisonnées ou attendre que mon ancien apprenti vienne me tuer pour se proclamer chef du Clan ?∞∞∞Pendant ce temps, quand Nuage de Pivoine vit les membres de son Clan rentrer triomphalement, il comprit qu'ils avaient gagné la bataille.
- Alors ? demanda-t-il inutilement. Vous avez gagné contre le Clan du Vent ?
- Clan du Vent ? Quel Clan du Vent ? Y'a eu un Clan du Vent ? C'est juste notre lande, maintenant ! ricana Plume Brune.
Les rires de triomphes se firent entendre dans la foule. Nuage de Pivoine, lui, eut l'impression de se prendre un coup dans le ventre. En fait, il avait encore prié pour que cette bataille ne soit qu'une bataille comme une autre et que les vétérans aient juste voulu plaisanter... mais maintenant, il savait que le doute n'était plus possible.
Il n'y avait plus de Clan du Vent.
Goémon Noir, d'un ton détaché, lui tendit un gros lapin bien dodu :
- Tiens, je t'en ai ramené un ! Tu veux goûter ? Ils sont excellents !
- Pas maintenant, marmonna Nuage de Pivoine, je... je crois que je me sens mal... je vais rentrer dans ma tanière et me reposer un peu.
Le Clan du Vent n'existait plus. Plus du tout. Ça semblait si irréel... un jour, il se promènerait sur la lande avec ses enfants, et il leur dirait quelque chose comme : Hé, Petit Machin et Petit Truc, est-ce que vous étiez au courant qu'à l'époque où papa était enfant, il y avait un Clan, dans cette lande ? Nous étions Quatre Clans, et pas trois.
- Quatre, papa ? Mais c'est pas possible !
- Eh si, Petit Truc. Ce Clan aujourd'hui disparu s'appelait jadis le Clan du Vent. Ça semble incroyable, hein ? Et pourtant, je vous assure qu'il a vraiment existé.
- Mais qu'est-ce qui leur est arrivé, papa ?
- Oh, c'est simple, Petit Machin. C'est entièrement de la faute de papa. Il a approuvé tout ce que son lieutenant voulait, et à cause de lui, ce Clan n'existe plus.
- Papa... t'étais pas un peu un lâche, papa ?
- Si, j'étais un lâche.
Nuage de Pivoine se rendit compte qu'il avait parlé tout haut dans sa tanière. Nuage de Chenille, qui était sur le seuil, lui lança :
- Tu discutais avec quelqu'un ? C'est quoi, ces histoires de lâche ?
- Rien, laisse-moi. " geignit Nuage de Pivoine.
- C'est un peu tard pour culpabiliser, là, non ? répondit Nuage de Chenille.
- Oui, moi aussi, je crois. " murmura Nuage de Pivoine.
Comme d'habitude, Nuage de Chenille avait compris à quoi il pensait sans aucun mal.
- C'est un peu bizarre, la chute d'un Clan. Dit-elle pensivement. C'est un peu comme la fin d'un monde. Comme si on avait vécu une fin du monde. Dire qu'un jour, on dira à nos enfants que, jadis, il y avait quatre Clans dans la forêt...
Nos enfants ? Nuage de Pivoine tiqua sur ce terme. Elle utilisait sans doute cette expression dans le sens général, ou alors... est-ce qu'elle parlait vraiment de leurs enfants, ceux qu'ils auraient ensemble ? Il se rappela alors que dans trois lunes, il aurait douze lunes, et que le moment serait venu pour lui de se choisir une compagne. Nuage de Chenille était... étrange. Assez fascinante pour lui. Il ne pouvait pas dire qu'ils étaient complémentaires, au contraire, ils se ressemblaient beaucoup, peut-être même trop, et c'était peut-être pour ça qu'ils se comprenaient autant. Il était sûr d'aimer Nuage de Chenille, d'avoir un lien fort avec elle, mais... est-ce que, pour autant, ce lien s'appelait de l'amour ? Il l'aimait profondément, presque comme si c'était une partie d'elle-même, mais est-ce qu'il l'aimait réellement comme une compagne ? C'était quelque chose de plus fort que de l'amitié, mais pas tout à fait comme il aurait aimé une compagne.
Il soupira. Tout était si compliqué, avec lui... il regarda hors de la tanière. Les blessés partaient se faire soigner, la nuit tombait.
- Nuage de Chenille, tu ne devrais pas y aller ?
- Oh non, Brin d'Herbe va me tuer... il hait devoir travailler.
Et elle sortit de la tanière. Nuage de Pivoine se sentait fatigué, fatigué... il était plus épuisé que jamais. Sans rien ajouter, il alla s'effondrer sur sa litière de plumes moelleuse.∞∞∞Larme de Rose, elle, pendant ce temps, fuyait comme une folle à s'en rompre les pattes.
Elle avançait, malgré son point de côté, seule dans la nuit.
Morts, tous. Mort, Une-Oreille, brutal mais gentil comme tout, morte, Rivière d'Or et ses chatons qui venaient à peine de naître, mort, son compagnon, mort, le chef, mort, le lieutenant... tous morts.
Elle pleurait sans aucun bruit tandis qu'elle marchait. Tenir. Elle devait tenir. Ne rien réfléchir, ne penser à rien, simplement tenir.
Morts. Tous morts. Elle n'arrivait pas à réaliser ce mot. Mort, mort... mort, son Clan, morts, ses camarades... son point de côté lui faisait atrocement souffrir. Tenir. Avancer. Tenir.
Elle pensait que ça devait être un cauchemar, oui, ça ne pouvait être que ça. Un cauchemar. Elle allait se mordre la langue pour vérifier, et ça n'allait pas faire mal. Mais non, quelle abrutie, bien sûr que ça ne pouvait pas être un rêve. Elle sentait ses pattes lui faire souffrir le martyre, elle sentait le vent qui soufflait alors qu'elle s'enfuyait dans l'obscurité... on ne sent pas ces petits détails-là dans les rêves.
C'était vrai, alors, ils étaient tous morts. Morts, morts, morts... ce mot tournait en boucle dans sa tête, mais elle n'en saisissait pas le sens. Mort, ce petit chaton espiégle qui rêvait d'être guérisseur, mort, cet apprenti timide qui rougissait toujours devant elle, tous morts. Ses pattes étaient collantes, elle avait dû marcher dans les flaques de sang en s'enfuyant. Le sang de ses camarades, le sang du chef, du lieutenant, de l'apprenti timide, de la douce Rivière d'Or, de n'importe qui... car ils étaient tous morts. Morts, morts, morts, morts.
Sa vue commençait à se brouiller, ses pattes à s'effondrer toutes seules... mais elle devait tenir.
Tenir.
Tenir.
Tenir.
Te...
Larme de Rose s'effondra au beau milieu de la nuit. L'endroit où elle s'était finalement écroulée était un lieu qu'elle ne connaissait pas encore comme la ville. Et elle ne savait pas que demain, à l'aube, deux chats de la bande d'Inigo la trouveraient encore évanouie, et l'examineraient craintivement comme on regarderait une bête curieuse, parce que les femelles n'étaient pas monnaie courante pour eux. Elle ne savait pas que ces deux chats la ramèneraient à leur chef. Elle ne savait pas qu'Inigo, poussé par une sorte de fascination, la soignerait et s'occuperait d'elle jusqu'à ce qu'elle se réveille.
Non, pour l'instant, mes chers amis, Larme de Rose ne savait pas tout ça. Elle était simplement seule, perdue, évanouie, au beau milieu de la nuit.∞∞∞Cette nuit-là fut la plus horrible de la vie de Nuage de Pivoine.Il marchait le long d'un camp qu'il ne connaissait pas. Il sentait une matière poisseuse sous ses pattes, et il se rendait compte que c'était du sang. Il hurlait en voyant que les parois des cavernes, la barrière de ronce, tout ce camp était entièrement badigeonné de sang. Et des milliers de cris explosaient à l'intérieur de son crâne, des cris de reines, de chatons, d'anciens... il courait, courait dans les immenses flaques de sang, jusqu'à se réfugier dans la tanière des anciens. Et soudain, il se figeait en voyant une horrible vieille chatte, presque sans poils, le museau et les oreilles arrachées, aux dents jaunâtres, qui lui saisissait l'épaule et lui plantait ses griffes dans la chair.
- Regardez-le, hurlait-elle d'une voix atrocement rouillée, regardez-le, celui qui vous a tué, Clan du Vent !
Et des dizaines, des dizaines, des dizaines, des dizaines, des dizaines de chats l'encerclaient, se rapprochaient de lui, encore couverts de sang séché.
- Notre assassin ! Ricana la vieille d'un rire atroce. Notre assassin, Clan du Vent ! Et il n'a même pas eu le courage de nous regarder dans les yeux avant de nous tuer ! Il n'a même pas eu le courage de participer à son propre massacre !
Et il se figeait en voyant Buttercup au premier rang des chats qui l'encerclaient. Buttercup lui feulait dessus.
- Et moi, tu m'as oublié ?
Il ne pouvait pas ouvrir la bouche, il était comme muet. Il entendait même Étoile de Taches hurler"QU'ON RETARDE SON BAPTÊME DE GUERRIER DE TRENTE CINQ LUNES ET QU'ON LUI ARRACHE LES TRIPES !" dans la foule. Et puis, un petit chaton s'approchait de lui et s'agrippait à sa patte.
- Papa, papa, papa...
Et des milliers de petits chatons, tous la gorge tranchée, les yeux vitreux, s'approchaient de lui en piaillant :
- Papa, papa, papa, papa...
- ASSASSIN ! Hurlait la vieille.
- QUARANTE CINQ LUNES DE RETARD DE BAPTÊME ! Hurlait Étoile de Taches.
- Papa, papa, papa, papa... hurlaient les petits.
- ET MOI, TU M'AS OUBLIÉE ? Hurlait Buttercup.
- Quel pathétique chef tu fais... " ça, c'était Goémon Noir.
- MEURTRIER DU CLAN DU VENT !
- CINQUANTE LUNES DE RETARD !
- PAPA, PAPA, PAPA, PAPA...
- T'es vraiment une crotte de renard, tu ne seras jamais un bon chef !
- C'EST LUI, VOTRE MEURTRIER, CHATS DU CLAN DU VENT !
- PAPA, PAPA, PAPA...
- SOIXANTE LUNES DE RETARD !
- PAPA, PAPA, PAPA...
- Tu es si pathétique...
- ET MOI, ALORS ? JE SUIS MORTE A CAUSE DE TOI !
- ASSASSIN DU CLAN DU VENT !
- PAPA, PAPA, PAPA, PAPA, PAPA...
- AU SECOURS ! AU SECOURS ! AU SECOURS ! " trouva-t-il enfin la force de hurler.
Et il se réveilla en sursaut. Le sang perlait sur son épaule, là où la vieille l'avait saisie. En vérité, c'était lui qui s'était mordu jusqu'au sang. Dans sa tête, les cris de la vieille résonnaient encore. ASSASSIN DU CLAN DU VENT ! ASSASSIN DU CLAN DU VENT !
Il se mit à sangloter.

Fanfic La Guerre des Clans - Balivernes et Bouillie pour les Chats DomestiquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant