Quelques jours plus tard, la rumeur s'était déjà répandue comme une traînée de poudre. Le Clan du Vent allait être de retour, il avait l'appui du Clan des Etoiles et du Clan de la Rivière, et il était bien décidé à récupérer ses territoires. Des batailles allaient s'ensuivre, tous s'en doutaient et tous se préparaient. Le Clan de l'Ombre, lui, voulait rester strictement neutre. Enfin, il essaya, en tout cas. Jusqu'à ce que Goémon Noir leur fasse un marché que votre humble narrateur peut aisément résumer comme ça :Bon, écoutez-moi bien, mes p'tits gars, on est deux fois plus nombreux que vous et on ne veut pas risquer de perdre cette guerre en se battant seuls. Alors vous allez vous battre à nos côtés et rejoindre notre camp, sinon, on ne va pas hésiter à vous faire subir le même sort qu'au Clan du Vent.Pigé ?J'espère que vous pardonnerez, mes chers amis, mon grossier résumé de cet épisode. Etoile de Bouleau, qui, comme vous le savez, n'était pas un mauvais bougre, mais qui tremblait de peur pour son Clan, avait bien été obligé d'accepter. Mais Goémon Noir ne se faisait pas d'illusions, ces alliés peu fiables l'auraient trahi à la première occasion.En vérité, il se trouvait dans une très mauvaise situation. La moitié des membres du Clan, tout comme Etoile de Pivoine, ne cautionnaient pas cette guerre et auraient été prêts à laisser le Clan du Vent récupérer leurs terres sans effusions de sang. Le clan était réellement comme divisé en deux. Etoile de Pivoine, lui, avait déjà pris sa décision : il devait tuer Goémon Noir. Le tuer serait le seul moyen de mettre fin à cette guerre. Sinon, le Clan du Vent et le Clan du Tonnerre allaient s'arracher cette lande juteuse, s'entre-tuer pour se l'approprier, se battre à la mort dans une guerre sans fin.Quant à Larme de Rose, elle, Goémon Noir ne l'avait pas touché. Chaque soir, il venait s'assurer qu'elle ne manquait de rien, et l'admirait de loin, le cœur battant, comme on garde un diamant si précieux qu'on n'ose pas y toucher. Tout le reste du Clan se demandait ce qu'il pouvait bien avoir en tête avec elle. Lui-même n'en avait aucune idée.Mais le plus inquiétant dans l'esprit des gens restait Plume. Chaque soir, quand Goémon Noir en avait assez de faire des préparatifs pour la future bataille, il prenait toujours le temps d'inviter Plume dans sa tanière pour bavarder avec lui comme si ils étaient de vieux amis. Ce qui choquait tout le monde. De quoi pouvaient-ils bien discuter ? Surtout que Plume était muet. Ils ne l'entendaient jamais parler, eux. Apparemment, il ne parlait qu'avec Goémon Noir.Jolie Fraise, elle, en authentique mère poule, dans la pouponnière, était anxieuse. Comment ces pauvres petits chou allaient résister à cette horrible guerre ? Et si on leur faisait du mal ? Et si on touchait à son fils chéri ? Pauvres, pauvres petits...Petit Escargot, de son côté, se faisait plus sombre, plus replié sur lui-même. Ses visions, elles, se faisaient plus puissantes.Et Brin d'Herbe, me diriez-vous ?Brin d'Herbe se goinfrait, Brin d'Herbe s'en foutait. Comme toujours.
- Papa ?Étoile de Pivoine se retourna. Il savait déjà que c'était Petit Escargot. Il commençait à connaître la chanson.- Papa, j'arrive pas à dormir. Je peux dormir avec toi, cette nuit ?- Comme d'habitude, mon cœur.Petit Escargot vint se coller tout contre lui.- Papa, c'est vrai, ce que les gens ils disent ? C'est vrai que demain, vous allez partir faire une bataille ?- Oui. La gorge d'Étoile de Pivoine se serra.- Tu... tu peux mourir, papa, alors ?- Je... j'ai neuf vies, comme tous les chefs, tu sais. Ça ne risque pas de m'arriver.- Alors pourquoi t'as peur ?- Je... j'ai peur, moi ?- Ben oui, t'as peur.Soudain, ils entendirent un bruit derrière eux, et ils se retournèrent. C'était Petit Horizon.- Papa, c'est vrai, ce qu'on dit ? C'est vrai qu'il y aura une bataille, demain ? C'est vrai que tu peux mourir ? J'ai peur, moi, tu sais...A son tour, il alla se coller contre lui.- T'as pas peur, toi, papa ? demanda-t-il. Peur de mourir, et de nous laisser, de laisser maman ?Etoile de Pivoine envisagea un instant de mentir, puis finit par s'avouer vaincu et soupira :- Si, Petit Horizon, j'ai peur. Bien sûr que si. Mais j'ai neuf vies, si ça peut te rassurer.- Ça veut dire qu'on doit te tuer neuf fois avant que tu meures pour de vrai ? Wahou ! Et ça marche comment ? Comment on fait pour avoir neuf vies ?- C'est pas drôle, Petit Horizon, geignit Petit Escargot, je veux pas que papa meure, moi !Pour couper court à la future dispute, Etoile de Pivoine leur dit :- Petit Horizon, Petit Escargot ? Vous voulez que je vous raconte une histoire ? L'histoire de mon père ?- Quoi ? Donc toi aussi, t'as un papa ? s'exclama Petit Escargot.- Tout le monde a des parents, abruti, marmonna Petit Horizon.- Arrêtez, s'il vous plait ! Vous voulez la connaître, mon histoire ?- Oh oui, papa !- J'adore les histoires, moi !Alors, Etoile de Pivoine raconta. Il raconta ce qu'il n'avait jamais réellement confié à personne, à part à Inigo. Il se retrouva comme lorsqu'il était enfant, lorsqu'il confiait tous ses secrets à Inigo, quand ils étaient tous les deux en haut d'un arbre, après s'être fait la course. Il leur raconta tout. Comment son père l'appelait "ma petite boule de poils", comment il aimait tant jouer avec lui, et entendre son rire, son rire si communicatif, si franc, si joyeux... et puis, le jour où il était parti. Où il ne lui avait confié que ce petit fragment de collier.- Ce fragment de collier que j'ai toujours avec moi.Petit Escargot sourit.- Tu me l'avais déjà montré, mais tu m'avais pas dit d'où ça venait...- Et tu rêves de le revoir, alors, ton papa ? Et tu l'as jamais revu ? demanda Petit Horizon.Etoile de Pivoine soupira.- Non. Jamais.- Dis, papa... si tu le revois... tu nous le présentera, hein ? On veut le voir, nous aussi.- Bien sûr que je vous le présenterai. Il vous aimera, j'en suis sûr.Il y eut un silence.- Papa ?- Hm ?- Tu... tu nous promets que tu mourras pas demain, hein ?- Je vous le promets, mes petits.Petit Escargot fut le premier à s'endormir. Petit Horizon, lui, mit un peu plus de temps. Et Etoile de Pivoine en profita.- Petit Horizon? Tiens, prends-le, dit-il en lui tendant le précieux carré de tissu rouge. Et... et si vraiment, je ne devais pas revenir... garde-le. Ce sera mon cadeau, à toi, à Petit Escargot et à Petite Chance. Comme ça, vous vous souviendrez de moi.Petit Horizon, comme Petite Pivoine l'avait longtemps fait bien avant lui, s'endormit avec ce bout de tissu rouge au creux de la patte comme on s'endormirait contre un doudou.Etoile de Pivoine, lui, ses deux fils dormant contre soi, ne réussit pas à trouver le sommeil. Il pensait à ce qu'il aurait à faire demain. Demain, lorsqu'il devrait tuer Goémon Noir, ou mourir en essayant. En vérité, il était terrifié. Il savait que certaines attaques étaient assez puissantes pour ôter neuf vies. Demain, peut-être qu'il laisserait ses trois enfants orphelins. Cette idée le terrorisait. Mais il devait tuer Goémon Noir. Pour la cicatrice qu'il lui avait laissé, pour le mal qu'il lui avait fait. Il fallait qu'il en trouve la force. Il le fallait, absolument. Il savait qu'il devrait tuer Goémon Noir discrètement, comme un criminel, exactement de la même façon que Goémon Noir avait tué Pelage Sombre, pour faire accuser un chat ennemi. Rien de plus simple, son plan ne pouvait pas échouer. Il allait attendre que la bataille se disperse sur tout le territoire, puis trouver Goémon Noir, l'affronter seul, à l'abri des regards, le tuer, et mettre ça sur le dos d'un des ennemis. L'histoire de Pelage Sombre se répétait. Il allait être contraint de le tuer comme un traître le ferait, comme un criminel. Etoile de Pivoine se laissa bercer par la respiration de ses deux fils, et se promit de ne pas les laisser orphelin. Enfin, il sombra dans le sommeil.
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Fanfic La Guerre des Clans - Balivernes et Bouillie pour les Chats Domestiques
FanfictionA la mort d'Étoile de Feu, la forêt entière fut en deuil de ce héros. Son courage, sa force... y aurait-il jamais de nouveau un chef de cette trempe ? Le Clan du Tonnerre décida alors de quelque chose. Fini, les lieutenants qui devenaient chef. Déso...