Chapitre 1 : Nuage de Flamme

455 37 14
                                    

En général, il suffit d'un seul événement pour perturber à jamais le mode de pensée d'un enfant. Un événement, peut-être même a priori anodin, arrive dans la vie d'un chaton, et sa manière de voir les choses en est bouleversée à jamais.
Pour Petite Pivoine , cet événement arriva à l'âge de deux lunes.
Petite Pivoine, à deux lunes, avait déjà tout pour être heureux et apprécié, dorloté, cajolé... pour une seule raison : il était adorable. La meilleure qualité d'un chaton. Petite Pivoine était assez fier de son beau pelage doré. Il avait un air gracile, deux yeux ronds si beaux que quand il les mouillait de larmes, les adultes ne lui refusaient rien, un petit corps fin et élégant, presque féminin, bref, il avait tout pour lui. Il avait la meilleure qualité qu'on exige d'un chaton : il était mignon. Mais, je crois parler un peu vite : la meilleure qualité qu'on exige d'ordinaire des enfants, c'est qu'ils soient mignons et qu'ils se taisent. Et lui, il possédait ces deux avantages. Il était réellement adorable, avec ses petites pattes si fragiles, son pelage doré et sa petite truffe mignonne... et il ne protestait jamais contre les adultes. Il avait au contraire un don pour les flatter, et le Clan des Étoiles sait que les adultes aiment ça.
Toutes les reines fondaient devant lui. " Mais quel mignon petit garçoooon", roucoulaient-elles, et à partir du moment où il ouvrait la bouche, tout le monde était émerveillé, même à l'époque où il ne savait que babiller "maman" et "papa".
Bref, à deux lunes, Petite Pivoine était le plus heureux des chatons. On cédait à ses caprices ("comment refuser à un petit trésor si poliii ? "), on le cajolait... jusqu'à ce que la vie le confronte à son premier paradoxe.Un jour, car il faut bien qu'un élément vienne perturber cette histoire, un jour, donc, qu'il jouait devant la pouponnière avec un de ses amis plus âgés, Nuage de Flamme, il entendit la douce voix de la chef, Étoile de Taches, brailler à pleins poumons :
- LE CLAN DE L'OMBRE NOUS ATTAQUE ! NOUS AVONS BESOIN DE RENFORTS !
Nuage de Flamme courut vers le promontoire, tout essoufflé.
- Ceux qui viendront en renforts avec moi seront : Patte Grise, Nuage Noir, Pelage Sombre, Brin d'Herbe, Aile de Brume, Nuage de Flamme et Nuage de Goémon !
Nuage de Flamme se mit à courir ventre à terre vers la sortie du camp, avec les autres chats désignés.
- Hé, Nuage de Flamme ! " héla Petite Pivoine. "Reviens, s'il te plaît, on n'a pas fini notre partie de chasseur et souris !
Nuage de Flamme avait l'air extrêmement tendu lorsqu'il se rapprocha de lui.
- Je ne peux pas.
- Mais pourquoi ? " geignit Petite Pivoine, lui faisant les yeux doux.
- Parce que je ne peux pas refuser de participer à cette bataille.
- Pourquoi ?
- Parce que c'est pour le Clan.
Nuage de Flamme disait ça avec toute la conviction qu'il pouvait y mettre. Il était fils d'Étoile de Taches, illustre descendant d'Étoile de Feu, et chez lui, ce genre de phrase sonnait toujours naturel quand il les prononçait. Petite Pivoine voyait toujours les guerriers s'incliner devant Nuage de Flamme, le traiter avec déférence et politesse, lui demander conseil comme on demanderait à un adulte... mais, malgré tout ça et malgré leurs cinq lunes d'écart, Nuage de Flamme le traitait en égal, qu'il soit son futur chef ou non.
- Mais ça veut dire que le Clan, il est plus important que notre partie de chasseur et souris ? C'est même pas vrai ! " s'exclama Petite Pivoine. Le Clan, il est pas important !
Nuage de Flamme, avec sa gravité habituelle et rare chez un petit enfant de seulement six lunes, dit bien haut, comme si il voulait que sa mère l'entende :
- Je dois être prêt à me sacrifier pour mon Clan si il le faut. Le Clan passe avant tout. Si je meurs pendant cette bataille, ce sera un honneur.
La mère de Nuage de Flamme, Étoile de Taches, lui lança de l'entrée du camp :
- Nuage de Flamme ! Dépêche-toi. Tu devras combattre en première ligne, c'est ton rôle de futur chef.
Nuage de Flamme baissa docilement la tête :
- Oui, mère.
Mais, immédiatement après, Nuage de Flamme sembla se crisper. Il y a des choses qu'on n'oublie jamais. La phrase qui suivit, Petite Pivoine ne l'oublia jamais. Nuage de Flamme, l'air terrifié, cachant du mieux qu'il pouvait son épouvante, murmura à Petite Pivoine d'une voix blanche :
- Je ne veux pas mourir.
Il venait de laisser tomber son masque devant lui, de dévoiler enfin sa peur. Pour la première fois, Petite Pivoine ne le vit plus comme ce chaton grave et digne, mais comme un enfant terrorisé comme un autre à l'idée de se battre.
- Ne t'inquiète pas, lança le rouquin à Petite Pivoine juste avant de disparaître hors du camp, je reviendrai.Nuage de Flamme ne revint pas. Ou plutôt, si. Son cadavre revint, transporté par plusieurs guerriers.Petite Pivoine se rappellerait sans doute toute sa vie de cet enterrement. À part lui, qui étouffait ses larmes discrètement, personne ne pleurait. Non, ils étaient tous très dignes, comme il le convenait. Même Étoile de Taches, qui était pourtant sa mère, était parfaitement posée et digne lorsqu'elle commença son discours :
- Chats du Clan du Tonnerre, aujourd'hui est mort votre futur chef. Étant mon fils aîné, il aurait dû me succéder sur le promontoire à ma mort, il aurait dû devenir Étoile de Flammes. Comme tous les descendants d'Étoile de Feu, sa bravoure n'avait d'égale que la flamboyance de son pelage roux. Il aurait fait un grand chef, j'en suis certaine.
Petite Pivoine écoutait à peine. Ce n'était que du blabla pompeux et creux, comme parlaient tous les adultes. La seule question qu'il se posait était : pourquoi aucun d'entre eux ne pleuraient ?
- La lâche attaque du Clan de l'Ombre ne sera pas impunie. Mais, pour l'instant, honorons simplement celui qui aurait dû être notre chef. Réjouissons-nous de sa mort héroïque. Chaque chat mort pour son Clan est mort pour une cause juste. Acclamons-le !
Un concert de miaulements retentit dans la foule. Petite Pivoine laissa échapper un sanglot.
Des regards irrités se tournèrent vers lui. Étoile de Taches, la chef du Clan, grogna :
- Ne pleurniche pas comme ça, Petite Pivoine ! C'est un manque de respect envers le mort.
Petite Pivoine ne comprenait pas. Il répondit en sanglotant :
- Mais...
Étoile de Taches l'interrompit :
- Nuage de Flamme s'est sacrifié pour quelque chose qui valait mieux que sa vie : le Clan. Le pleurer serait presque comme l'insulter. Au contraire, il faut l'acclamer.
Et c'est là que quelque chose tiqua dans l'esprit de Petite Pivoine.
- Mais... mais... " balbutia-il.
- Quand tu seras plus grand, tu comprendras. " grommela ֤Étoile de Taches, de toute évidence estimant qu'elle perdait son temps avec un petit idiot borné.
Petite Pivoine se tut. Il entendit de toutes parts les miaulements des chats du Clan du Tonnerre en l'honneur du mort. Timidement, il demanda à sa mère :
- Maman, pourquoi vous l'acclamez comme ça ?
- Pour l'honorer. " répondit tout simplement Sapin Vert.
- Mais... mais ça veux dire que c'est bien qu'il... qu'il soit mort ?
- Il a eu un illustre destin en mourant jeune. " miaula sa mère.
Petite Pivoine ne comprenait rien.
Son meilleur ami était mort, et le Clan le fêtait. Son meilleur ami était mort pour cette chose vague qu'était le Clan, et qui, apparemment, méritait qu'on meure pour lui, pour une raison inconnue.
Mais lui, il s'en fichait, du Clan. Tout ce qu'il savait, c'est que l'ami avec qui il jouait à la bagarre venait de disparaître à jamais et ne reviendrait pas. Et ça, ce n'était pas juste.
- Je ne comprends p-pas... " balbutia-il.
Sa mère lui fit la même réponse que la chef :
- Tu comprendras en grandissant.
Petite Pivoine s'éloigna discrètement de la foule, tête basse, abattu, des larmes coulant toujours silencieusement sur ses joues. Les adultes étaient souvent étranges, mais là, ça dépassait l'entendement. Il ne comprenait toujours pas. Qu'avait donc de si exceptionnel ce Clan pour qu'on lui sacrifie le doux, le gentil Nuage de Flamme ?Il rentra dans la pouponnière, seul. Tous les autres chatons étaient à l'enterrement du mort. Ce lieu lui semblait étrange, déserté de tous ses occupants...Étrangement, à travers ses larmes, il se remémora quelque chose, un poème qui se transmettait à l'oral, et que les anciens récitaient parfois :Une reine a perdu son chaton
Ses cris résonnent dans toute la forêt
Une reine a perdu son chaton
Il est mort, et ne reviendra jamais

Elle ne tenait rien d'autre qu'une petite chose fragile
Un simple tas de fourrure à jamais immobile
Et elle pleurait, pleurait jusqu'à en perdre la voix
Le corps de son petit chaton mort dans ses bras

Une reine a perdu son chaton
Ses cris résonnent dans toute la forêt
Une reine a perdu son chaton
Il est mort, et ne reviendra jamais

Il y avait une suite à ce poème, mais il ne pouvait pas s'en rappeler. Étoile de Taches n'avait pas l'air de pleurer "jusqu'à en perdre la voix", elle. Au contraire, elle était très digne, digne et surtout, de glace. Petite Pivoine se dirigea vers la litière de plumes où il dormait. Caché en dessous de cette litière, il y avait son trésor, son secret.Il déplaça sa litière en la poussant du museau et prit dans sa gueule ce qu'il y avait en dessous : un petit morceau de tissu rouge.Il tenait cette petite chose avec précaution, presque avec respect. Il la déposa sur le sol, et la renifla avec avidité, humant avec délice son parfum.Que représentait donc pour lui ce lambeau de tissu ?Tout.Petite Pivoine se rappelait très peu de son père, disparu peu de temps après qu'il ait ouvert les yeux. Il se rappelait seulement de son beau pelage roux flamboyant, de sa nonchalance, de son sourire, de son rire si communicatif, et de la façon qu'il avait de l'appeler "ma petite boule de poils" quand il lui léchait tendrement le museau.Son père était jeune, d'ailleurs, pour peu qu'il s'en souvenait. Il ne s'en rendait pas vraiment compte à l'époque, mais à présent, il le voyait. Quel âge avait-il, douze lunes, peut-être treize ?Petite Pivoine ne s'en souciait pas, il aimait simplement jouer avec lui, se blottir contre son beau pelage roux, et entendre son rire, surtout, ce rire si gai, si communicatif... "Ma petite boule de poils". Petite Pivoine haïssait ce surnom à l'époque, mais maintenant, il aurait tout donné pour l'entendre de nouveau de la bouche de son père, pour le revoir, pour entendre à nouveau son rire si particulier, si joyeux, qui n'appartenait qu'à lui...J'ai dit un peu avant que son père avait disparu. Comprenez-moi bien :En général, "papa a disparu" est juste quelque chose de beaucoup plus doux et de beaucoup moins choquant à dire aux enfants que : "papa s'est fait transformer en hachis par un renard, on a retrouvé son corps éventré couvert de sang et de morceau de boyaux et c'était franchement pas beau à voir" .Mais là, en l'occurrence, le père de Petite Pivoine avait réellement disparu. Il n'était pas mort du mal vert, il ne s'était pas fait réduire en hachis par un renard ou un blaireau, il ne s'était pas fait tuer dans une bataille, non, il avait disparu. Tout simplement.Petite Pivoine savait où, lui.Il se rappelait encore de son père, l'attirant à l'écart dans la tanière des guerriers vide, profitant de l'heure de la sieste, lui léchant la truffe, l'appelant "ma petite boule de poils" et lui annonçant du ton le plus doux qu'il pouvait :- Ma petite boule de poils, il faut que je te dise quelque chose... tu sais ce qui m'est arrivé quand j'avais huit lunes ?Petite Pivoine avait répondu de sa petite voix babillarde de chaton :- Voui, je sais, tu t'es battu héroïquement contre le Clan de l'Ombre au grand complet, tu as tué douze blaireaux à toi tout seul, tu as sauvé la fille du chef du Clan de la Rivière et tu es devenu un héros là-bas. Je les connais, d'abord, tes zhistoires, et j'y crois plus !Son père n'avait pas ri, non. Il l'avait regardé droit dans les yeux :- Non, Petite Pivoine, cette histoire-là est vraie. Et il faut que tu l'apprenne. Quand j'avais huit lunes, je suis parti à la chasse avec mon mentor, en patrouillant près de la Terre des Chevaux, quand soudain...Petite Pivoine était suspendu à ses lèvres. En vérité, à ce moment-là, il croyait encore que l'histoire de son père était inventée, comme les autres. Mais, inventés ou non, il les adorait, les récits de son père, ses vrais-faux exploits héroïques d'apprentis, ces histoires abracadabrantesques qu'il lui improvisait en se prenant complètement au sérieux... il ne connaissait personne qui avait une imagination plus vive, plus folle que son père.- Soudain, j'ai distingué des grandes formes étranges, des géants sur deux pattes... des Bipèdes !- J'le vois venir, d'abord ! Tu les a affronté héroïquement, et tu...Son père avait secoué négativement la tête, avec cet air grave qui lui allait si peu.- Non. Je ne chercherai pas à embellir l'histoire, pour une fois, mais te raconter les faits, et rien que les faits. Ils m'ont capturé, enfermé dans une caisse étrange, et je me suis retrouvé dans un nid de Bipède.Les yeux de Petite Pivoine s'étaient mis à briller :- Ça a dû être horrible !- Crois-le ou non, petite boule de poils : c'était magique ! Chaque jour, on me dorlotait, on me caressait, on me nourrissait... tant que je ronronnais gentiment à leurs pattes, que je leur faisait les yeux doux, j'avais tout, absolument tout pour moi ! Ils m'aimaient profondément, ces Bipèdes, ils me traitaient comme un chef ! J'avais un petit creux ? Ils m'inondaient de croquettes ! Je me frottais à leurs pattes ? Ils me grattaient le ventre ! C'était si agréable...Son père avait soupiré.- Mais, comme on dit, les meilleures choses ont une fin... un jour que je me prélassais tranquillement dans le jardin, mes camarades de Clan, qui m'avaient retrouvé je ne sais pas comment, sont venus m'emmener de force, euh, me ramener dans le Clan.Il avait corrigé sa phrase trop précipitamment. Petite Pivoine, pas dupe, l'avait remarqué, et lui avait demandé :- T'emmener de force ? Pourquoi de force ?Les yeux verts émeraude de son père, que Petite Pivoine trouvait si brillants de malice, s'étaient baissé piteusement quand il marmonna :- Beuh... c'est-à-dire que... je me suis peut-être un peu débattu... j'ai peut-être un peu dit que j'étais bien ici, que je ne voulais pas repartir, jamais de la vie, et je leur ai aussi peut-être un peu lancé qu'ils pouvaient aller se faire voir ailleurs...- Tu leur a VRAIMENT dit ça ? " s'était exclamé Petite Pivoine.- Encore pire. Et, autant te le dire tout de suite, ils ne l'ont pas très, très bien pris... en fait, ils m'ont même craché au museau, ils m'ont traité de...Sa voix avait semblé se briser légèrement à ce moment-là, mais il avait continué :- De traître à ma race, de moins que rien, ils m'ont dit que par ma soumission aux Bipèdes, je m'étais montré indigne de mon sang...- Quel sang ?- C'est une expression, ma petite boule de poils. Ils voulaient dire par là que je n'avais pas honoré la lignée d'Étoile de Feu. Je ne t'ai jamais dit qu'Étoile de Taches était ma sœur aînée ? Notre père était Étoile de Braise, le précédent chef.- Nan ? C'est vrai ? C'est ta grande soeur, cette vieille chouette grincheuse d'Étoile de Taches ? " avait ri Petite Pivoine.- Eh bien, euh... oui. Je ne t'ai jamais dit que j'étais fils de chef ? Si j'avais été l'aîné d'Étoile de Taches, si ma portée était venue avant la sienne, ça aurait été moi, l'héritier du promontoire ! Je serai même devenu chef à sa place ! Tu m'imagines chef, ma petite boule de poils, moi, franchement ?Et il avait éclaté de rire, de son fameux rire qui n'appartenait qu'à lui, ce rire communicatif, qui faisait rire tout le monde autour de lui. Petite Pivoine avait ri avec lui. Son père, chef ? C'était vraiment la meilleure de l'année !Mais, une fois leur énième - et dernier- fou rire commun terminé, son père avait continué son histoire :- Bref, où en étais-je ? Ah oui. La partie la moins reluisante... ils m'ont dit que je valais moins qu'un chat domestique en acceptant de porter le collier de la servitude dégradante autour du cou et en acceptant de ramper aux pattes des Bipèdes, que je n'étais pas digne d'être le descendant d'Étoile de Feu, et... je te jure que je me suis battu comme un lion, mais ils étaient plus nombreux, et plus forts ! Ils ont réussi à me traîner dehors et à me ramener de force au Clan. J'ai bien essayé de m'enfuir pour retourner là-bas, mais... crotte de souris, j'ai encore mal au derrière rien qu'en me rappelant la raclée qu'ils m'ont mis quand ils m'ont retrouvé en train d'essayer de me faufiler près de la ville !Petite Pivoine avait maintenant compris à que son histoire n'était pas inventée. En revanche, pour la partie fils de chef, il avait encore quelques doutes... jusqu'à ce qu'il se dise que ça expliquait parfaitement la flamboyance et l'éclat si particulier de son pelage roux.- Je suis resté au Clan jusqu'à maintenant. Peu à peu, ils m'ont moins surveillé. J'ai fait mine d'avoir oublié cette période de ma vie, mais je n'ai rien oublié, jamais. Je n'ai toujours eu qu'un seul rêve : retourner là-bas. Mais quelque chose m'en a empêché...- Quoi ?- Toi. Avait répondu tendrement son père. Toi, ma petite boule de poils. Ta naissance.Il avait pris une grande inspiration à partir de là :- Mais maintenant, tu es grand. Tu me ressembles. Tu n'as plus besoin de moi, tu es un grand garçon. J'aurais tellement aimé que tu me suives jusqu'à chez les Bipèdes... mais tu es encore trop petit et trop frêle, tu ne supporterais pas le voyage. Je ne peux plus supporter la pression de ce Clan, je dois partir. Mais sois-en sûr, je ne t'oublierai jamais, ma petite boule de poils.Petite Pivoine en était resté atterré.- Tu pars, papa ? Mais... mais...Les larmes lui étaient monté aux yeux. Son père s'était alors dirigé vers sa litière, évitant de croiser son regard, sans doute parce qu'il avait peur de pleurer, lui aussi, et il l'avait déplacée de quelques coups de museau. En dessous de sa litière de mousse et de plumes, il y avait quelque chose... un morceau de tissu rouge.- Tiens. C'est pour toi. lui avait-il dit tendrement. Prends-le, je te le donnes. Tu te rappelleras de moi, avec ça. C'est le seul souvenir que j'ai ramené de chez les Bipèdes. Un morceau de mon collier.Petite Pivoine avait touché cette petite chose, cette matière si étrange, si douce...- C'est mon porte-bonheur. Je l'ai toujours caché aux autres, ils me l'auraient pris si ils avaient su d'où ça venait. Fais-en autant, et garde-le en souvenir de moi.Petite Pivoine n'avait pas pu s'empêcher de renifler.- Je veux partir avec toi... " avait-il balbutié maladroitement.- Non, tu ne peux pas. Tu as à peine ouvert les yeux, tu n'es jamais sorti de la pouponnière, un aussi long trajet, ce serait une mort assurée, pour toi. Je veux que tu restes.Son père semblait plus déchiré que jamais.- Mais, n'oublie pas : je ne t'abandonnes pas, ma petite boule de poils. Je t'aime.Il lui avait alors dit après lui avoir léché la truffe :- Souviens-toi : si un jour, tu ne tiens plus, dis-toi que quand tu te sentiras prêt, tu pourras partir d'ici et me rejoindre.- Je p-partirai d'ici dès le jour de mon baptême de guerrier ! Avait sangloté Petite Pivoine. Je t-te rejoindrai, c'est promis !Son père avait poussé un deuxième soupir :- Peut-être que non. Peut-être que, d'ici là, tu m'auras oublié, que tu auras trouvé ta place ici, dans ce Clan...Et il avait murmuré, si bas, si bas, que Petite Pivoine l'avait à peine entendu :- Mais si tu es comme moi, j'en doute.Petite Pivoine se rappelait encore chaque mot de cette conversation. Il se rappelait du soir-même de leurs adieux, quand le Clan avait découvert la disparition de son père, quand il avait dû faire semblant de n'être au courant de rien... et il avait toujours gardé précieusement ce petit bout de tissu rouge sous sa litière. Ce tissu portait l'odeur de son père. Et rien que pour ça, il était plus précieux que tout au monde.Cette nuit-là, il pleura autant pour Nuage de Flamme que pour son père. Il pensait à son ami, sacrifié injustement pour le Clan, si jeune... et il se promit de ne jamais les oublier.Ni son père, ni Nuage de Flamme.

Fanfic La Guerre des Clans - Balivernes et Bouillie pour les Chats DomestiquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant