Killian
Je l'ai fait exprès. Je savais que me rapprocher d'Olivia réveillerait Lyna, que ça ferait ressortir un côté d'elle qu'elle s'obstine à vouloir cacher aux autres. Et pour son bien, pour être aimée des téléspectateurs et, ainsi, pour rester en vie, il fallait que cette part d'elle se manifeste. Et c'est arrivé. En quelques minutes, elle a à la fois montré au pays entier que, quand elle le veut, elle peut mordre, et elle m'a offert la preuve de sa jalousie. Ça devrait me soûler qu'elle soit jalouse. Mais, bizarrement, j'ai adoré ça. Et j'ai encore plus aimé la manière dont notre engueulade a tourné en quelque chose de beaucoup plus... sensuel. Mais jamais je ne lui avouerai. Jamais.
Pas par soucis de fierté, non, loin de là. J'aurais même bien voulu le lui dire, juste pour voir son air gênée adorable. Ça m'aurait fait marrer. Mais le problème, là, maintenant, est bien plus important.La porte s'est refermée sur Salomé, qui supplie encore. Je ne la connais pas personnellement, mais j'ai vraiment de la peine pour elle. Tout le monde sait que ce crétin de Marvin voulait la pousser à bout. Et il a réussi.
Rien que de voir le visage de Lyna déformé par le chagrin, suffit à me faire sentir mal.Depuis dix minutes, plus personne ne parle. Un quasi-silence règne dans la pièce principale. Seuls ses cris se font entendre. Ils déchireraient même un cœur de pierre tant ils sont suppliants et pleins de douleur. Je crois qu'on meurt tous d'envie d'aller ouvrir cette fichue porte. Silly et Lyna se tiennent la main depuis tout à l'heure. Du canapé d'en face, je me contente de regarde ce qu'il se passe autour de moi, en essayant autant que possible de faire abstraction des hurlements. Mais ils sont présents. Au bout d'un moment, je perçois du mouvement et tourne les yeux vers Lyna, qui vient de se lever. Elle commence à marcher vers l'escalier. Je devine instantanément ses intentions en voyant ses poings serrés; je contracte ma mâchoire, jure, et m'emploie à la suivre. Nous arrivons rapidement dans le couloirs. Les pleurs se font de plus en plus proches, de plus en plus insupportables. J'appelle Lyna. Elle ne se retourne pas et fait comme si elle ne m'avait pas entendu. Je me mets à marcher plus vite, me rapproche encore et encore. Jusqu'à son niveau. Elle n'a pas encore atteint la porte quand j'empoigne son avant-bras et la tire, de façon à la plaquer au mur le plus proche.
-Fais pas ça, la prévenu-je.
Elle tire pour que je la lâche, ce que je fais. Néanmoins elle reste en place.
-Tu peux pas m'en empêcher.
-Si tu lui ouvres, tu vas empirer les choses, Lyna.
Je jette un regard à la poignée, qui n'est ouvrable que de l'extérieur, et pas de l'intérieur.
-Je m'en tape, putain ! Ils ont qu'à m'éliminer, je m'en fous ! On va tous crever ici, et tu le sais. Alors aujourd'hui, demain, dans un mois, ça change plus rien.
Elle tourne les talons et fait face à la porte. Ses doigts sveltes se posent sur la poignée grise.
-Ça servirait à rien. Ils vont la remettre trois heures de plus et te punir en supplément. C'est ça que tu veux ?
Son regard bleu glisse jusqu'au mien.
-Je veux pas donner raison à ces monstres, Killian.
Je suis pratiquement sûr d'avoir d'autres arguments, mais à quoi bon ? Sa main se presse sur la poignée, et la porte s'ouvre. Le spectacle qui s'offre à nous est alors l'un des pires auxquels j'aie assistés.
Salomé est là, le visage enflé et mouillé de larmes, son mascara étalé sur ses joues, ses cheveux d'un noir intense et profond emmêlés comme si elle avait essayé de les arracher, ou quelque chose du genre. Quand elle nous voit, elle tombe presque au sol. C'est Lyna qui la retient, en la soutenant comme possible. Je vais vers elles, qui sont à genoux au sol, et pose une main dans le dos de Salomé.
-Ça va ?
Toujours en pleurant, son visage enfoui dans le cou de Lyna, elle secoue la tête. Lyna me fusille du regard. Elle était si conne que ça, ma question ?
-Il lui faut plus d'espace, suggère ma brune en aidant Salomé à tenir droite.
J'acquiesce et l'aide à la relever, puis à la faire marcher. Nous descendons les marches comme possible, et quand nous arrivons dans la salle principale, des chuchotements se font entendre. Mais personne n'intervient et nous sortons Salomé. Visiblement éreintée, elle nous laisse l'asseoir dans la pelouse artificielle. Lyna reste à côté d'elle pendant qu'elle reprend doucement ses esprits.
Lyna
-Ça va aller ?
Entre deux respirations, Salomé renifle.
Je n'ose même pas imaginer l'épreuve que ç'a dû être pour elle, et à quel point ça l'a affectée moralement. Je décide d'attendre qu'elle soit calmée avant de parler à nouveau. Son souffle est encore trop irrégulier. Les minutes passent, je garde ma main dans son dos. J'entrouvre les lèvres pour parler, quand cette voix que l'on connait si bien m'interrompt. Escape demande à ce que tout le monde se réunisse dans la salle. Salomé, déjà en meilleur état, arrive à se lever et nous nous y rendons ensemble. À notre arrivée, nous sommes (enfin, surtout moi) fusillées du regard des autres. Je ne leur accorde aucune attention et nous allons nous asseoir, toujours sur le même canapé. Silly prend Salomé dans ses bras pour la réconforter et lui apporter son soutien.
Dix-neuf personnes sont installées quand Escape reprend. Je suis nerveuse. Elle recommence son discours, nous redis que chaque infraction au règlement sera sanctionnée. Puis elle dit mon nom.-Lyna, il nous a été rapporté que vous avez ouvert la porte à Salomé, mettant volontairement et sans autorisation, fin à sa sanction. Qu'avez-vous à en dire, Lyna ? Avez-vous bien commis l'acte dont on vous accuse ?
-Nie tout en bloc, chuchote Salomé tout bas. Je dirai que j'ai réussi à ouvrir seule.
Mon cœur bat la chamade.
-Oui, c'est vrai. J'ai ouvert la porte.
-Si vous vous excusez, peut-être serons-nous plus clément avec vous. Avez-vous des regrets ?
-Aucun, dis-je emprunte à une assurance nouvelle.
-Bien, soupire-t-elle. Vous connaissez le règlement. Que choisissez-vous ?
Cette fois, j'hésite. Pas longtemps.
-Je... choisis l'affrontement avec une situation insupportable.
-Entendu. Nous vous laissons patienter, nous reviendrons vers vous dans quelques instants.
Elle se tait. Qui sait ce qu'ils sont capables de me faire faire ? Je n'ai moi-même qu'une vague idée de quelles sont mes peurs. Alors que je suis perdue dans mes réflexions, les doigts froids de Salomé entrent en contact avec ma peau. Par réflexe, je baisse les yeux vers la zone de contact et remarque que je serre tellement fort le poing que mes jointures sont blanches. Et je ne semble me rendre compte que maintenant de la douleur dans ma main. Je desserre mon poing et vois des traces rouges, marques de mes ongles. Je passe le pouce de mon autre main sur les entailles, peu profondes mais bien présentes.
Comme promis, quelque minutes plus tard, Escape fait son retour.
-Après mûre réflexion, deux nouvelles solutions s'offrent à vous.
Et là, je sais que ce qui m'attend est loin d'être agréable.
-Vous avez le choix: ou vous subissez, comme convenu, votre sanction, soit ce sont tous les autres qui devront en subir une.
-Pardon ? s'écrit Marvin. Mais c'est pas juste ! On a pas merdé, nous ? Pourquoi on devrait payer à la place de cette...
-Un mot de plus et vous allez regretter d'avoir ouvert la bouche, Marvin. Lyna, que choisissez-vous ? soupire Escape.
Et alors, révélation. Lorsque je reprends la parole, c'est d'une voix délibérément neutre et posée:
-Sanctionnez-moi.
Je veux pas donner raison à ces monstres.

VOUS LISEZ
Sex game - Plus qu'un jeu
Novela JuvenilUne télé-réalité où le sexe dirige et d'où on ne peut sortir vivant. Au départ, vingt participants tirés au sort, ayant entre dix-huit et vingt-cinq ans. Dix hommes, dix femmes, dix couples, deux gagnants, dix-huit morts. Le but, être aimé des télés...