Sex game - Plus qu'un jeu

Chapitre 34: Rupture

-Tu rêvais de quoi, cette nuit ?

Je profite qu'on soit dans un couloir sans caméras pour poser cette question à Killian. Il parlait tellement dans son sommeil, et j'ignore toujours à quoi tout cela faisait référence. Y compris cette fameuse "Amélia".

-Hum ?

-Tu parlais, l'informé-je.

Il semble réellement surpris.

-Et je disais quoi, exactement ?

  Je fouille dans ma mémoire et lui redis tout ce dont je me souviens. Puis il fronce les sourcils et m'indique qu'il ne se souvient pas de ce dont il a rêvé. Mais il ment, ça se voit. Je ne vais pas insister, la dernière chose dont j'ai besoin, c'est qu'il se braque encore. Killian a des secrets, j'en suis convaincue. Il se livre à moi, mais tout dans ses réactions semble crier que ce n'est pas tout. Et j'ai une atroce envie qu'il me dise tout, qu'il me fasse assez confiance pour se confier totalement. Il va mal, et j'aimerais plus que tout pouvoir l'aider.
  Il se racle la gorge.

-Tu voulais rejoindre qui, déjà ?

-Silly. Je crois qu'elle s'est engueulée avec Salomé... à propos des appels.

Il acquiesce, et m'informe que de son côté, il va aller à la salle, et qu'il est d'ailleurs déçu de ne pas pouvoir me faire souffrir sous le sport aujourd'hui, mais il ajoute que ce n'est que partie remise.
Quand je retrouve Silly, elle est allongée sur son lit (enfin, son ancien lit, puisqu'elle a désormais une couple's room avec Salomé), et quand j'entre, une caméra s'oriente directement sur moi. Je m'approche d'elle et m'assoie au bord du lit.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Camille est venue me dire que Silly était dans un sale état, alors je me devais de venir. Et elle avait raison; son teint est plus pâle que d'habitude et elle a des petites cernes sous les yeux. On est l'après-midi, et pourtant, on croirait presque que je la réveille au milieu de la nuit.

-Rien.

Bah bien sûr. Sa voix est faible.

-Allez, pas à moi, soupiré-je. Raconte. Ça s'est si mal passé que ça, hier ?

Avec tout le mal du monde, elle se redresse pour être à ma hauteur. Elle se frotte les yeux de ses mains menues.

-Je... on s'est quittées.

Une larme dévale sa joue, qu'elle essuie immédiatement.

-Quoi ?? Il va me falloir plus d'explications, là.

-Je lui ai laissé l'appel, commence-t-elle. Et j'ai regretté juste après. J'ai commencé à pleurer, elle comprenait pas, elle disait qu'il fallait pas que je le lui donne si je savais pas assumer les conséquences de ce que je fais... j'me suis énervée aussi... et on s'est quittées.

Cette fois, elle pleure vraiment. Je la prends dans mes bras, et elle s'agrippe à moi comme à sa propre vie. Je voudrais vraiment être émue, mais je n'y arrive pas. Je suis un peu sans émotion, là. Ses larmes sont tellement moins puissantes que celles de Killian. Et je me déteste de penser ça. Je m'efforce de la consoler autant que je le peux, mais la tâche s'avère compliqué. Elle pleurniche toute l'après-midi en rabâchant les mêmes choses. Elle me fait de la peine et j'aimerais l'aider, mais j'ai du mal à comprendre exactement ce qu'elle ressent, et elle est tellement au plus bas qu'elle balaie tous mes conseils. Je commence à me dire que j'aurais meilleur temps de seulement l'écouter en lâchant quelques interjections par moments. Silly, c'est de la gentillesse transformée en chaire. La dernière chose que je souhaite, c'est mal réagir, lui donner un mauvais conseil. Cela fait un peu plus d'une heure et demi qu'elle me parle, et elle commence à se répéter. Et elle pleure encore. Bon sang, pourquoi ses larmes ne me retournent pas la tête et le cœur, comme celles de Killian ? Je me sens plus mal à l'aise qu'autre chose, pour être honnête. Mais je fais de mon mieux, pour ne pas la blesser. Dans ce genre de moment, que ce soit avec des amis ou ma famille, je n'ai jamais su comment réagir. Habituellement, les sanglots me bloquent et je suis rapidement à court de mots. Pourtant j'essaie, de donner des conseils, d'être à l'écoute... En fait, j'ai jamais été le genre de fille à qui on se confiait. Ou du moins, pas en premier lieu. En général, on pensait toujours à parler à Théa. Théa était ma meilleure amie. "Était", car ça a un peu changé. Elle inspirait confiance de par son aspect de fille réservée et ses bons conseils. Moi, j'étais celle avec qui on rigolait, alors je comprends qu'on ne se confie pas à moi. Ou du moins, j'en ai l'habitude. C'est pour cela qu'aujourd'hui, avec Silly, je n'y parviens pas. Je n'arrive pas à l'écouter comme je devrais le faire et à lui transmettre quelque conseils que ce soit. Lorsque Camille arrive et se propose pour "prendre le relais", je me sens coupable mais lui laisse la place. Et je me déteste, aussitôt que je suis sortie, de ne pas avoir su aider Silly. mais je présume que la compagnie de Camille lui sera davantage bénéfique que la mienne. Aujourd'hui, la maison est plus bruyante que d'habitude. J'imagine que ce sont là les conséquences d'hier soir. J'ai cru entendre à certains moments le son d'un verre que l'on aurait jeté contre un mur. Et je ne peux m'empêcher de penser que ça y est, ils ont eu ce qu'ils voulaient: nous vivions presque en harmonie, et ils ont tout détruit. En une seule soirée, ils ont semé la zizanie entre les habitants.
J'ignore l'heure qu'il est quand je débranche le casque de Salomé de son ordi, et qu'elle me regarde d'un regard étonné et mauvais.

-Eh !

Elle commence à rebrancher son câble.

-S'il-te-plaît, l'incité-je.

-Rahh, qu'est-ce qu'il y a ? grogne-t-elle en déplaçant son casque sur sa nuque.

Je ne sais pas si je fais bien d'être là, mais elle est vraiment trop inexpressive pour être indifférente à la situation.

-Tu sais que Silly n'a pas dormi de la nuit à cause de votre dispute ?

Elle râle un "oui".

-Et tu n'as pas l'air d'avoir fait mieux.

Mon regard dévie sous les cernes qu'elle a, semblables à celles de Silly.

-Et alors ? Cite-moi une seule personne dans cette foutue baraque qui ait dormi plus d'une heure cette nuit ?

-Killian, réponds-je après une courte réflexion.

-Grand bien lui fasse, dit-elle en commençant à remettre son casque.

-Je veux pas me mêler de vos histoires, continué-je, c'est vraiment pas mes affaires. Mais vous êtes mal toutes les deux, là. J'apprécie beaucoup Silly, et toi tu sais que je t'admire. Je sais que t'es pas assez naïve pour laisser la production gagner en coupant les ponts avec Silly. Et je ne vais pas te dire ce que tu devrais faire: je crois que tu le sais déjà. Mais s'il-te-plaît, réfléchis-y à deux fois avant d'effacer une histoire qui pourrait être putain de belle.