Sex game - Plus qu'un jeu

Chapitre 1: Le jeu (suite) -Lyna

"Ça n'arrive qu'aux autres"

On sait tous à quel point il est idiot de penser ainsi. Et pourtant, on est un bien grand nombre à se surprendre, ces quelques mots en tête. On peut pas s'en vouloir, au fond. C'est vrai que c'est rassurant, de se dire "ça n'arrive qu'aux autres". Jusqu'au fameux jour où nous devenons les "autres". C'est ça qui me fait peur. Devenir les autres. Et en cette période plus que jamais. C'est la troisième année que mon nom est sur la liste des potentiels candidats à ce que je juge comme étant le ramassis de connerie le plus énorme n'ayant jamais existé.
Le sex game.
Rien qu'au nom, on se dit "ouais, y a un problème".
Rien que le nom ne me plaît pas. Alors les règles, encore moins. Qui a été assez con pour inventer un principe tel que celui-ci ? Probablement un pervers désœuvré.

-Lyna ! crie ma mère à travers l'appartement. Viens mettre la table !

Je referme mon ordinateur portable et marche d'un pas las jusqu'à la cuisine. Ma mère y prépare de la ratatouille. Génial... je sors alors des assiettes à soupe et commence à les placer sur la table du salon. Le JT passe à la télé. Quand j'entends "sex game" je lève les yeux vers le téléviseur. C'est bientôt... ils vont tirer les vingts candidats de cette année d'ici une dizaine de minutes. Je sens mes mains devenir moites à cette idée. Et si cette année, je n'y échappais pas ? Tous les ans ça me hante. J'ai peur de ne pas faire partie de ce lot de personnes qui atteindront leurs vingt-six ans. En soit, ils sont très nombreux, mais je sais pas, c'est humain d'avoir peur, je crois. Je me reprends et continue d'installer la table en silence. Je suis ridicule. Vraiment ridicule. C'est plus fort que moi.

Six minutes. Dans six minutes, soit je serai rassurée de passer une année sereine, soit je partirai vers l'inconnu. On se doute un peu tous que les éliminés sont tués ou un truc du genre. Peut-être le saurai-je, peut-être pas.
Quatre minutes. Ma mère et le reste de ma famille sont réunis dans le salon. Eux sur le canapé, et moi à l'écart, debout vers la table, me rongeant l'ongle du pouce en essayant en vain d'évacuer le stress. L'odeur des légumes embaume l'espace, seul côté rassurant et familier de la situation.
Quand le présentateur annonce enfin que le tirage au sort va débuter depuis la capitale, ma mère entoure la main de mon père de la sienne. Je suis la seule de ma famille susceptible d'être choisie ce soir. Je ne suis pas la seule à être dans un stress incommensurable quand une main dite "innocente" clique sur un bouton censé tirer le premier prénom.
À son entente, je soupire: un garçon sans-doute d'une autre ville.
Plusieurs tirages passent. Il ne reste désormais plus que quatre candidats à choisir. Le stress est à son comble.
Et là, la voix monotone d'un homme le dit.

Lyna Clarke.

Mon monde s'écroule à ce moment précis.