XII ~ Fin ~

37 14 5
                                    

   Le temps passait sans même que nous nous en rendions compte : une semaine, un mois, six, sans pouvoir l'arrêter... L'année d'après, Tristan m'avait présentée à ses parents, et moi aux miens : chacun avait bien pris la nouvelle. J'avais donc décidé de rester avec lui malgré ce constant léger malaise qui opérait entre nous, mais c'était ainsi.
   Quelques années après encore, nous en vînmes à parler d'enfants : la trentaine était le bon moment pour en avoir, disait-on souvent, et j'avouais avoir attendu cela impatiemment. Naquirent un garçon, Théo, et cinq ans plus tard, des jumelles : Lucille et Ezra.
   Malgré le travail supplémentaire et la fatigue, je n'échangerais pour rien au monde le fait de pouvoir observer leurs visages, écouter leur rire, pouvoir les serrer dans mes bras et les réconforter : je vouais à chacun un amour inconditionnel. Désormais femme au foyer, je passais la majorité de mon temps à leurs côtés : même s'ils pouvaient former un véritable trio diabolique, comme je les aimais ! Si je les grondais, je les enlaçais plus encore après et leur donnais de long baisers sur le front et les joues.
   Finalement, je me rendis compte que j'avais été une adolescente calme comparée à Théo : malgré tout ce que nous lui répétions, il refusait de travailler et préférait jouer aux jeux vidéos. Nous avions beau lui parler de son avenir, autant professionnel que relationnel, il n'en avait que faire. Plus d'une fois, il prit des crises de colère lorsque nous tentions de lui retirer sa console ; que faire ?
   Peu après ses dix-huit ans, nous le forçâmes à se trouver un travail ; sans diplôme, il ne fallait pas s'attendre à plus haut que caissier.
   Comme je l'avais fait, il me présenta un jour une jeune femme, puis d'autres : il ne trouvait pas encore celle qu'il lui fallait exactement, mais ce jour arriva. Exactement sept ans plus tard, alors que les jumelles débutaient leurs études, respectivement en économie et en psychologie, leur frère venait de fonder sa famille.
   Je dus apprendre à être appelée "mamie" ou "grand-mère" ; ce n'était pas très valorisant, mais mes petits-enfants me regardaient avec de tels yeux que je n'y faisais guère attention. Lorsque je les recevais, assez rarement malheureusement, comme j'aimais les enlacer, les aimer, leur parler ! Pourtant, il fallut que ma routine soit brisée.
   Une douleur, une consultation, et une nouvelle impossible à annoncer à ses proches : comment leur expliquer ma prochaine mort tant bien même je refusais d'y croire ? Plus d'une fois, j'avais essayé, mais à chaque fois je divaguais ailleurs pour taire cet ignoble secret que Tristan gardait avec moi.
   Un jour, on comprit : la maladie vous creuse et laisse ses marques. Ce furent des cris de douleur, des pleurs, des sanglots, sans que je ne puisse rien faire pour l'en empêcher. J'avais essayé de leur sourire, de leur expliquer qu'il ne fallait pas craindre cet évènement, mais moi-même je n'y croyais pas.
   Je l'avais senti, ce jour. Le jour où mon corps cesserait de fonctionner. J'avais donc appelé ma famille que j'avais longuement enlacé, embrassé, le long de ces dernières heures...
   Alors que je sombrais dans un éternel sommeil, l'un de mes enfants me demanda si j'avais été satisfaite de ma vie. Je me contentai de sourire, une dernière fois faussement, pour le rassurer : si je pouvais revenir en arrière, j'aurais explicité mes pensées pour ne pas subir, j'aurais parlé, je me serais exprimée, j'aurais pris les commandes comme les autres, et j'aurais vraiment vécu : il fallait penser à soi et non pas aux autres pour goûter la joie de vivre.

~~~

Voici la fin de notre histoire !
J'espère que vous aurez compris les morales de l'histoire :
Je ne vous prescris pas d'être égoïstec'est un défaut terrible – mais bien de savoir penser à soi, se faire plaisir, et de ne pas toujours se donner aux autres :)
Ainsi, sachez ne pas toujours vous forcer pour les autres, et l'exprimer : c'est toujours difficile de parler à quelqu'un, pour différentes raisons, mais on vous écoutera toujours, et on vous aidera, alors osez. Preuve ? Imaginez qu'une de vos – ne serait-ce – connaissances veuille se confier ; est-ce que vous l'écouteriez avec attention ?
Je vous laisse méditer là-dessus :)
Merci encore d'avoir lu mon histoire, j'espère qu'elle vous aura plû ! 😊

12 (faux) Sourires | TERMINÉE |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant