L'An 8 après Dieu, Morale

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  L'An 8 après Dieu, l'année de la morale 

 Le problème aujourd'hui n'est pas l'énergie atomique, mais le cœur des hommes.

Albert Einstein

  Le Dr Barnabé Holley était en train d'examiner une phalange fossilisée quand quelqu'un frappa à sa porte. Il n'y prêta pas de suite attention, croyant qu'il s'agissait d'un tour de son imagination, car il n'attendait personne et qu'il n'avait plus eu de clients depuis déjà quelques années. Mais quand la personne derrière la porte insista, il se releva nonchalamment et se dirigea vers la porte d'entrée qu'il ouvrit avant de se figer sur place.
Un homme, âgé d'une trentaine d'année, avec une moustache parfaitement brossée, habillé d'un pull-over brun, le regardait en souriant et en lui tendant la main.

- Bonjour, Dr Holley, lança-t-il avec excitation. Je me présente, je suis ...
- Le Professeur Caul
, l'interrompit Barnabé en se renfrognant. Je vous ai déjà aperçu plusieurs fois.
- Ho, vous pouvez m'appelez Aldebert !
répondit-il en tendant toujours la main.
- Et qu'est-ce que vous me voulez ? demanda Barnabé Holley d'un ton irrité, sans même daigner accorder un regard à la main du professeur.
- J'ai lu vos articles sur la Renaissance des Pokémon fossilisés et je voulais vous poser des questions sur votre fameux projet avec Devon Corporation pour tenter de...
- Fichez le camp !
l'interrompit Barnabé Holley avant de claper la porte avec violence, laissant un professeur passablement étonné sur le pas de sa porte.

Le Dr Barnabé Holley enrageait intérieurement en se redirigeant vers son bureau. Le Professeur Caul était arrivé à Argenta voici quatre ans pour superviser l'implantation d'un Centre Pokémon dans la ville. Il l'avait quitté l'année suivante et, à ce jour, tout Kanto disposait de ces fameux Centres et les autres Régions commençaient à s'en doter, petit à petit. Mais ces établissements de soin hors du commun avaient eu un impact tout-à-fait improbable sur des personnes telles que le Dr Holley. En effet, autrefois, la principale source de revenu de Barnabé et sa famille venait des soins qu'il prodiguait aux Pokémon des dresseurs de passage à Argenta. Chaque ville et village avait son médecin spécialisé dans les Pokémon, autrefois. Mais à chaque fois qu'un centre s'installait, l'un d'eux faisait faillite. En effet, pourquoi préférer payer pour faire soigner ses Pokémon et attendre que ceux-ci se rétablissent alors que les Centres les remettent à nouveau sur pied dans un délai extrêmement rapide et ce gratuitement ?

L'arrivée à Argenta de ce Centre Pokémon avait signé le début de la déchéance de la famille Holley. Ayant rapidement perdu ses clients, Barnabé dû se recycler en guide touristique pour le Mont Sélénite, qu'il connaissait comme sa poche. Malheureusement, ce nouvel emploi ne pouvait plus leur garantir le rythme de vie qu'ils avaient avant. Sa femme finit par tomber malade. Elle était morte l'année dernière et, depuis, Barnabé vivait seul avec son fils, Isaac, âgé de huit ans.

De l'autre côté de la porte, Aldebert Caul réfléchissait. Il ne comprenait pas bien la réaction du Dr Holley. Il voulait juste se renseigner sur les avancées de Devon au sujet de la procréation des Pokémon préhistoriques, et sachant que le Dr Holley collaborait avec la société d'Hoenn, il s'était dit qu'il aurait de quoi satisfaire sa curiosité. Mais il n'avait pas anticipé l'antipathie de l'homme. Il retourna au Centre Pokémon où l'attendaient Dorothéa Crowfoot et Julie Dreyfuss, une amie d'enfance de cette dernière, qu'elle avait engagée pour les aider à inspecter leurs différents établissements. Celles-ci étaient en train de partager un pain aux raisins quand il entra dans le bâtiment.

- Ça ne s'est pas bien passé, c'est ça ? demanda Dorothéa en voyant le visage défait de son ami.
- Il a refusé de me parler, répondit Aldebert en prenant place à côté d'elle.
- Pourquoi donc ? s'étonna Julie Dreyfuss. Il vous a pris pour un vendeur à domicile ?
- Je ne pense pas, il a eu l'air de me reconnaître... Il a dû me voir du temps où je supervisais cet établissement.
- Ou il t'as vu à la télé avec Higgs
, proposa Dorothéa avant de mordre à pleines dents dans sa pâtisserie préférée. Tu lui as dit quoi ?
- Juste que je voulais me renseigner sur les avancées de Devon
, dit Aldebert en saisissant à son tour un pain aux raisins.
- Il a peut-être cru que vous faisiez de l'espionnage industriel pour la Sylphe Sarl, dit Julie.
- Allons, c'est ridicule... Même s'il est vrai que c'est Higgs qui m'a poussé à aller le voir personnellement quand nous avons parlé du sujet...
- Alors c'en est quand même un petit peu
, dit Dorothéa. Même si ça ne part pas d'une mauvaise intention de ta part, ajoute-t-elle précipitamment.

Pour mieux organiser les Centres Pokémon, l'ami d'Aldebert et de Dorothéa, le Professeur Higgs, avait en effet décidé de fonder une entreprise, du nom de Sylphe Sarl. Basée à Safrania, la Sylphe, outre la supervision des Centres, investissait dans bien des domaines de recherches scientifiques. Elle commençait à s'imposer de plus en plus sur les marchés du monde entiers, se spécialisant de plus en plus sur le matériel des dresseurs. Ils avaient déjà mis quelques fois des bâtons dans les roues de la société Devon, leur principal concurrent.

- De toute façon, il refuse de me parler, dit Aldebert en soupirant.
- Al', tu ne vas pas te laisser abattre aussi facilement, quand même ! s'exclama Dorothéa. Un petit échec, c'est rien du tout, faut persévérer dans la vie !
- Mais il m'a claqué la porte au nez !
- Hé bien, t'as qu'à aller le voir à un endroit où y aura pas de portes !
proposa Dorothéa.
- Comment ça ?
- On s'est renseigné sur lui avec Julie pendant que tu étais parts. Il parait qu'il part de temps en temps seul au Mont Sélénites. Il est guide touristique d'ailleurs, mais il ne voudra sûrement pas te parler durant ses heures de travail, mais pendant son temps libre, t'auras tout le loisir de le questionner.
- Moui, pourquoi pas...
répondit Aldebert, pensif. Ça ne te dérange pas de continuer les inspections seule, alors ?
- Je suis avec Julie, je te rappelle
, dit Dorothéa en souriant. Puis on est des grandes filles tu sais, très professionnelles, tout ça tout ça.
- Bon, je vais m'arranger avec l'infirmière pour rester quelques jours ici, alors
, dit Aldebert en se levant de sa chaise, en fourrant le pain aux raisins dans la bouche.

Quand il fut assez éloigné de leur table, les deux femmes pouffèrent de rire avant de se taper dans la main en signe de victoire.

- Tu vois, je t'avais dit qu'on serait tranquilles pour notre rendez-vous demain avec ces charmants garçons d'Azuria, s'exclama Dorothéa en souriant.
- Tu as été géniale, répondit Julie.

Deus Ex MachinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant