L'an 54, Constat

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  L'an 54, l'année du Constat 

  Le progrès technique est comme une hache qu'on aurait mis dans les mains d'un psychopathe. Albert Einstein 

  Le bâtiment du département de la Justice de l'Etat de Kanto-Johto était basé à Celadopole. C'était là-bas que se réunissaient les hauts responsables en matière de Loi et de lutte contre tout type de criminalité. De la fraude fiscale aux faits violents, le Département avait toujours eu la réputation de ne rien laisser passer, d'être impitoyable. C'était aussi là-bas que se trouvaient toutes les archives du Département. Si les vieux documents étaient encore écrits, ils étaient de plus en plus numérisés et sécurisés pour que seules les personnes ayant une accréditation suffisante puissent y accéder.

Les personnes qui fréquentaient cet immeuble étaient de tous les bords. Grands avocats et Juges se côtoyaient, ainsi que les plus hauts responsables des services de police. On y retrouvait aussi de temps en temps des membres de la Police Internationale ou de l'armée, venus consulter des documents particuliers ou demander des autorisations. Mais tout ce petit monde était aisément reconnaissable en vue de leur accoutrement, des vestons et des tailleurs noirs, très strict, reflétant tout le sérieux derrière le travail qu'ils exerçaient.
Aussi chaque membre du personnel passant ce matin-là au troisième étage, et plus particulièrement dans une des petites salles d'attente, adressait un regard mêlant surprise et rejet aux personnes qui attendaient là.

Le Major Campbell était vêtu d'un T-shirt blanc à courte manche, ainsi que d'un short rouge, qui lui donnait plus l'air d'être moniteur dans un camp de vacances que militaire. Il portait d'ailleurs une paire de lunettes de soleil sur la tête, qui cachait à merveille son état de profond sommeil. A sa gauche, le lieutenant Fleming était rouge de honte et cachait son visage dans son grand bonnet rayé jaune et vert. Elle était déjà venue plusieurs fois ici lorsque son grand-père était Ministre et les regards désapprobateurs envers son allure la mettaient particulièrement mal à l'aise, alors qu'elle était pourtant parvenue à vaincre son attachement aux tenues réglementaires. De l'autre côté du Major endormi, Elodie était assise en tailleur, fixant du regard un tableau qu'elle essayait de décrocher à distance à l'aide de ses pouvoirs télékinésiques. Elle s'était faite une nouvelle colo pour avoir ses cheveux noirs Corboss. Isaac, lui, était en train de lire une sorte de manuel, accoudé sur ses propres genoux, lui donnant un air de bossu. Aldebert, enfin, sirotait un verre de Soda sur glace qu'il était allé se procurer au Centre Commercial avant de venir. Il était le seul à avoir fait un petit effort en mettant un nœud papillon rose. Il s'agissait en réalité d'une plaisanterie avec Stephen au sujet de leur dernière affaire, et il avait tout bonnement oublié de le retirer. L'écrivain, quant à lui, s'était absenté pour retrouver sa femme à Safrania.

Ils étaient là depuis près d'une demi-heure quand, enfin, un homme ouvrit une porte et appela le Major Campbell. Ce dernier ne réagit pas de suite, et il fallut que Naomie lui donne un coup de coude pour qu'il daigne se réveiller. Lorsqu'il comprit enfin ce qu'il se passait autour de lui, il se leva en sursaut et proposa au reste de l'équipe de le suivre, ce que ces derniers étaient déjà en train de faire. L'homme qui les avait appelés les observa un instant du même regard désapprobateur que les autres fonctionnaires, mais ne dit rien et s'écarta pour les laisser entrer dans le bureau de son supérieur, le Ministre et Colonel Marcus Cornell.

Ce dernier semblait très concentré sur un document. Il releva néanmoins la tête lorsqu'il les entendit arriver et leur adressa un sourire accueillant. Cependant, en apercevant le Major Campbell, son expression changea subitement. Il se renfrogna et se leva en fusillant son ancien lieutenant du regard.

- Qu'est-ce que c'est que cet accoutrement, Major ? rugit-il en guise de bienvenue.
- Colonel, désolé, Colonel ! répondit Billy en se mettant rapidement au garde-à-vous. Nous n'avons pas eu le temps de nous changer depuis notre mission à Alola, Colonel !
- Et depuis quand réalisez-vous vos missions sans l'uniforme adéquat ?
le réprimanda le Ministre d'un ton dur. Vous décrédibilisez l'Armée et vous me décrédibilisez moi, en tant que votre supérieur ! Et qu'est-ce que vous apprenez aux recrues, avec ça ?

Naomie, qui s'était elle aussi mise au garde-à-vous, semblait toute stressée. Elle se sentait comme un enfant pris en faute. Les autres regardaient la scène sans rien dire, même si Elodie avait actuellement beaucoup de mal à ne pas éclater de rire. Aldebert, enfin, semblait s'être rendu compte qu'il portait encore son nœud papillon et tentait de le retirer discrètement après avoir déposé son Soda sur le bureau du Colonel.

- Colonel ! Ça n'arrivera plus, Colonel ! clama Billy d'une voix forte.
- Heureusement que personne ici ne sait que j'ai été votre supérieur pendant des années, grommela-t-il. Je serais devenu la risée de mon propre Département...

Il se rassit et montra trois sièges aux non-militaires, pour qu'ils s'y installent. Le Major et le Lieutenant restèrent quant à eux debout, droits comme des piquets.

- Outre cela, je suis ravi de vous revoir, Professeur Caul, Mademoiselle Ross, Monsieur Holley... Si je vous ai convoqués ici, ce n'est pas seulement pour réprimander le Major mais bien pour vous parler de votre prochaine mission.

Tous approuvèrent d'un signe de tête. Même si c'était la première fois qu'ils étaient convoqués ici, la plupart de leurs missions leur étaient expliquées lors d'une entrevue avec un Ministre ou un haut gradé d'un certain Département. C'était une méthode un peu vieillotte mais qui garantissait souvent l'aspect confidentiel de leur travail. Le Colonel déposa plusieurs documents sur son bureau, afin qu'ils puissent les observer librement. Il s'agissait, pour la plupart de photos et d'extraits de caméra surveillance, ainsi que des listes de noms.

- Voici le Professeur Neville, dit-il en pointant du doigt une photographie d'un homme d'une quarantaine d'année, qui abordait un visage carré et froid, aux yeux bleus et aux cheveux noir, coiffés en une queue de cheval. C'est un ancien membre du groupe terroriste Team Plasma, qui a œuvré il y a quelques années à Unys.
- Ceux qui exigeaient la libération des Pokémon ?
demanda Isaac.
- Ceux-là même, confirma Marcus Cornell. Le groupe est tenace et a été démantelé à deux reprises mais nous ne pensons pas que le Professeur Neville en fasse encore partie.
- Et en quoi notre équipe est-elle sollicitée ?
demanda Elodie, interrogateur.
- Notre fugitif a été aperçu à Safrania ces derniers jours, continua le Colonel. Et pas pour y prendre une tasse de thé. En trois jours, il est le suspect principal de pas moins de 7 tentatives de meurtres, dont 4 réussies.
- Ouille, effectivement, ce n'est pas un rigolo
, dit Aldebert.
- Je ne vous le fais pas dire. Les noms de ses victimes se trouvent sur cette liste et ceux qui ont survécu sont sous surveillance policière H24.
- Mais en quoi pouvons-nous aider ?
questionna Isaac. Vous n'avez pas des équipes de police pour ce genre de chose ?
- Si, et ils sont sur le coup. Ce qui nous intéresse, c'est ceci.


Il prit une des photos et la tendit à l'informaticien. Ce dernier la rapprocha de son visage, tandis qu'Elodie et Aldebert se penchaient pour la voir aussi. Sur celle-ci, on pouvait voir le Professeur, armé d'une curieuse lance, debout sur une sorte de grosse planche de surf violette. Cet étrange équipement semblait doté d'un petit réacteur qui lui permettait de flotter à environ un mètre du sol à en croire l'image.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda Isaac, interdit.
- C'est à vous de me le dire, répondit le Colonel. Il a avec lui un équipement assez spécial, et c'est pour examiner ce dernier que je compte sur vous. Et si en plus, vous nous aidez à le capturer, ce sera parfait !
- Un instant, Colonel...


Aldebert s'était vite désintéressé de la photo, au contraire d'Elodie qui semblait obnubilée par la curieuse machine. Il avait tendu le bras pour reprendre son verre de Soda quand il avait remarqué un détail sur la liste des victimes du Professeur Neville. Il s'en était donc saisi à la place, pour la regarder de plus près, confirmant ses doutes. Le Ministre le fixait, lui aussi, comprenant que le vieil homme avait mis le doigt sur un détail des plus importants...

- Quand comptiez-vous nous dire que toutes les victimes du professeur Neville... travaillent pour la Sylphe SARL ? 

Deus Ex MachinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant