L'an 41 après Dieu, Spores

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  L'an 41 après Dieu, l'année des spores  

  La vie c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre  

Albert Einstein

  Lorsque Stephen Shelley descendit de son bus, il dut mettre sa main au-dessus de ses yeux, afin de ne pas être ébloui par le soleil qui brillait de mille feux. Il n'y avait guère de nuages à l'horizon et le temps était particulièrement agréable. C'était une belle après-midi qui s'annonçait. Pourtant, il n'y avait quasiment personne dans les rues de Pétale Town, un petit village de Johto qui comptait à peine une quarantaine d'habitants. L'écrivain était surpris de ne pas voir d'enfants jouer ou d'adultes se promener pour profiter de cette belle journée. Peut-être travaillaient-ils tous à cette heure-ci ? Stephen lui-même n'était pas venu pour admirer les nombreuses fleurs qui ornaient le village, mais bien pour des raisons professionnelles. Il attrapa sa petite valise d'une main et se rendit à l'adresse que Dimitri Mendel lui avait fournie par Pokématos quelques jours auparavant.

Stephen Shelley n'avait jamais vu une ville aussi fleurie que Pétale Town. Il y avait partout des bacs remplis de fleurs colorées et parfumées. Par endroit, on avait essayé de dessiner des Pokémon en alliant différentes fleurs, bien que le résultat soit certainement plus réaliste vu des toits. Stephen ne fut pas surpris de voir quelques Joliflor et Herbizarre se balader dans les rues, en toute liberté. Dans un village où les fleurs avaient autant d'importance, ces Pokémon étaient bien à leur place. Mais cela rendait d'autant plus intriguant l'absence de personnes en dehors. N'y avait-il pas même un jardinier pour s'occuper de tout ça ? Ou même une femme au foyer pour arroser ses fiertés colorées ? Par temps pareil, Safrania aurait été presque invivable tant il y aurait eu du monde en dehors. Mais peut-être était-ce dû aux magasins de la grande ville, ce dont ne semblait pas disposer Pétale Town.

Sur son chemin, l'écrivain remarqua néanmoins la présence de quelques personnes. Mais ces dernières se trouvaient à l'intérieur de leur boutique et regardaient passer l'inconnu d'un regard mauvais depuis leurs vitrines. Peut-être n'appréciaient-ils pas trop voir débarquer chez eux un étranger ? Quoiqu'il en soit, Stephen ne se souciait pas d'eux. Il était juste là pour poser des questions à propos de quelques Pokémon Plante à son contact, et souhaitait le voir en action afin de mieux décrire dans son prochain livre comment l'un de ses personnages était censé s'occuper de son Rafflésia.

Enfin, il arriva à la maison de Dimitri Mendel, le Botaniste avec qui il avait été en contact. Celui-ci lui avait donné rendez-vous afin de répondre à ses interrogations déjà quelques jours auparavant, puis n'avait soudainement plus donné une seule nouvelle, mais lorsqu'il s'agissait de confirmer qu'il avait bien une chambre préparée pour Stephen. Comme il ne lui avait pas répondu, l'écrivain avait tenté de trouver une chambre d'hôte pas trop loin, mais la seule qui accepta de lui répondre se trouvait dans le village d'à côté. Il espérait donc que le Botaniste avait bien préparé de quoi l'accueillir, car il n'avait aucune envie de marcher jusque-là simplement pour dormir et repartir le lendemain.

Il frappa une première fois à la porte. Au bout de quelques minutes d'attente, il réitéra son geste. Comme personne ne venait lui ouvrir, il soupira et tenta de voir s'il pouvait apercevoir son hôte par les fenêtres. Mais c'était sans compter les rideaux, qui cachaient la vue des curieux. Laissant sa valise au seuil de la porte d'entrée, l'écrivain se mit à contourner l'habitation. Peut-être que le botaniste se trouvait dans son jardin ? Il fut surpris, une fois de plus, de voir que l'habitation ne disposait que d'un tout petit jardin, apparemment peu entretenu. Un comble pour un Botaniste renommé qui, de plus, habitait dans un village réputé pour ses fleurs. Mais, par chance, la porte de derrière n'était pas verrouillée. L'écrivain hésita quelques secondes puis, soupirant, attrapa la clinche afin de pénétrer chez l'homme qui, quelques jours avant, l'avait invité.

Stephen se trouvait maintenant dans la cuisine. Il faisait très sombre, car, là aussi, les rideaux cachaient le soleil. Aidé par la lumière qui s'infiltrait par la porte ouverte, il actionna l'interrupteur, allumant la lumière d'une lampe au plafond. Du pain rassis se trouvait sur la table, avec un pot de confiture ouvert, dans lequel s'invitaient de grosses mouches noires et bruyantes. Devant ce spectacle peu ragoûtant, l'écrivain regretta bien moins d'avoir pris une table d'hôte pour passer la nuit et, surtout, pour prendre le petit déjeuner. Il fit quelques pas et entendit enfin un autre son que celui des insectes qui festoyaient sur la table. On aurait dit quelqu'un qui dévalait les escaliers avec empressement. Soudain, il entendit quelqu'un proférer un juron, alors que des bruits de verre brisés s'ajoutaient à ceux qu'il entendait déjà. Sceptique, Stephen se rapprocha de la porte qui devait donner sur le corridor.

Mais avant qu'il ait pu l'atteindre, celle-ci s'ouvrit à la volée. C'était évidemment Dimitri Mendel, mais l'écrivain ne le reconnut pas immédiatement. Le botaniste était vêtu d'une chemise déchirée à de nombreux endroits, tout comme son pantalon, dont il semblait qu'on avait arraché les poches à la main. L'homme avait le dos voûté et regardait Stephen avec une expression mêlant colère et fatigue intense. Ses bras pendaient mollement le long de son corps et ses jambes semblaient trembler, le poil hérissé, comme s'il avait la chair de poule. Ses lunettes étaient cassées et glissaient dangereusement le long de son nez, dévoilant des yeux injectés de sang. Des gouttes de sueurs perlant de son front, il haletait, comme s'il venait de fournir un grand effort pour se tenir là.

Devant cette vision, l'écrivain fit un pas en arrière, pas très rassuré. L'homme l'observait sans rien dire, et Stephen lui-même était pris au dépourvu. Enfin, prenant son courage à deux mains, il déglutit et tenta d'engager la conversation.

- Dimitri Mendel ? demanda-t-il d'abord. Je suis Stephen Shelley, vous savez, le brillant écrivain ? Je ... hum... vous m'aviez proposé de venir et ...
- Aidez-moi... grogna le botaniste. Aidez ... moi...
- Heu... je veux bien, mais vous auriez peut-être plutôt besoin d'un méd...
- AIDEZ MOI TOUT DE SUITE !


Le botaniste avait dit ça en se jetant littéralement sur Stephen, qui esquiva de justesse. S'ensuivit une course-poursuite qui ressemblait plus à un jeu de touche pour enfant parodié par des adultes. Stephen se cachait derrière la table de la cuisine tandis que son opposant faisait le tour pour l'attraper. Comprenant que ça ne servait à rien, le botaniste finit par sauter sur la table. Il s'élança à nouveau sur Stephen, qui laissa échapper un cri de surprise et tomba durement en arrière sur le sol de la cuisine. Dimitri Mendel se tenait désormais sur lui et tentait d'étrangler le pauvre écrivain, tout en le mordant férocement au niveau des épaules. S'il n'avait pas eu le souffle coupé par l'étreinte, Stephen aurait sans doute rameuté bien du monde à l'aide de par son cri de douleur. Il paniquait de plus en plus, sentant que s'il ne faisait rien très vite, il n'allait pas tarder à être tué par son agresseur. Soudain, sa main qui tâtonnait par terre dans un ultime espoir attrapa le pot de confiture, tombé avec la table par l'élan du botaniste. Sans hésité une seconde, car le temps pressait, il écrasa le pot contre le crâne du botaniste, le brisant en plusieurs éclats de verre. L'homme cessa immédiatement de mordre et de serrer son cou et retomba, assommé.

Stephen se dégagea de là et se mit à fouiller la cuisine. Ne trouvant pas ce qu'il voulait, il attrapa néanmoins un couteau de cuisine, prêt à s'en servir si jamais l'homme reprenait ses esprits. Il se lança alors dans l'exploration de la maison. S'il avait été dans d'autres circonstances, l'écrivain se serait surement arrêté pour constater que, de bien des manières, la maison était très mal entretenue. Stephen finit par trouver la corde dont il avait besoin dans un placard et ligota Dimitri Mendel. Mais ce faisant, il remarqua aussi que le corps de son agresseur rempli d'ecchymoses et de coup bleus. Et puis il y avait aussi l'odeur, nauséabonde, comme si le corps du pauvre bougre était en pleine décomposition. Il était en si mauvais état que Stephen en eut des haut-le-cœur à plusieurs reprises. Lorsqu'il fut sûr de l'avoir suffisamment bien attaché, Stephen s'assit sur une chaise, l'observant avec un mélange de curiosité et de peur. Finalement, il attrapa son Pokématos. Il ne savait pas de quoi souffrait le botaniste, mais si quelqu'un pouvait le découvrir, c'était bien son vieil ami Aldebert. 

Deus Ex MachinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant