L'An 39 après Dieu, Union

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  L'An 39 après Dieu, l'année de l'Union  

  Ce qui reste éternellement incompréhensible dans la nature, c'est qu'on puisse la comprendre. Albert Einstein 

  Marcus Cornell regardait sa montre avec insistance. Il n'était pas en retard, et même un peu en avance. Il faisait chaud ce jour-là, aussi supportait-il mal le costume qu'il avait revêtu pour l'occasion. Il n'était pas encore habitué à porter de tels vêtements, ayant été conditionné pendant de nombreuses années au service sur le terrain et à des tenues de camouflage diverses. Mais depuis quelques jours, la situation avait changé.

Enfin, la secrétaire du Général Pasteur ouvrit la porte et adressa au militaire un sourire tout en hochant la tête, lui faisant comprendre qu'il pouvait venir. Il se leva précipitamment, suivi du Lieutenant Campbell. Remarquant que ce dernier le suivait, il se retourna et lui rappela qu'il s'agissait d'un entretien privé. Le jeune homme, qui était à peine âgé d'une vingtaine d'année, réprima une plaisanterie qui lui aurait valu d'être rapidement mis à terre par son supérieur et retourna s'asseoir.

Le bureau du Général Pasteur était plus petit que ce que Marcus avait imaginé. Il était plein d'armoires remplies à ras-bord de paperasses. Son Foretress était dans le coin de la pièce, visiblement endormi. C'était ce même Pokémon qui, lors de ses années d'instruction, en avait fait baver à toutes les recrues dans le Désert Délassant, ne leur laissant aucun répit dans ses tirs semblable à des coups de canon. Au sein de l'Armée, les exploits du Général et de son Pokémon étaient presque légendaires.

Le Général se leva pour aller lui serrer la main, le regard réjoui. Par cette chaleur, il avait décidé de se séparer de son costume et l'accueillait en chemise blanche. Une tenue certes plus confortable mais que Marcus aurait tout de même évitée par ce temps, se disait-il, le regard inexplicablement attiré par les traces de transpirations sous les bras de son Supérieur hiérarchique.

- Félicitations, Marcus ! lui lança-t-il en pleine poignée de main. Ou bien préférez-vous Colonel Cornell ?
- Comme vous préférez, Général
, répondit celui-ci, un peu gêné. Je tenais à vous remercier personnellement pour cette promotion que je n'avais pas vue venir.
- Allons, Marcus, vous la méritiez entièrement ! Tous mes collègues étaient d'accord et notre choix a été validé à l'unanimité par la Table Ronde. C'est un nouveau costume ?
- Acheté pour l'occasion, Général
, confirma le Colonel. J'étais habitué à travailler directement sur le terrain, mais je sais que ce nouveau grade me verra contraint de passer quelques heures sur du travail plus administratif.
- Hélas, oui, le terrain, c'était le bon vieux temps !
reprit le Général avec un air mélancolique. Vous et moi sommes passés par un parcours fort similaire, vous savez. Quand je pense que j'ai été votre instructeur ! Voilà qui ne me rajeunit pas !
- J'ai eu les meilleurs instructeurs
, confirma Marcus Cornell dans un sourire.
- Je n'en doute pas ! dit-il en éclatant de rire. Mais je pense que nos deux parcours vont cependant connaitre une différence de taille...

Le Colonel fronça les sourcils. Malgré le fait qu'il continue de sourire, cette dernière phrase prononcée par son ancien instructeur l'inquiétait presque. Le Général lui montra le siège qui faisait face à son bureau avant de s'asseoir à sa propre place. Le Colonel l'observa un léger instant, puis l'imita.

- Qu'entendez-vous par une différence dans nos deux parcours ? demanda-t-il en se renfrognant.
- Hé bien, avec la naissance de la Police Internationale il y a quelques années, de nombreux services sont créés chaque année. Certains ne survivent pas très longtemps, d'autres doivent être remaniées, etc. Et nous souhaitons vous donner la direction d'une équipe spécialisée.
- Pour quel genre d'enquête ?
demanda le Colonel, intrigué.
- Le genre d'enquête qui doit rester secrète aux yeux des citoyens, répondit le Général en soupirant.
- Comment ça, secrète ? répéta le Colonel en clignant des yeux.
- Il s'agit notamment d'enquêtes à caractère scientifique, précisa le Général. Il peut s'agir d'une technologie nouvelle, d'un mystère médical, ou même être lié à un Pokémon rare... En clair, des choses que nous ne maîtrisons pas et qui ne doivent en aucun cas parvenir aux oreilles de la populace, afin d'éviter une panique générale.
- Mais ce dont vous me parlez n'est-il par le ressort des différents Ministères ? La Gestion et les Soins me semblent appropriés dans certains cas...
- Et justement, vous serez amenés à travailler avec les Ministres concernés pour certaines de ces affaires. Cependant, votre autorité, si elle reste restreinte à l'affaire, sera d'égale valeur à celui des Ministères. Et en cas de litiges, ce sera à la Table Ronde de trancher. D'ailleurs, ce seront eux, et uniquement eux, qui décideront des affaires à vous confier. Si vous acceptez ce poste, bien entendu.
- Donc, vous voulez que je dirige un service secret de la Police Internationale...
résuma le Colonel.

Le Colonel Cornell semblait réfléchir intensément, pesant le pour et le contre. Cette idée de travailler dans le secret l'effrayait quant à la suite de sa carrière, mais le travail proposé semblait tout de même particulièrement excitant. Ses réflexions furent interrompues par un soupir du Général Pasteur.

- Marcus, il s'agit d'une opportunité à saisir, dit-il avec un air presque paternel. Ce poste est comme une corde supplémentaire à votre arc déjà bien fourni. Et vous ferez bien voir par les gros bonnets, si tant est que vous fassiez bien votre travail.
- Bon... alors j'accepte
, répondit Marcus en souriant.
- Excellent ! lança le Général. Je n'en attendais pas moins de vous ! Maintenant, si j'étais vous, je me dépêcherais de me trouver une bande de scientifiques avec qui travailler sur votre première affaire ! Voilà le dossier, je pense que vous comprendrez vite en quoi l'affaire est assez urgente.

Le colonel afficha un air surpris en se saisissant du dossier. Le nom de la ville de Cramois'île était écrit au feutre dessus, ce qui ne laissait rien présager de bon, en vue des dernières infos qui passaient au journal. Mais il y avait quelque chose d'autre qui inquiétait le militaire.

- Comment ça, trouver les scientifiques ?
- La Table Ronde réclame du sang neuf, aussi vous est-il autorisé de choisir vous-mêmes les personnes avec qui vous allez travailler sur cette première affaire ! Ils seront ensuite rapidement évalués afin de savoir s'ils seront bien aptes pour ce travail. Mais quoiqu'il en soit, c'est à vous de les trouver !
- M... mais...
- Allez, au revoir, Marcus !
lança le Général en se relevant. Je suis sûr que vous avez du pain sur la planche, là ! Puis dépêchez-vous, idéalement, votre équipe devrait être sur place dès demain !

Le Colonel se releva, l'air pataud, prenant soudain conscience de la charge monstrueuse de travail qu'il venait d'accepter. Il avait à peine quelques heures pour former une équipe compétente dans les sciences ! Et le nom de leur premier dossier ne faisait que rajouter de l'huile sur le feu !

En voyant l'air dépité de son supérieur, le soldat Campbell abandonné la plaisanterie qu'il répétait depuis quelques minutes et lui adressa un regard interrogatif. Le Colonel lui expliqua brièvement, mais clairement, la situation dans laquelle il s'était empêtré.

- Je n'ai aucune idée d'où trouver des scientifiques pour nous accompagner, conclut-il en soupirant.
- Si je puis me permettre, Colonel... commença Campbell en affrontant le regard dur de son interlocuteur, qui s'apprêtait à le faire taire en cas de blague, je crois que je connais justement trois personnes qui répondraient à ces critères...
- Vraiment ?
s'étonna Marcus. Je ne savais pas que tu connaissais tant de monde, Billy...
- Hé bien, on s'est juste rencontré une fois... Vous savez, c'était à Carmin Sur Mer, juste après notre rencontre à nous...

Deus Ex MachinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant