Stars [Terminée]

Chapitre 2

Assise devant mon sujet de maths, j'observe les énoncés. J'adore les maths. C'est concret. C'est pratique. C'est bien. Une fois que j'ai pris connaissance du sujet, je me mets à gratter le papier. J'enchaîne schémas, formule et résolution d'équations. Je termine, me relis, et regarde l'heure. Il me restait une demie heure. J'étais peut être allée un peu vite... 

Je relis ma copie trois ou quatre fois et, sûre de mes réponses, je rends ma copie au professeur, qui m'informe que je peux partir. J'ai encore vingt-trois minutes à tuer, alors je me rends en salle de travail. Je m'assois à un groupement de table et me mets à lire mes fiches de français. La sonnerie affreuse retentit dans mes oreilles et je m'excuse auprès de mes tympans pour leur infliger ça à chaque heure. Je me rends immédiatement dans ma salle de classe pour mon cours d'histoire géo. Encore une matière bien chiante. 

La prof nous interpelle avant que nous nous asseyons. 

-Aujourd'hui, changement de places... Eh oui, je sais, mais bon. On a décidé, avec l'ensemble des professeurs, de faire un remaniement complet de la salle de classe. 

Elle énumère les élèves en leur indiquant la place à chaque fois. 

-Tasha Lermain, je vous prie d'aller à la place contre la fenêtre, s'il vous plaît.

Je me dirige vers la place en question. Je bloque quand je vois la personne assise à côté de moi. Et je maudis les idiots qui ont décidé de ça. 

Lucas Cernon, le mec populaire par définition, le connard de service et enfin, le mec de Samantha, est précisément la personne à côté de laquelle on m'a placée. 

Dîtes moi que je rêve. 

Je m'avance et m'assois, en essayant d'éviter son regard braqué sur moi. 

Le cours a commencé et il me regarde toujours. Je finis par relever mes lunettes sur mon crâne et je le regarde.

-Qu'est ce qu'il y a? dis-je d'une petite voix.

Enfin, non, de ma voix normale quand je dois parler aux gens que je ne connais pas.

-Tu as du dentifrice sur la joue droite. 

Je me touche la joue droite, et j'ai effectivement du dentifrice, à en juger par la texture rugueuse d'une marque sèche sur ma peau. 

-Ah. Merci...

Je m'essuie la joue et me concentre sur le cours. 

J'ai mon casque sur les oreilles et je suis assise sur la balancelle de notre jardin. La musique classique m'aide, le soir. Elle me calme. Elle me permet de réfléchir. 

Mes pensées suivent le rythme de la septième symphonie de Beethoven. Une idée germe dans mon esprit. J'enlève mon casque, me replonge dans la réalité, monte dans ma chambre et saisis mon violoncelle pour me mettre dans mon fauteuil. 

Je place l'instrument et saisi l'archet. Je ferme les yeux et place ma main gauche sur le manche. J'appuie mes doigts sur les cordes et fais glisser l'archet sur celles-ci. Je joue du Vivaldi, l'été. Le concerto N°2 pour violon, que j'ai adapté au violoncelle. 

J'écoute les notes flotter dans mon cerveau, je ne réfléchis même plus à ce que je fais. Je joue, c'est tout. Mon corps bouge en rythme. 

Quand je rouvre les yeux, ma mère est assis sur mon lit, Ulysse à ses côtés. Terence est dans l'encadrement de la porte, à me regarder fixement.

-Ma chérie, c'était magnifique, dit ma mère.

-Oui, vraiment, c'était stupéfiant, murmure Terence.

-Quand je vois comme tu en joue, je me dis que j'aurais dû continuer le violoncelle, remarque mon frère.

Mon frère en a fait aussi, tout comme nous avons pris ensemble des cours de saxophone, mais lui, les instruments qu'il préfère sont le violon, la guitare et il aime bien chanter. Moi, j'ai beaucoup plus développé.

Si on y réfléchit, je suis assez polyvalente. J'aime dessiner, écrire, faire du théâtre, je fais du violoncelle, du piano, du saxophone, du chant, du tir à l'arc, et ce n'est pas fini... 

Heureusement que nos parents sont assez "aisés", parce que chaque instrument nous a coûté cher et mon arc m'a coûté trois mille euros. Alors bon... Voilà. 

J'arrive au lycée accrochée à mon frère, comme tous les matins. Comme tous les matins, je marche les mains serrées sur les bretelles de mon sac, et je me renfrogne. 

Je suis assise à côté de Lucas, comme d'habitude depuis que ces idiots de profs m'ont changée de place et j'écoute le cours. Soudain, la feuille sur laquelle j'écris disparaît. Je me tourne vers Lucas qui l'a entre les mains, et la parcourt du regard. 

-Tu as fait une faute. Ici, ce n'est pas "se", mais "ce". 

-Non, justement, c'est l'inverse, dis-je d'une toute petite voix.

-Pardon?

Il me regarde, un air surpris sur le visage. 

-"Ce", c'est un démonstratif... "Se" inclut... Une référence à une personne ou à une chose... Ici, c'est bien "la crise économique se fait sentir"... [oui parce qu'en première S, ton premier thème parle de ça. Passionnant...]

Il me regarde, ses yeux bruns foncés ancrés dans les miens. Je ne parviens même pas à distinguer la limite entre sa pupille et son iris tant son iris est sombre. Sans me lâcher du regard, il lève la main. Le prof, étonné par un signe de vie ou même de conscience de la part de Lucas, l'interroge avec des yeux ronds.

-Dans "la crise économique se fait sentir"... C'est se avec S ou C?

-Euh, avec S... Ce avec un C est un démonstratif.

-Ah. Bon. 

Il me tends ma feuille.

-Désolé d'être con et d'avoir contredit ton intelligence supérieure, s'excuse-t-il. 

-Tu avais un doute, ça arrive... murmurais-je...

Il continue de m'observer pendant quelques secondes avant de se détourner complètement.

C'est ça, oublie moi, tu veux...

La cloche sonne et nous nous dirigeons dans la salle de classe où nous avons allemand. Lucas s'installe à côté de moi, conformément au nouveau plan de classe. Joie. 

En plein milieu de l'heure, pendant que la prof parlait déclinaisons, le CPE toque et entre.

-Où est Tasha? Tasha Lermain?

Je lève la main. Mon Dieu, qu'est ce qu'il se passe encore?