Chapitre 5

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Je poste une photo sur instagram de mon violoncelle et de moi. Elle atteint rapidement un nombre astronomique de j'aime et de commentaires. Je suis rentrée à la maison, sous les supplications de Suzie. Mon frère vient me rendre visite dans ma chambre. Mes parents, eux, n'ont pas parlé d'elle. Je crois que c'est trop dur pour eux. J'ai quand même tenu à leur dire qu'elle allait bien.

-C'était laquelle? me demande Ulysse, adossé au chambranle de ma porte.

-La 5. 

-Tu penses qu'elle a commencé la suite?

-Oui, avoué-je.

Je n'en ai pas parlé, mais quand Suzanne commence la suite, elle répète plusieurs fois le même mot: "bientôt". Elle l'a répété quarante-trois fois, en deux heures. Ensuite, elle ne veux pas me laisser partir. J'associe ce comportement à la peur inconsciente qu'elle développe à l'idée que Suzanne 6 apparaisse. Je pense qu'au fond d'elle, elle sait quand Suzanne 6 va apparaître, elle n'est juste pas capable de le dire clairement. 

-Prends bien ton bip, demain. On ne sait jamais.

-C'est prévu, ai-je dit. 

Le lendemain, avant d'arriver au lycée, je téléphone à Mark pour lui faire part de mes soupçons. 

-Pourquoi tu ne nous a jamais parlé de ça? demanda-t-il, essoufflé à force de courir partout pour prendre les mesures drastiques qui s'imposent. 

-Je ne voulais pas que tout le monde me prenne pour une folle.

-C'est mon métier de détecter les folles, Tasha. Et tu n'en est pas une, tu...

Il s'arrête. Je l'entends essayer de parler à Suzanne.

-Ok, Tasha?

-Qu'est ce qu'il y a?

-Suzanne 3 est là. Elle ne bouge pas. Elle ne veut pas me parler. Prépare toi à venir aujourd'hui, d'accord?

-Ok. Je préviens le CPE. 

Je raccroche et je vais voir le CPE. Je secoue mon bip. 

-Je risque de partir en urgence aujourd'hui, mais on m'enverra une voiture.

Effectivement, dès que Suzanne 2 se manifeste, on m'envoie une voiture qui me cherche au lycée et m'emmène à l'hôpital psychiatrique. Le CPE hoche la tête. 

Je suis assise en cours de maths, aux côtés de Lucas qui me regarde faire mes exercices. Je regarde ma montre: il est onze heures quinze. 

-Tu ne veux pas les faire, tes exercices? demande-t-il.

-Je te demande pardon?

-Au lieu de regarder ton podomètre à ta ceinture ou de regarder l'heure toutes les quatre minutes, tu ne veux pas faire tes exos que je les recopie?

Non mais quel connard, celui là! Je suis tellement sur les nerfs que je réponds sèchement sans vraiment m'en rendre compte.

-Primo, c'est pas un podomètre, et ça te regarde pas. Deuxio, le principe des exercices, c'est que t'es censé les faire tout seul en alignant les deux neurones qui se battent en duel dans ta boîte crânienne. 

Il recule et m'observe avec un sourire en coin. Encore choquée par mes propos, je ne peux m'empêcher de rajouter:

-Si tu ouvres encore la bouche, je te fais bouffer mon équerre par le nez. 

Je suis tellement froide que même moi, je m'effraie. C'est tellement contraire à mes habitudes! Je suis toujours celle qui acquiesce gentiment sans rien dire, qui fait ce qu'on lui demande même si ça ne lui plaît pas. 

Soudain, le biper s'allume. Un son strident sort du boîtier. La prof me regarde, elle comprend. Lucas s'affole.

-Oh! Oh, mais qu'est ce que t'as, là!

-Ulysse, appelai-je en l'ignorant, prends mes affaires!

Ce dernier hoche la tête et je me lève. Je pars en courant sous les hurlements de Lucas qui exige une explication.

Il se croit vraiment tout permis, celui là. 

Je cours dans le couloir, ma veste sur les épaules. Dans ma poche, mon portable et mes clefs. Je descend les escaliers en courant, toujours courir, et je ne m'arrête que quand je suis assise dans la voiture de Mark. 

-C'est la merde, déclare-t-il. 

-Pourquoi tu dis ça?

-Je sais pas, ta sœur passe de légume à satan en moins de trois heures, tu trouves ça normal? 

-Elle est déjà en 6?

- Non, mais elle ne va pas tarder. 

Il allume le gyrophare et fonce, en slalomant entre les voitures. Il prend un virage très serré et place son bras devant ma poitrine pour ne pas que je fasse un mauvais mouvement.

-Est ce que ça va? demande-t-il. 

-C'est plutôt à moi de te demander ça... C'est vrai que tu n'as jamais eu affaire à Suzanne 6.

-Ouais, ok, j'avoue que j'angoisse un peu. En plus, je suis contre le fait qu'on te laisse seule avec elle. 

-Je sais quoi faire. Je suis douée en body combat, et je sais comment lui parler.

-Je ne suis quand même pas rassuré. 

Nous arrivons à l'hôpital une heure et demie plus tard. Il a grillé je ne sais combien de feu, j'ai failli mourir six fois, mais bon, la voiture a un grand "urgence psychiatrique" sur le pare brise arrière, donc ça excuse. Non?  

Avant d'entrer dans la chambre de Suzanne, Mark me tient le bras.

-On a lancé une procédure de confinement, les patients sont enfermés dans leur chambres, alors elle risque de s'en prendre à toi, si elle ne peut s'en prendre à quelqu'un d'autre.. Laisse moi entrer avec toi. 

-Mark, elle ne me fera jamais rien. 

-S'il te plaît.

Je pèse le pour et le contre. Mark risque d'être blessé. Mais si il tient à m'accompagner...

-D'accord. Nous entrerons tous les deux, mais tu m'obéis au doigt et à ...

-Oui.

-Déjà, cache tes armes. Elle risquera d'avoir peur. Mets tes mains là où elle peut les voir. Ne panique pas, ou ne le lui montre pas.

Nous entrons calmement. Suzie est assise sur le rebord de sont lit, le même sourire sadique plaqué sur son visage. Elle regarde fixement le mur. Je ne sais pas ce qu'elle s'imagine pour paraître aussi satisfaite. Et je ne veux pas vraiment le savoir, mais je n'aurai pas le choix.

-Suzie, dis-je d'une voix douce.

Elle me regarde et tourne légèrement la tête vers nous. Elle penche la tête à droite, et se met à me dévisager.

-Bonjour, sœurette. (elle s'arrête et regarde intensément Mark) Oh... Mais tu as amené de la compagnie...

Elle se lève, le regard fixé sur Mark qui met un pied en arrière et qui dirige la main vers son taser. Suzanne le remarque.

-Ton taser ne te servira à rien, mon chou...

Je me met devant lui et fixe Suzanne.

-Assieds toi, Suzie, s'il te plaît. 

Elle ne semble pas m'entendre et continue d'avancer.

-N'y pense même pas, dis-je plus fort et plus fermement. 

Elle me regarde, mais continue d'avancer. 

-Suzanne! hurlé-je. 

Elle sursaute et me regarde.

-Assise. 

Elle m'obéit.

Eh bien, elle en a mis, du temps! 

Je déteste lui crier dessus, mais parfois je n'ai pas le choix. 

-J'ai envie de te tuer, me dit-elle.

Stars [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant