5 - Arrivée à bon bord

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Quand la jeune femme revint à elle, elle eut durant quelques secondes un doute quant à sa situation avant de se rappeler son périple précédent.

Combien de temps était-elle restée inerte ? Pouvait-elle contrôler ses rêves ? Elle avait entendu parler de ces capacités durant sa première année d'université, mais jamais elle n'avait pensé pouvoir faire partie de ce cercle de gens, sans avoir connu d'entraînement en plus...

Lys n'était pas particulièrement fan de l'originalité. Elle se voyait plus comme un cliché de banalités et cela la rassurait.

Alors qu'elle s'asseyait, elle remarqua enfin que l'obscurité qui l'avait encerclée autrefois avait désormais disparu. La gorge nouée et les dents serrées à cette réflexion, Lys se frotta le front. Le mal de crâne qui la gagnait peu à peu était si inhabituel qu'elle peina à se relever. Elle se sentait terriblement affaiblie.

Si toutefois sa part raisonnable avait raison et qu'elle rêvait, ce songe lui ôtait toute sa force physique et mentale. Il lui était déjà arrivé d'être fatiguée par un cauchemar et plus d'une fois. D'ailleurs, en y pensant bien, c'était toujours le même rêve qui la mettait dans cet état : celui mettant en scène une personne enchaînée, lui hurlant de fuir. Chaque fois, le visage de cette dernière changeait. Daphné, le serveur au café non loin de sa fac et même cette fameuse Mélodie avaient été tour à tour la fameuse victime...

Après un coup d'œil sur sa droite puis sur sa gauche pour oublier ce songe déroutant, Lys réalisa qu'elle se trouvait dans un endroit qui lui était inconnu. Un flash-back lui parvint : celui des lettres du livre dansant sur la couverture sous ses yeux effarés. C'était comme si ces dernières s'étaient mises à marcher. Plus elle y pensait et plus la peur la gagnait. Devenait-elle folle ? Comment pouvait-elle rêver d'une chose aussi bizarre ?

Si elle avait entendu dire que le subconscient cherchait à faire comprendre aux gens des points que leur conscience leur cachait à travers les songes, qu'est-ce que celui-ci pouvait bien vouloir lui faire comprendre en l'amenant dans un tel endroit ?

Ce ne fut que lorsqu'une bourrasque balaya son visage qu'elle sortit de ses pensées et réalisa que ses jambes autrefois à demi-nues avaient été épargnées par le vent frais. Ses yeux se posèrent avec lenteur sur la robe victorienne dans laquelle elle se trouvait. Celle-ci était de la couleur du sang, avec une encolure légèrement arrondie, des manches longues dotées de volants aux poignets et le devant de la jupe en dentelle bordé de froufrous noirs. L'habit était somptueux mais la crinoline sous son jupon n'était pas du tout confortable si bien qu'elle se demandait désormais comment elle avait fait pour ne pas se rendre compte de son accoutrement plus tôt.

Bien qu'interdite face à sa tenue, elle se força à abandonner son observation. Les mains crispées sur le tissu de son vêtement, elle donna de nombreux coups d'œil autour d'elle mais Lys était toujours seule. Que devait-elle faire ? Habituellement, elle n'avait souvenir que de la fin de ses cauchemars. Pourquoi celui-ci paraissait durer si longtemps ?

— Non mais qu'est-ce que c'est que ça ? murmura-t-elle en levant la tête vers le ciel.

Seule la Lune éclairait les lieux. D'ailleurs cette dernière, bien plus grosse qu'à l'ordinaire, avait une drôle de forme et lui donnait l'impression d'être en perpétuel mouvement.

Ses yeux fixaient avec attention l'astre de la nuit lorsqu'une chauve-souris mit fin à son observation en volant à quelques centimètres de son visage. D'abord surprise, Lys recula. Son pied se posa alors sur le bas de sa robe et la jeune femme faillit perdre l'équilibre. Ce fut à cet instant qu'une foule de personnes masquées apparut. Leur arrivée plus qu'étrange la laissa interdite.

Tout le monde était vêtu dans le même style qu'elle, bien que les robes des femmes étaient moins élégantes que la sienne. Elle avait l'impression d'être une marquise à côté de servants. Ce n'était pas la première fois qu'elle rêvait de cette époque. Faire des études d'histoire de l'art avait probablement amplifié ses capacités d'imagination.

En croisant le regard d'un homme, elle porta la main à son visage. Pourquoi était-elle la seule à ne pas avoir de masque ?

— Par tous les diables, il arrive ! cria quelqu'un que Lys ne réussit pas à percevoir.

L'affolement dans la voix féminine qu'elle venait d'entendre lui glaça le sang et elle se sentit soudainement connectée à tous ces gens apeurés. Des milliers de gouttes qui se transformaient en un océan d'affolement, voilà ce qu'ils étaient. Et Lys n'était rien d'autre qu'une simple petite gouttelette.

— Excusez-moi, lança-t-elle en s'approchant d'une robe noire.

Mais la grosse femme au masque sombre l'ignora. Pour être plus exact, elle ne la remarqua même pas. L'étudiante se rendit compte que la robe noire se comportait comme si elle avait des œillères.

— Il arrive, il arrive, il arrive ! s'écria cette dernière, à deux doigts de l'hystérie.

Lys frissonna. Elle eut envie de lui demander qui arrivait. Mais l'idée d'entendre la réponse l'effrayait trop pour qu'elle ne parvienne à prononcer ne serait-ce qu'un mot. De plus, elle avait compris qu'elle n'aurait pas de retour, du moins de la part de la robe noire.

Rapidement, l'atmosphère mystérieuse changea en une atmosphère beaucoup plus froide et terrifiante et la jeune femme eut envie de s'enfuir. La forêt qu'elle apercevait au loin, après l'immense portail en fer forgé, semblait être la seule échappatoire et malgré son aspect effrayant, cette dernière la tentait subitement. C'était comme si la panique de tous ces individus avait envahi son corps.

Je dois partir.

Même si elle ignorait comment elle pouvait en être à ce point certaine, elle sentait qu'elle avait besoin de s'éloigner de cette cohue mais ses pieds refusaient de bouger. C'était comme si ces derniers étaient dans du béton coulé.

Du calme. Je dois me calmer. Je suis en train de rêver, rien de plus, continua-t-elle.

Cependant la jeune femme ignorait si elle était véritablement persuadée de ce qu'elle avançait ou bien si elle se le disait simplement pour se rassurer. Un brouillard semblait avoir gagné ses pensées.

Lys passa nerveusement une main sur le sommet de son crâne et son pouce se fit prisonnier de ses cheveux. Sa panique augmenta. Elle oppressait désormais. Ce sentiment qui venait du plus profond d'elle, jamais encore elle ne l'avait ressenti aussi fort.

— Je veux partir ! hurla-t-elle, les yeux remplis de larmes.

Je veux me réveiller, songea-t-elle.

La jeune femme qui détestait les imprévus sentit son cœur gagner en cadence.

Si elle était capable d'interagir ne serait-ce qu'un peu avec son rêve, alors pourquoi ne pouvait-elle pas en sortir ?

Pourquoi chacune de ses suppositions se heurtaient-elles à un mur ?

L'essence de Lys 1 - Le bal d'Adriel (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant