L'essence de Lys 1 - Le bal d'Adriel (Terminée)

4 - L'étrange livre

La porte de la petite chambre universitaire s'ouvrit sur le visage fatigué de Lys. Les yeux à mi-clos, elle fit quelques pas, avant de soupirer. Totalement vidée d'énergie par sa journée de cours, elle avait désormais l'impression de traîner une carapace sur le dos. Lourde, celle-ci l'épuisait...

La sonnerie de son portable, dans la poche de sa veste, la fit sursauter. Doucement, elle attrapa son appareil, le déverrouilla et cliqua sur le message que Daphné venait de lui envoyer. Cette dernière lui parlait du week-end à venir et de leur futur séjour romantique.

Lys tapa une réponse rapide puis se débarrassa enfin de son habit qu'elle accrocha à son portemanteau mural. Puis après avoir déposé son sac à main sur son bureau, elle laissa son regard arpenter la petite pièce.

Il lui arrivait parfois de se sentir comme dans un placard. Les murs qui séparaient sa chambre de celle du voisin étaient si fins qu'il n'était pas rare qu'elle entende lorsque celui-ci allait à la douche ou tout simplement aux toilettes. Si elle avait songé à de nombreuses reprises à changer d'habitation, ses parents, qui n'en voyaient que par les logements pour étudiants, n'étaient pas du même avis qu'elle.

Pourtant un jour, trois semaines plus tôt plus exactement, elle avait fait une liste des annonces d'appartements de la ville correspondant à ses attentes, puis avait contacté les propriétaires. Même si cela voulait dire qu'elle s'opposait officiellement à ses paternels, son futur bail avait été signé et son déménagement était prévu pour les vacances de la Toussaint.

Elle allait enfin pouvoir dire adieu à son placard à balais et avoir une pièce à vivre avec des dimensions plus acceptables !

Dans un énième soupir, son regard fut attiré par le livre que Mélodie lui avait donné dans la matinée et qu'elle avait laissé sur son mini bureau. Encore une fois, Lys repensa à leur drôle d'échange quelques heures plus tôt.

Sa camarade de résidence lui avait vanté les mérites de l'ouvrage, lui assurant que l'histoire lui plairait. Mais tout ce que Lys avait retenu, était que la jeune femme s'était empressée de lui refiler le bouquin alors qu'elle n'avait même pas éprouvé d'intérêt pour ce dernier.

C'était comme si Mélodie avait eu peur de se brûler les mains à trop le garder avec elle. Lys s'était naïvement dit que c'était parce que cette dernière était angoissée à l'idée d'arriver en retard à son cours de musicologie, mais elle était bien loin du compte en vérité...

Seulement désormais que sa journée était finie et qu'elle repensait à sa voisine, pour la deuxième fois, elle prenait conscience que Mélodie avait été curieuse et alors qu'elle venait de dire à Daphné qu'elle souhaitait se reposer, son cerveau se mit à fonctionner puissance mille

Il y avait d'abord eu les grands yeux de l'étudiante, voilés d'inquiétude, puis ses mains, affreusement pâles, qui n'avaient cessé de trembler durant tout le temps où elle avait tenu ce livre. Sans oublier que lorsqu'elle avait pu se débarrasser de l'ouvrage, le visage de la jeune femme était soudainement et mystérieusement devenu serein.

Malgré cet apaisement, Lys avait aperçu le temps de quelques secondes, une vague peine traverser les iris grises de la rousse. Cette vague peine, la jeune femme avait eu l'impression d'en être la cause, pour une raison qui lui échappait. Ce sentiment, étrange et complètement ridicule, l'avait contrariée une bonne partie de la matinée et ce, même si ses cours avaient été chargés et qu'ils lui avaient demandé de la réflexion.

Grâce à Daphné, elle avait trouvé un peu de répit durant sa pause du déjeuner, mais comme à chaque fois que sa petite amie s'éloignait d'elle, ses pensées revenaient toujours.

Mélodie avait été la source de nombreuses interrogations. La première étant : qui donnerait un livre à une quasi-inconnue ? Certes, l'étudiante en musicologie et elle n'avaient jamais été irrespectueuses l'une envers l'autre, mais jamais elles n'avaient vraiment échangé...

La recherche de réponses à ses questions, qui perduraient encore, la poussa à observer le bouquin. Tout en s'asseyant, Lys fixa la couverture de l'ouvrage. Avec son allure de grimoire, il paraissait ancien, mais la jeune femme se doutait qu'il s'agissait seulement d'un effet pour illustrer le thème du récit. Lequel était-ce d'ailleurs ? Mélodie ne le lui avait même pas dit.

Plus les minutes passaient et plus son sommeil, même s'il restait grand, semblait perdre face à une curiosité grandissante. Et d'ailleurs, pourquoi s'intéressait-elle à ce point à cet objet ?

Les doigts de Lys frôlèrent le livre puis se retirèrent aussitôt. « Étrange » fut le premier mot qui lui vint à l'esprit quand la jeune femme sentit son cœur accélérer inexplicablement.

Un brin troublée, elle s'allongea sur le côté de son couchage. La tête maintenue par la paume de sa main, ses yeux soudainement à nouveau fatigués fixèrent le manuel. Doucement, elle ouvrit celui-ci pour le feuilleter. Malheureusement elle découvrit rapidement que la langue dans laquelle était écrit le texte lui était inconnue.

Pourquoi Mélodie lui avait donné un ouvrage étranger ? Sa voisine avait-elle essayé de lui faire une blague ? Si c'était le cas, celle-ci était de mauvais goût...

Subitement agacée, ayant l'impression d'avoir perdu son temps, elle referma le livre. Aussitôt, elle fronça les sourcils en voyant le titre de ce dernier changer. Comment une telle chose était possible ? « Le bal des monstres d'Adriel » venait soudainement de devenir « L'invitée d'Adriel » et la jeune femme, alerte, se redressa dans son lit avant de quitter celui-ci.

La fatigue devait vraiment lui jouer des tours... Décidément, les vacances allaient lui faire un grand bien.

Et voilà désormais qu'elle avait l'impression que les murs de la pièce dansaient ! Malgré des haut-le-cœur soudains, d'une démarche chancelante, elle tenta d'atteindre son minuscule bureau, mais vidée de force, elle n'y parvint pas. Essoufflée, elle porta la main à son palpitant. Celui-ci semblait vouloir s'échapper de sa poitrine. Impossible de bouger, c'était comme si elle était paralysée.

À cette pensée, un frisson parcourut son échine et ce fut dans un simple clignement des yeux que la jeune femme se volatilisa pour un autre monde.

Son voyage, épuisant et plus qu'étrange, lui parut durer une éternité. Elle fut maintenue par une force inconnue dans un tourbillon de fumée noire, si bien qu'elle se demanda si elle ne s'était pas endormie et n'était pas en train de rêver. Puis alors qu'elle tentait de se rassurer en se disant que rien de tout cela n'était réel, elle chuta.

L'air devint frais avant de finir glacial au fur et à mesure qu'elle perdait en altitude. Subitement résignée, Lys attendit, avec appréhension, son impact sur le sol, cependant celui-ci, contre toute attente, se fit délicat. Ce fut comme si des ailes invisibles et surtout insoupçonnées venaient de pousser dans son dos et l'avaient sauvée d'une mort certaine...

Pourtant, son sentiment de sécurité ne dura pas puisque perdue dans un néant de couleur, elle n'entendit plus que sa respiration, saccadée, venir rompre le silence pesant. L'air quant à lui, resta désagréablement froid et ce, malgré le fait qu'elle n'était plus en mouvement.

Elle aurait aimé pouvoir se rassurer en se disant qu'il ne s'agissait que d'un affreux cauchemar, mais une part de son cerveau, qu'elle jugea aussitôt de folle, lui cria qu'elle était bien éveillée. Comment pouvait-elle penser une telle chose alors que rien autour d'elle n'était percevable et à priori logique ?

Lys n'eut pas le temps d'apporter une réponse à sa question qu'elle s'évanouit.