8 - Rêve ou réalité ?

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Les premières notes orchestrales coupèrent court à ses réflexions. Les violons réveillèrent chez elle une émotion qu'elle n'avait encore jamais ressentie pour une simple musique. Le cœur inexplicablement lourd et à contrario, l'esprit apaisé, elle laissa ses yeux arpenter la pièce.

Adieu la mission fuite, depuis son arrivée, elle ne lui avait pas accordé d'attention et quel était son tort !

Son regard se posa sur les nombreux lustres baroques. Il s'agissait sans aucun doute de cristal. Avec ses nombreuses peintures et son ornement, ce plafond était probablement le plus beau qu'elle n'avait jamais vu. En parfaite opposition avec l'atmosphère lugubre de l'extérieur, cette pièce réchauffait son corps en causant son plus grand émerveillement depuis la fois où elle avait visité le palais des glaces.

La jeune femme détailla avec intérêt la colonne corinthienne engagée dans le mur à ses côtés. Elle avait subitement envie de laisser courir ses doigts sur la pierre. Elle en avait évidemment déjà vue durant sa vie et surtout depuis le début de son cursus universitaire, pourtant celle-ci était différente. Elle était plus travaillée, plus imposante, plus impressionnante.

Lys observa une fois de plus la salle mais cette fois-ci avec un regard nouveau. À des kilomètres de la jeune femme qui était trouvait la situation étrange, elle savoura le spectacle que cette pièce offrait à ses yeux.

Ce mélange de styles était curieux mais très intéressant et divin. Elle était certaine que son professeur d'histoire de l'art aurait été éblouie devant tant de beauté. Probablement aurait-elle passé la nuit à caresser la pierre et à s'émouvoir devant l'architecture. Elle serait même devenue ingérable et aurait sûrement gâché la soirée à toutes les personnes présentes dans la pièce. Désormais Lys ressentait de la fierté. Elle était la seule à pouvoir voir ce petit bijou.

La jeune femme regarda le revêtement doré des murs. Elle s'attarda sur le travail minutieux des grands miroirs. Puis elle observa le parquet qui, malgré quelques marques du temps, donnait envie d'y poser les pieds pour sentir le bois poncé et poli contre sa peau. Elle désirait apprécier la froideur de celui-ci, tourner au milieu de cette pièce, les yeux rivés sur le plafond et écouter le son mélodieux des violons.

Lys avait désormais envie de valser, pieds nus, de laisser libre court à ses désirs et de se débarrasser de toutes ses craintes ou avant-gardes.

Elle se sentait légère. Elle ne donnait désormais plus de place à l'angoisse, aux questionnements et à la fatigue. Elle avait l'impression d'être un oiseau, un oiseau que l'on venait de libérer de nombreuses années d'emprisonnement, de nombreuses années d'aveuglement sur la véritable beauté du monde.

Doucement, la jeune femme avança. Un pas. Deux pas. Trois pas. Les yeux brillants, le visage radieux, elle ne put s'empêcher de sourire.

— Voyez la magie de cet endroit ! déclara le majordome en levant la main.

Les yeux de ce dernier survolèrent la pièce avant qu'il ne continue :

— Ressentez l'esprit de cette pièce. Entendez le chant de la liberté. Goûtez aux délices d'autrefois !

— Depuis combien de temps travaillez-vous ici Gaspard ? demanda Lys en donnant un coup d'œil au vieil homme.

Ce dernier parut surpris qu'elle s'adresse directement à lui. Tout en tirant sur sa moustache grisâtre, il lui offrit un léger sourire et ses pupilles pourtant sombres se mirent à pétiller.

— Depuis la nuit des temps, très chère.

— Je ne vous ai jamais vu me semble-t-il. Pourquoi mon cerveau vous a-t-il a créé ? Qui êtes-vous censé représenter ? songea-t-elle à voix haute.

— Alors vous avez décidé d'abandonner la possibilité que ce soit la réalité ?

En effet, la jeune femme venait de faire son choix. Les rêves n'étaient pas véritablement dangereux et cela lui permettait de souffler. Alors désormais, elle se laisserait bercer par cet étrange songe.

— Pourquoi voulez-vous que je sois le résultat de votre imagination Lysandre ? continua le majordome.

— Vous venez d'y répondre Gaspard, en m'appelant par mon prénom alors que je ne vous l'ai pas donné. Puis aussi parce que c'est plus simple et rassurant ainsi. Parce qu'en partant du principe que rien de tout ceci n'est réel, je peux m'autoriser à profiter de cette drôle d'aventure. Parce qu'en me disant cela, je mets fin à toutes mes interrogations.

— Je vois, sourit une nouvelle fois Gaspard. Dans ce cas, permettez-moi de vous conseiller de profiter de la soirée comme s'il s'agissait de votre dernière.

Lys hocha la tête et sans plus attendre porta la main à ses chevilles. Ce fut après plusieurs dizaines de secondes d'équilibrisme qu'elle parvint à libérer ses pieds de ses deux prisons de verre. Elle avait l'impression de porter les souliers de Cendrillon. Ils étaient loin d'être confortables et leur beauté ne faisait pas pencher la balance aux yeux de la jeune femme.

Avec délice, elle sentit la fraîcheur du parquet. Avec empressement, elle s'élança parmi la foule. Elle tournoya, une fois, deux fois, trois fois. Encore, encore et encore. Elle leva les bras, offrit son visage au plafond et se concentra sur les émotions qui la gagnèrent.

Peut-être s'éloignait-elle de ce qu'elle aurait dû faire. Peut-être évaluait-elle mal la situation. Peut-être tombait-elle dans un piège.

Dans ce cas, sûrement le regretterait-elle plus tard. Probablement ne serait-elle plus en capacité de se lamenter après cette soirée...

Mais pour le moment, une seule chose comptait pour elle : jouir des merveilles que ce rêve éveillé avait à lui offrir.

L'essence de Lys 1 - Le bal d'Adriel (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant