Prologue

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Octobre

Le silence qui régnait dans la grande salle était glaçant. Le plafond, autrefois coloré d'un gris métallique, était aussi noir que les plumes d'un corbeau. Les regards, parfois incertains, parfois inquiets, parfois menaçants, ne cessaient de se croiser et de se défaire. Les bougies n'arrivaient plus à réchauffer la pièce, pourtant les flammes elles, avaient aisément doublé de volume. Les rideaux bordeaux qui empêchaient les curieux d'avoir vue sur le grand salon au décor ancien, semblaient sur le point de danser au rythme de la colère de la jeune femme qui se sentait prête à exploser.

— J'ai seulement dit qu'il serait peut-être temps de lui en parler, soupira Gladys en haussant les épaules.

Si elle avait osé reprendre la parole, ce n'était pas le cas des autres personnes dans la pièce. Tout le monde ici, ou presque, craignait la chef, ou plutôt la fille des chefs.

— J'ai dit non.

La voix de Daphné était sans appel. Pourtant, alors que les autres semblaient sur le point d'abandonner la partie et de sortir, Gladys fit un pas vers la brune. Si la dernière des Grant effrayait la plupart des gens, de par ses capacités et sa grande taille, la blonde ne paraissait pas apeurée.

Ce n'était pas une fille à papa aux tendances suicidaires qui allait la faire faiblir. Elle comptait vivre et non pas finir la gorge tranchée.

— À vouloir la protéger, tu nous traînes tous dans la même barque que toi. Ce n'est pas parce que tes parents sont puissants et que tu sais faire quelques petits tours de passe-passe que je vais m'agenouiller devant toi. Cette fille n'est pas des nôtres, elle n'est qu'une sang-mêlé qui nous mènera à la guerre !

Les yeux furibonds de Daphné se plantèrent dans ceux de Gladys. Aussitôt, un tourbillon de fumée noire se répandit au-dessus de la tête des deux ennemies. L'orage n'était pas loin et s'annonçait violent. Le vent venait de s'inviter dans le salon et faisait désormais virevolter des objets tranchants.

— Donc selon toi, parce qu'elle est une sang-mêlé, elle mérite la mort ? Tu ne crois pas que tu es un peu hautaine et surtout hypocrite de penser une telle chose ? Dois-je te rappeler les infractions que tu as commises et la raison pour laquelle tu es ici, parmi nous ? Mais je t'en prie, vas-y, je ne te retiens pas. Pars, si c'est ce que tu désires tant !

Gladys releva le menton puis détourna le regard, ce qui n'empêcha pas Daphné de remarquer la faible lueur d'inquiétude traverser les iris claires de la jeune femme. Son adversaire reprenait enfin sa place.

— Bien, je crois que nous venons de tomber d'accord.

Un sourire étira les lèvres pleines de la brune et l'atmosphère tendue de la salle disparut alors. Les bibelots qui, jusqu'à présent, valsaient dans le vide, reprirent leur place initiale, la lumière, qui quant à elle s'était faite réservée, réchauffa enfin les lieux et des soupirs de soulagement se firent entendre.

Tout était fini. Et comme toujours, Daphné avait eu le dernier mot.

— Tu ne pourras pas toujours la protéger. Tôt ou tard, elle devra choisir son essence. Et peu importe celle qu'elle choisira, les conséquences seront de taille ! lâcha tout de même Gladys avant de passer la porte.

Les prunelles noires de Daphné se fermèrent tandis qu'elle se laissait tomber sur son divan. Les bras étendus sur le dossier de celui-ci, elle croisa ses longues jambes, puis soupira profondément avant de ravaler sa salive.

Gladys ne lui apprenait rien. L'essence était une étape inévitable pour tout être de leur lignée, celle qui leur permettait de devenir ce qu'ils devaient véritablement être.

Seulement la jeune femme le sentait, Lysandre n'était pas encore prête. C'était pour cette raison qu'elle s'appliquait chaque semaine, depuis plus de deux ans, à faire des incantations afin de la rendre invisible aux yeux de ses potentiels ennemis.

Tout comme son père et sa mère, elle rendait honneur à leur auberge de sorciers. Elle prenait soin des plus fragiles, elle s'appliquait à donner une chance de survie à ceux qui avaient besoin de plus de temps pour voler de leurs propres ailes.

Les paupières de Daphné se rouvrirent. Ses doigts frôlèrent son médaillon, celui qui l'accompagnait depuis sa plus tendre enfance. Cette jeune rebelle l'avait mise en rogne si bien qu'elle avait failli perdre patience. La tension dans son corps avait été telle qu'elle avait eu l'impression qu'elle allait exploser.

D'habitude, la jeune femme arrivait à contenir ses émotions, mais cette fois-ci, le sujet l'avait profondément atteinte. Car en plus d'être la personne la plus importante à ses yeux, Lysandre était sa première protégée, et le resterait pour toujours.

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NDA : Petit prologue, mais qui normalement, pose un peu le contexte et doit susciter des questions. Que pensez-vous des personnages de la scène ?

L'essence de Lys 1 - Le bal d'Adriel (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant