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Le gravier m'entaille les pieds seulement recouverts de mes chaussettes presque trouées par les cailloux. Je continue de courir, je ne sais pas où je vais mais je le cherche dans tous les sens. Essoufflée, haletante, je m'arrête un instant pour regarder autour de moi : toujours personne. Dans un dernier souffle je crie de rage et de désespoir.

- JAMES ! JAMIE !

Les mains sur mes genoux je me courbe et reprends lentement une respiration normale. L'ombre d'une personne s'approchant me fait lever la tête. Face au soleil j'ai du mal à le regarder mais je le reconnais. James est devant moi avec une expression sur le visage que je ne lui connaissais pas : ce n'est pas son attitude neutre ni irrité par quelque chose, il a juste le regard vide, sombre. Je n'ai qu'une seule envie c'est de le prendre dans mes bras. Je me rends compte qu'il me manque et ça me torture de l'admettre.

- Cara.

Et c'est lui qui m'attrape pour m'attirer à lui. Je ne peux m'empêcher de poser ma tête contre son torse et d'humer son odeur si unique.

- Merci pour mes affaires.

- C'est le moins que je pouvais faire.

Comme à son habitude, son menton est en appuie sur le dessus de mon crâne. Toutes ces petites choses que nous avions installées entre nous en si peu de temps mais qui se sont aussi vite évaporées.

- Où les as-tu trouvées ?

- Tu es toujours aussi tête en l'air quand t'es pressée.

- Et le livre ?

- Ça va faire un moment que je l'ai aussi. Je voulais te l'offrir pour la remise des métiers.

Ça ne fait qu'un bond dans mon esprit. Tout me revient : toutes les erreurs qu'il a commises, toutes les questions auxquelles je n'ai pas encore de réponse, tout ce qui m'avait éloigné de lui. Et même si au plus profond de moi j'ai envie de lui pardonner, je n'y arrive toujours pas. C'est décidé, cette embrassade, cette conversation doivent être les dernières. J'ai besoin de mettre tout ça derrière moi et pour de bon. Amèrement je me détache de lui.

- Pour la remise des métiers ? Celui dont tu m'as privé c'est ça ?

- Cara, ne remet pas ça sur le tapis. J'ai merdé je sais.

- Tu as plus que merdé pour cette fois ! J'aurai pu te pardonner d'avoir embrassé Olivia, j'aurai pu James. Mais tu as foutu en l'air mon avenir !

J'exagère mes propos parce qu'au fil du temps, en me documentant sur la pédiatrie j'ai trouvé une nouvelle vocation qui parait plus cohérente avec mon profil. Dans un sens il m'a aidé à me trouver un nouvel avenir. Ce que je lui reproche cependant, c'est de m'avoir privé de la satisfaction de réussir, d'accomplir un de mes objectifs et je ne comprends toujours pas pourquoi.

- Je voulais simplement te protéger.

- Me protéger de quoi ? Je suis assez grande pour le faire moi-même.

- J'espère que tu comprendras un jour.

Il tente de me prendre la main. Je le repousse. C'est à ce moment-là que j'arrive enfin à lire dans ses yeux, à y voir du regret ainsi que du chagrin. Il se mordille la lèvre inférieure, les bras le long de son corps, les poings fermés.

- Pardonne-moi.

Sa voix se brise.

- Je ne peux pas je suis désolée.

- Je t'en prie.

- Non. Tu as perdu ce droit au moment où tu as pris cette décision.

- Rien n'est perdu.

A mon tour, je craque contre ma volonté.

- Arrête de me dire toutes ces choses. J'en ai assez d'entendre plein de belles choses, des promesses qui viennent de ta bouche alors que tout va s'envoler d'ici peu. Tu n'es qu'un menteur.

- ...

- Et tu sais quoi, j'adorais ma vie d'avant, celle où tu n'étais pas là. En te rencontrant, tout a été chamboulé. Tu m'as mise la tête à l'envers, tu m'as fait découvrir le monde, qui j'étais réellement et ce dont j'avais besoin, enfin ce dont je croyais avoir besoin. Tu m'as tant donné en si peu de temps que j'ai apprécié chaque instant. Et tout bêtement, je suis tombée amoureuse de toi parce que tu étais le premier garçon qui s'intéressait à moi. Si j'avais su, je t'aurais repoussé dès notre première discussion. Parce que c'est à ce moment-là que j'ai su que je ne supporterai pas d'être loin de toi juste une seule seconde.

- Cara ...

- Non ! Laisse-moi finir. Tu m'as brisé le cœur James. Et tu n'avais pas le droit, tu avais aucun droit d'entrer dans ma vie et mettre le bazar là-dedans.

Je pointe ma poitrine, à l'endroit exact où mon cœur se resserre à chaque fois que je repense à toute notre histoire.

- Pour moi, l'amour c'est quelque chose qui doit seulement nous procurer du bonheur quotidien, durable et intense à chaque fois. Et parfois, il y a un peu de tristesse sans qu'elle ne prenne le dessus sur la joie. Etre amoureux tu vois, ça doit être comme une drogue, chaque jour on a notre dose et chaque jour notre santé s'améliore grâce à elle. Malheureusement, de temps à autre, on rencontre les mauvaises personnes et finalement, ça nous pourri la vie. Tu étais mon tout premier James, pour plein de choses. Le seul. Et c'est ça qui fait le plus mal. J'aurai aimé que les choses se finissent bien entre nous, qu'on puisse être amis car chaque seconde que je passe sur le Continent je pense à toi à m'en rendre malade. Un rien me fait penser à toi. Et le pire c'est que lorsque j'arrive enfin à te regarder dans les yeux, même si je peux y voir de la culpabilité, jamais je n'arriverai à me pardonner. Parce que, oui, au fond, c'est moi la fautive. J'ai été trop naïve, j'ai cru que toi et moi c'était inévitable, programmé depuis notre naissance, qu'on ne se séparerai jamais. C'est pourquoi j'ai mis toute mon âme dans notre relation ; celle que tu as détruite en l'espace de quelques minutes.

Une grande inspiration d'air m'aide à dire ma dernière phrase.

- Alors toi et moi, ça doit se terminer ici et maintenant.

Je me retourne pour ne plus le voir. Les autres sont sur le palier de l'immeuble à nous regarder au loin. Ils ne tentent pas d'intervenir et c'est tant mieux. Nous ne leur prêtons pas attention non plus. Les bras de James m'entourent la taille, il calle son front contre le derrière de ma tête. Tout mon corps se met à trembler, des larmes perlent sur ses bras et seuls mes sanglots se font entendre.

- Je t'aime.

- Ça n'a plus aucun sens, dis-je avec difficulté.

- Dis-le. Une dernière fois.

Je ne réponds plus. Je reste figée sur place, immobile. Ses bras toujours autour de moi se desserrent petit à petit et finissent par me libérer. Je n'ai pas la force de jeter un dernier regard derrière moi, je cours rejoindre les autres.

- Je t'aime à la folie Cara, murmure-t-il pour lui-même.

Mes larmes s'envolent et se mélangent au vent. Nous ne nous disons rien en entrant dans l'immeuble, je sens juste les bras d'Hayden autour de mes épaules et je finis par dire :

- Adieu James.

Retrouve Moi Une Dernière FoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant