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Nicolas, ou plutôt Nick comme il préférait qu'on l'appelle, n'était qu'un adolescent banal de quinze ans. Du moins, c'est ce qu'il essayait de faire croire aux yeux des autres. Il n'avait rien de banal, autant dans son physique que dans sa façon d'être. Tout cela trahissait l'aspect qu'il voulait renvoyer. Mais après tout, à quoi cela servait de faire semblant, de paraître normal, quand jamais il ne sera considéré comme tel, surtout pour des personnes qui le détestent ?

Il était beaucoup trop maigre par rapport à sa taille : il ne pesait qu'à peine trente kilos, alors qu'il mesurait un mètre soixante. Son teint était extrêmement pâle, ses joues étaient creuses, et presque tous les os de son corps se voyaient. Se changer dans les vestiaires était toujours une sorte d'épreuve épouvantable, car tous les garçons se moquaient de sa morphologie. Mais s'il le pouvait, il ferait tout pour en avoir une normale, et surtout, saine.

Le lycée pour lui était un enfer en général, et le collège n'avait pas été mieux. Tout le monde se moquait de lui par rapport à sa maigreur -- sans vraiment chercher les causes évidemment --, et les seuls amis qu'il avait lui faisaient aussi des blagues par rapport à ça de temps en temps. Ses habits étaient beaucoup trop grands pour lui, on pouvait dire qu'il flottait littéralement dedans : en gros, il faisait pitié à voir, mais cela était plus un sujet de rigolade que d'inquiétude pour les personnes qui l'entouraient. Ils se moquaient également du fait qu'il venait souvent en cours avec des bleus et de nombreuses égratignures : tout le monde pensait qu'il était juste extrêmement maladroit -- ce qu'il essayait donc de faire perdurer --, alors que c'était tout autre chose qui se cachait derrière cela. Cependant, personne ne savait pour les cicatrices qui recouvraient ses bras et ses cuisses frêles.

La vie à la maison pour lui était un enfer en général, car sa mère le détestait au plus haut point. Il n'avait jamais été désiré, et surtout, était issu d'un viol. Elle ne le considérait même pas comme son fils, mais plutôt comme un être humain qu'elle était contrainte d'héberger. Elle ne le nourrissait presque pas, ne gagnant aucun salaire, vivant dans un véritable taudis ; et même si elle pouvait le nourrir correctement, elle ne l'aurait jamais fait. Elle préférait dépenser le peu d'argent qu'elle gagnait de l'État dans des choses illicites, et n'achetant en soi que le strict minimum pour elle-même, même si elle ne faisait pas si attention que ça à son propre bien-être. Et pour lui faciliter la vie, c'était presque comme si elle le traitait comme un esclave : elle le forçait à faire toutes les tâches ménagères, et s'il ne le faisait pas comme elle le souhaitait -- ce qui était donc souvent le cas --, elle le battait. Parfois, elle le battait jusqu'à ce qu'il n'ait plus aucune force, et s'évanouisse. Heureusement, elle n'était jamais été plus loin, mais cela avait de grandes répercussions sur sa santé physique, et mentale. Et elle faisait cela depuis qu'il était en capacité de parler et de marcher. Toute cette situation avait été encore pire quand il n'était qu'un bébé, et il savait pertinemment que c'était la plus grande raison de pourquoi "il n'était pas normal", selon lui et les autres.

La vie pour lui était un enfer en général. Toutes ces moqueries au lycée et le traitement que lui offrait sa mère l'empêchaient d'avoir une vie normale d'adolescent de quinze ans. Il aimerait être comme tous ceux de sa classe : heureux, entourés d'amis au même tempérament qu'eux, qui aimaient la vie tout simplement, avec ses hauts et ses bas. Mais sa vie à lui n'était faite que de bas. Il était en dépression depuis de nombreuses années, et ne pensait très clairement pas s'en sortir un jour. Il n'avait jamais vu un psychiatre -- il ne pouvait clairement pas se permettre d'un avoir un --, mais avec tout ce qu'il savait sur cette maladie, il était sûr qu'il en était atteint, depuis un long moment déjà. Clairement, l'âge importait peu pour cette maladie. Car seulement à quinze ans, sa vie était déjà un enfer.

Tous les soirs, sans exception -- ou peut-être qu'il pouvait y en avoir quelques-unes, mais s'il y en avait, c'était que sa mère l'avait une nouvelle fois battu jusqu'à l'évanouissement et ne s'était pas réveillé avant --, il se taillait les veines, du plus profond qu'il pouvait, aimant voir le sang chaud et le rouge écarlate couler le long de ses bras. Cette vue était la seule chose qui l'aidait à se libérer, et pensait qu'en faisant cela et en voyant la source de vie s'échapper de son corps de cette manière, cela le mènerait petit à petit vers l'entrée de la mort. Et la mort était une chose qu'il convoitait au plus haut point, en ayant assez de vivre dans cette situation.

Mais malgré ce qu'il faisait, et ce qu'il souhaitait, il voulait tout de même que quelqu'un lui vienne en aide. Peu importe si la personne était un professionnel, ou bien, s'y connaissait à peine : il voulait juste être écouté, compris, et qu'on le sorte de tout cet enfer.

La ville de Moonstone, qui se situait dans l'État de l'Oregon, était assez petite, et ne contenait que quinze mille habitants. Elle n'était pas très connue, et voir quelqu'un de nouveau, voir quelqu'un y emménager était rare : Moonstone pouvait être considérée comme une ville où les seuls habitants étaient ceux qui y naissaient, qui y restaient toute leur vie, et mourraient. Cependant, elle était assez contradictoire quant aux répartitions des quartiers d'habitations en fonction des classes sociales. Nick, qui habitait dans un véritable dépotoir, et dont la façade était en train de se dégrader, se situait à côté d'une somptueuse maison qui, il trouvait, ressemblait quasiment à un manoir. Celui-ci venait tout juste d'être de nouveau habité, quelque chose d'exceptionnel, en effet.

Sa mère n'avait pas du tout pour habitude de saluer les nouveaux voisins -- après tout, il n'y en avait presque jamais --, et encore moins s'ils étaient riches ; si elle le faisait, c'était que ceux-ci avaient quelque chose en rapport avec quelque chose dont elle était dépendante et qu'elle voulait que son fils le soit aussi, c'est-à-dire, la drogue. Car bien évidemment, qu'est-ce qu'une mère abusive sans qu'elle ne prenne de la drogue ou, boive de l'alcool ? Et bien, elle, faisait les deux. Elle entraînait son fils avec elle car elle voulait également le plonger là-dedans, pour qu'elle puisse s'en débarrasser le plus vite possible en accélérant sa mort -- car elle était bien au courant de toutes les violences qu'il s'infligeait, et en était plus qu'heureuse.

Ses voisins étaient donc des dealers de drogue qui habitaient dans une somptueuse demeure et venaient tout droit de France. Pour de telles personnes, ils étaient plutôt raffinés, sûrement pour que personne ne devine leur métier. Ils étaient élégants, et les meubles suivaient avec leurs goûts vestimentaires : on aurait pu croire qu'ils étaient de la bourgeoisie, et rien de plus, et qu'en aucun cas ils ne faisaient des choses illégales.

Et son cœur chavira immédiatement quand il vit le fils de ses nouveaux voisins ; il aurait cru voir un ange tout droit venu du ciel, du moins, son visage renvoyait cette image. Il n'était absolument rien comparé à lui ; il n'aurait jamais pensé que ce qui allait se passer dans le futur aurait pu se produire.

Ardeur Sentimentale - [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant